L’intrapreneur : Barbare, Magicien ou Moine Bouddhiste ?

La plupart des entrepreneurs à succès ont ce quelque chose de différent, d’étonnant. Pour reprendre l’expression d’Oussama Ammar (co-fondateur de l’incubateur TheFamily), ces “entrepreneurs magiciens” créent là ou on ne les attend pas. Se créent d’abord des piscines puis des océans bleu turquoise qui viennent tacler un par un les marchés et les acteurs en place.

Cette rébellion incarnée et souvent affichée est un formidable moteur d’innovation, elle permet de s’affranchir des lignes (ces rangées bien définies dans lesquelles les autres compétiteurs nagent sagement), d’apporter de la couleur, de l’espoir et de nouveaux possibles.

Une force barbare pour tout observateur qui n’en comprend les ressorts ou découvre un peu trop tard que sa piscine rouge sang se vide chaque jour un peu plus pour aller irriguer le terrain du magicien.

Cette rébellion portée, cette envie d’en découdre avec les règles établies qui nous empêche d’innover, je la défends au quotidien et depuis longtemps. Je dirais même que je n’ai jamais eu le choix, elle s’est imposée à moi comme une évidence. Pourtant je commence sincèrement à me poser la question de son efficacité dans une autre posture, proche de celle de l’entrepreneur, celle du salarié qui en endosse la casquette. Ce qu’on définit souvent comme un intrapreneur, sans réellement savoir ce que cela représente exactement.

Un intrapreneur c’est avant tout quelqu’un qui souhaite développer quelque chose de singulier mais qui a la spécificité d’avoir choisi comme terrain de jeu une organisation existante. Comme le dit si bien Nicolas Cordier (Social business intrapreneur chez Leroy Merlin) , “c’est quelqu’un qui fait quelque chose qu’on ne lui a pas demandé”. Par le hasard de la vie ou par choix, c’est la qu’il exerce, dans une entreprise avec ses règles (souvent implicites), sa culture. Et ce simple paramètre a pas mal d’impact sur les facteurs clés de succès de ses ambitions.

Agir comme un agitateur, un barbare dans une organisation a le mérite de faire bouger les lignes, d’éveiller les consciences. Bref de réveiller le souffle de vie qui y sommeille toujours. Son intérêt est évident, elle nous sort du statu-quo et libère de nouvelles ambitions.

Cet état d’esprit, aussi moteur soit il, est également un véritable paradoxe pour l’intrapreneur. Après tout, il a choisi comme terrain de jeu une entreprise établie, avec son histoire, ses règles et surtout …. un ensemble de joueurs d’échecs en place qui déplacent leurs pions les uns après les autres. Pour certain la partie a commencé il y a plus de 30 ans …

Le barbare, aussi bienveillant soit il, n’a au fond de lui qu’une seule envie : changer le plateau de jeu ou en changer les règles. Le faire glisser, rendre les cases plus rondes, plus colorées, créer de nouvelles fonctions pour chacune des pièces du jeu …

Bref il se heurte en frontal aux enjeux de maximisation des autres joueurs en place et c’est là que les ennuis commencent souvent.

A coté de lui, un Moine Bouddhiste se tient sagement en place, son sourire habituel greffé sur son visage. Un moine moderne, dont le seul signe distinctif s’observe progressivement dans la confiance de son regard.

Il sait où il va, il voit clairement la partie d’échecs qui est en train de se jouer, il n’y a que peu pris part. Il observe, écoute, regarde, entend. Il n’est ni dedans, ni dehors. Il apprend chaque jour, de ce qui l’entoure, mais surtout de ce qui se passe en lui. Il est à l’écoute de son ambition, de ce qui l’anime.

Il agit au quotidien, sans faire de vagues, pour transformer la seule chose qui au fond a du sens et compte à ses yeux. Offrir à chacun une nouvelle partie qui vaille la peine d’être jouée.

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