l’intelligence collective a-elle sa place dans les soins de santé ?

l’intelligence collective a-elle sa place dans les soins de santé ?

Article rédigé par Nathalie BERGERON-DUVAL, entrepreneuse et co-fondatrice Sense_for_Business en 2005. dans www.managersante.com article original

Auteure de l’ouvrage “La petite Encyclopédie de la détente minute” (2015)

 Que ce soit un CHU ou une clinique privée, un EPAHD ou même une résidence senior, la qualité du management influera directement sur toute la chaîne des relations humaines au sein du personnel et au final jusqu’à la qualité du soin prodigué au patient ; la relation avec les familles et autres aidants sera aussi directement impactée.

Dans le milieu de la santé, l’environnement est particulièrement contraint, des questions éthiques s’ajoutant aux pressions financières, la question de la rentabilité du soin ne peut décemment pas se poser de la même façon que dans une entreprise.

Ces deux facteurs – impact sur le soin et contraintes fortes – sont au moins deux bonnes raisons pour s’interroger sur des pratiques managériales plus souples, moins hiérarchiques, permettant de motiver le personnel en le considérant comme une véritable force d’intelligence collective, et pas comme de » simples exécutants ».


La créativité en milieu professionnel : de quoi parle-t-on ? 

Même si le monde de l’entreprise n’est pas un modèle directement à calquer sur les établissements de soin, certaines pratiques managériales dans des entreprises dites « libérées » ou « horizontales » puisant aux ressources de la créativité et de l’intelligence collaborative peuvent être sources d’inspiration.

Encore faut-il définir quelques termes, et respecter plusieurs points :

La créativité en milieu professionnel est la capacité à trouver ensemble, dans un collectif de travail des solutions nouvelles à des problèmes, ou bien des manières différentes de travailler ;

l’objectif est

  • d’améliorer une organisation,
  • de gagner en efficacité,
  • d’accroître la qualité de vie au travail pour le personnel et
  • la qualité de soin pour les patients

car l’un ne va pas sans l’autre.

Cette intelligence collective est un puissant moteur des organisations saines où le personnel se sentant écouté et valorisé va savoir aussi s’impliquer et faire grandir l’organisation toute entière.

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Mais la créativité est une ressource à la fois puissante et fragile car il est beaucoup plus facile de casser un esprit de créativité et de collaboration que de le nourrir 

 Cela requiert beaucoup de qualités humaines dont l’ouverture aux idées des autres, la confiance et l’estime de soi, la capacité à accorder une marge de liberté aux individus, et en retour l’acceptation d’assumer sa part de responsabilité quel que soit le niveau hiérarchique où l’on se situe.

La créativité n’est certainement pas de laisser faire n’importe quoi à n’importe qui ; son fonctionnement au sein d’un groupe est tout sauf anarchique et répond même à des règles précises car notre fonctionnement cérébral n’est pas forcément très créatif naturellement…

Les neurosciences nous donnent d’ailleurs quelques pistes intéressantes pour mieux comprendre les règles d’or à respecter.


Notre cerveau peut-il prendre de bonnes décisions ? 

Rappelons ici que le cerveau humain est avant tout destiné non pas à penser mais à prendre les meilleures décisions pour assurer notre survie, avec le meilleur rapport possible quant à la dépense énergétique.

Notre cerveau prend des milliers de décisions par jour (environ 9000)

dont une bonne partie est gérée de façon automatisée, soit parce qu’elles sont instinctives, soit parce qu’elles relèvent d’expériences acquises qui se traduisent en habitudes, en croyances ou en valeurs.

Et voici quelques éléments qui limitent et bloquent notre capacité créative :

  • une trop grande expertise (qui nous bloque dans nos croyances),
  • les pensées et les émotions négatives,
  • et le stress !


En quoi le stress peut-il faire obstacle à la créativité ? 

En effet, sous stress, le cerveau grand gestionnaire économe pare au plus presséet met toute notre énergie dans la chaîne des réactions instinctives face au stress : fuir ou attaquer, se mettre en sécurité.

Les deux modes fonctionnent de façon binaire en alternance; or sous stress, le mode mental automatique (ou système 1) prend le contrôle sur le mode mental préfrontal ou système 2 : il réduit le champ des pensées à la stricte mise en sécurité.

Ce qui veut dire qu’on ne peut pas demander à une organisation, depuis le haut management jusqu’au terrain, d’être capable d’agilité, et de sens de l’adaptation face au changement sous forte pression.


Quelles sont les 3 conditions pour mobiliser les ressorts de “l’intelligence collective” ?

Le stress et la pression étant des facteurs malheureusement très courants dans les établissements de santé et de soin, pour des raisons financières mais aussi émotionnelles, liées à l’humain, un management souhaitant utiliser les ressorts et l’énergie de l’intelligence collective doit :

1ère Condition : avant toute chose,

 avoir une réflexion de fond sur la gestion du stress : condition de réussite d’un management plus agile.

2ème condition : 

mettre en place des fonctionnements de l’organisation qui donne la parole à tous, qui prend en compte les avis même divergents et qui actent les choses en transformant les idées en actions.

Cela exige de la méthode et des outils d’animation de groupe ; à titre d’exemple :

  • le « World café » où un groupe de 15 à 200 personnes, composé de petits sous-groupes, propose des idées notées par des « hôtes de tables » qui s’enrichissent au fil de l’eau, en mode divergence (accueil d’un maximum d’idées) avant d’être triées et passées au crible de critères de votes pour converger vers des solutions et des plans d’actions.
  • Autre outil très efficace : le « brainwriting », une version qui préserve l’anonymat des réponses sur des questions sensibles. Or en matière de « vivre ensemble » dans une communauté de travail, on arrive vite sur des zones sensibles.

3ème condition :

avoir le courage d’oser !  Oser incarner un management différent, oser prendre la parole, oser faire un travail sur les valeurs communes au sein des équipes, oser être des humains qui prennent soin d’eux-mêmes autant que d’être au service des autres (ou pour être au service des autres).

Cela demande parfois un accompagnement par des personnes neutres, hors de l’organisation, qui peuvent plus facilement mettre en perspective, faire prendre du recul, en bienveillance.

Si ces trois conditions ne sont pas réunies, 

il ne s’agira que de pansements aux effets délétères dans l’organisation ; car faire croire au personnel qu’on prend son avis, qu’on donne des marges de manœuvre sans effets suivis est extrêmement préjudiciable à la motivation au travail.

 

Alors oui, les établissements de soin pourraient être un lieu où le quotidien serait ré-enchanté par une pratique régulière de la créativité, un mode relationnel plus souple, un fonctionnement plus agile pour le bénéfice de tous, personnel, hiérarchie, et patients ou clients !

 

Article rédigé par Nathalie BERGERON-DUVAL 



dorothee Della Rocca

Infirmière coordinatrice soins transmuraux

5 ans

Les cafés du monde sont en effet utilisés dans la promotion de la santé . Pourquoi ne pas les utiliser dans le milieu du travail , afin de faciliter les décisions collectives et l investissement personnel. L agent aura au moins l impression de faire avancer le travail , être reconnu . Ceci est déjà aussi un début face au stress et au burn out .

Kristi Swenson Alcouffe I.C.F.- P.C.C.

Helping teams "organize to learn" by using Collective Intelligence methodology | empathy | trust

5 ans

Bonjour L'intelligence collective a sa place partout.  J'ajouterais à la liste d'outils d'animation du groupe la méthodologie nommée "Action Learning" qui aide les équipes à non-seulement trouver les solutions des problèmatiques complexes avec des actions à mener mais aussi à apprendre les compétences de communication et de management.  Je suis dispo pour mettre en place une démonstration.  

Hélène GODEFROI

National Physician " Senior Medical Science Liaison " at Akcea Therapeutics

5 ans

Les soignants plus que quiconque détiennent les clés des meilleurs soins. L’équipe fonctionnera d’autant que le chef de service sera un modèle de soignant et la qualité (la vraie, celle qui rend le patient heureux) sera au rendez-vous. L’idéal serait que ce soir ce dernier (le bon chef de service) le manager. Autrement dit, que les bons chefs soient formés à la gestion financière. Le choix des dépenses s’en porterait que mieux en ce qui concerne les achats prioritaires.

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