L’innovation sociale n’existe pas
#MémoireSociale #2021 #Collectif
J’ai réalisé cela après avoir travaillé 2 ans sur un projet entrepreneuriale d’innovation sociale. 2 ans de pratique des méthodes agiles auprès des personnes touchées par le deuil d’un enfant né ou à naître dans la recherche de solutions pour faciliter la résilience.
Après avoir interrogé des centaines de parents, des sociologues, anthropologues, psychologues, et plein d’autres personnes en -ogue, la conclusion a été : il n’existe pas d’innovation sociale.
Mais je le réalise encore aujourd’hui, dans un tout autre contexte, dans la transformation numérique des territoires : il n’existe pas d’innovation sociale.
« En fait, il est plutôt temps de ranimer notre mémoire sociale. »
Dans la résilience auprès des parents endeuillés, ce qui a été le plus efficace, ce n’a pas été les applis mais le groupe de parole, ce n’a pas été le site web mais écouter les parents pour recueillir les témoignages (…). D’innovation réelle, il n’y en a pas eu.
Parce que si on a réussit depuis peu à analyser le phénomène de la résilience*, on a vite fait d’oublier que si celle-ci est un cheminement intime, elle ne peut se faire qu’au travers d’une altérité qui entend et reconnaît le témoignage, qui permet de naître à nouveau à soi suite à l’épreuve.
Pour faire simple, télécharger la dernière appli nourrie grâce aux algorithmes d’une géniale Intelligence Artificielle n’aura aucun effet sur sa résilience si l’on ne confronte pas son expérience, et sa nouvelle identité post-trauma au groupe, à la société.
Ce que l’on oublie, c’est que de tout temps, il y a eu des temps de partages, de confrontations, d’échanges, de débats pour offrir des espaces permettant le passage, la traversée d’un traumatisme. Les rituels païens par exemple permettaient cet engendrement grâce au groupe par des danses, des chants, des fêtes, clore un cycle pour en ouvrir un autre.
Il y a bien encore quelques traditions ou pratiques religieuses qui persistent mais on en a souvent perdu la force de la signification symbolique, de ce qu’il peut permettre à l’inconscient de transmuter. Cela sans jugement, car, l’enfer étant pavé de bonnes intentions, notre société a cherché à évoluer pour permettre à chaque individu de s’épanouir dans sa singularité, mais a oublié au passage que l’on n’existait pas sans l’appartenance à un groupe.
On revient aujourd’hui au collectif pensant innover. Tout comme on demande à tous de devenir résilient, on demande à tous de pratiquer l'intelligence collective en entreprise pour innover. On fait des ateliers de réflexion, on cherche à rassembler, à expérimenter, à faire ressentir la puissance créatrice du groupe, la joie d’être ensemble, à faire adhérer, à engager dans les processus…
Ma crainte dans cette illusion d’innovation est que l’on oublie ce que l’histoire nous a appris. Je ressens bien cette obligation qui nous est donnée à tous « d’en être », de faire de l’intelligence collective, de devenir résilient, d'innover. Mais si l’on continue à pousser tout le monde dans cette direction, ne va t’on pas forcer, obliger et de ce fait devenir totalement contre productif? Comment rencontrer l’altérité quand on commence à conditionner un peuple entier à devenir agile?
Cela me paraît bien plus juste de ranimer notre mémoire sociale, cela nous permettra de nous rappeler ce que l’humain a pu créer de bon afin de faire groupe, de communier mais surtout cela nous évitera de répéter ce que nous avons également totalement raté en forçant et en manipulant pour faire du collectif.
Alors pour cette année 2021, je nous souhaite de prendre conscience que depuis la nuit des temps nous ne pouvons être résilient que par le groupe : écoutons nous, débattons, échangeons, partageons, gardons notre verticalité ensemble mais surtout, surtout, acceptons et enrichissons nous de nos différences.
Ne nous jugeons pas pour des masques mal portés, des vaccins désirés ou crains, mais parlons-en. Ranimons notre mémoire sociale pour le meilleur et gardons nous du pire.
*s’il manque des mots à notre langue française comme celui de définir un parent dont l’enfant est mort, celui de résilience est par contre bien galvaudé
Directrice générale adjointe Transformation | Administratrice territoriale hors classe | VP association des DRH | INSEAD | sciences Po | Change manager | Social innovation
4 ansalain delfosse Gilles DELALOY Cornelia FINDEISEN Cécile JOLY Akim Oural Melanie Vermeersch Isabelle, je partage avec vous cet écrit qui m’a interpellée car il dit des choses somme toute justes sur un sujet qui nous anime au quotidien! Mais bien sûr que l’innovation existe ;-)