L’innovation galopante dans la santé attire les investisseurs
Sofinnova a clos une levée de fonds de 445 millions d’euros destinée à financer des entreprises en croissance.
C’est un signal du regain d’intérêt des investisseurs pour le secteur de la santé. Sofinnova, l’une des principales sociétés européennes de capital-risque, vient de clore au-dessus de ses objectifs l’un de ses fonds, dédié aux biotechs et aux medtechs (qui conçoivent des dispositifs médicaux) en phase de croissance. Elle a levé 445 millions d’euros en trois ans, déjà investis dans dix sociétés de healthtech, avec l’objectif d’en financer dix supplémentaires d’ici quinze mois. «Ce montant fait de notre fonds le plus important en Europe sur ce créneau, commente Antoine Papiernik, président de Sofinnova, qui compte l’assureur CNP et Bpifrance parmi ses investisseurs mais aussi des family office européens. Il va permettre de financer biotechs et medtechs qui trouvent facilement des fonds à l’amorçage mais peinent souvent à financer les phases plus avancées de leur développement.»
Ce fonds de Sofinnova est aussi le premier labellisé «Tibi» à clore une levée de fonds. Ce dispositif est né en 2020 après la publication du rapport Tibi, du nom d’un économiste missionné par le gouvernement. Il a permis de convaincre 22 investisseurs institutionnels français, banquiers et assureurs (Allianz, Natixis…), de mettre 6 milliards d’euros sur la table d’ici à trois ans pour financer l’essor industriel et commercial de start-up et de sociétés de healthtech afin d’en faire des champions dans leur domaine.
Parmi la vingtaine de fonds labellisés «Tibi», figure celui d’Andera Partners qui a levé deux tiers des 450 millions d’euros promis. Tout juste créé, Lauxera Partners, a, lui, réuni 100 millions auprès d’investisseurs tel Tethys, le holding de la famille Bettencourt, l’assureur Covéa ou Bpifrance. «Nous constatons un accroissement très net de l’allocation des investisseurs dans le secteur de la santé en “fonds cotés” et en “fonds non cotés”, même pour ceux qui n’avaient pas de stratégie sectorielle jusque-là», note Pierre Moustial, ex-directeur général d’Urgo, à la tête de Lauxera Partners.
Il n’était pas facile jusque-là pour les biotechs et medtechs de séduire les investisseurs. «La santé n’a pas toujours été bien comprise, perçue comme trop compliquée et trop risquée financièrement», reconnaît Antoine Papiernik. Sans parler du caractère aléatoire de la recherche et du business model de ces entreprises qui doivent parfois attendre dix ans avant de percevoir des revenus. «Il est difficile de trouver des investisseurs quand la société est encore en pertes et qu’elle doit financer son expansion internationale et son usine», renchérit Pierre Moustial.
Création de valeur
Mais le mouvement est en marche, enclenché par l’accélération de l’innovation dans le secteur. «Nous expliquons aux investisseurs que le niveau d’approbation des nouvelles molécules est au plus haut (une cinquantaine par an aux États-Unis) et que deux tiers de ces molécules viennent de biotechs, contre un tiers il y a dix ans», explique Raphaël Wisniewski, directeur associé d’Andera Partners. L’appétit de certains grands labos qui n’hésitent pas à payer très cher pour s’offrir une biotech, a également contribué à convaincre les investisseurs.
Enfin, le Covid a joué un rôle de catalyseur. «Il a démontré l’importance capitale de ces technologies innovantes qui peuvent sauver le monde, et cela a changé la perception du risque de notre industrie, ajoute Antoine Papiernik. Cela nous facilite la tâche pour convaincre les investisseurs du potentiel de création de valeur.» «Si on veut avoir nos vaccins et médicaments et ne pas devoir les importer, il faut que le secteur se développe en Europe et que l’épargne finance l’innovation», plaide Raphaël Wisniewski.
Par Keren Lentschner Le Figaro