L'investissement public « à la française »

Rédigé en 1995, cet article donne une perspective historique éclairante sur l'investissement public « à la française ».

Extraits d'un article de Patrick Le Galès, directeur de recherche CNRS au Centre d’études européennes et de politique comparée de Sciences Po : "Aspects idéologiques et politiques du partenariat public-privé" (paru dans la Revue d'économie financière hors série n°5/1995 et publié sur Persée https://www.persee.fr/doc/ecofi_0987-3368_1995_hos_5_1_2556)


L'action publique caractéristique de la spécificité française renvoie à un idéal type volontariste voire héroïque de politique publique menée par un Etat jacobin soucieux de façonner et de transformer la société française. (...)

L'Etat dirigiste a constitué pendant longtemps l'une des caractéristiques de l'exception française (...) : l'Etat français, ses administrateurs et ingénieurs des grands corps avaient organisé historiquement le développement économique du pays, la prodigieuse modernisation depuis 1945, l'industrialisation et l'urbanisation du pays. (...) Le dirigisme économique n'a véritablement commencé à exister que dans l'immédiat après-guerre, période de reconstruction, de volontarisme économique et politique qui s'appuie sur le Plan. (...) De 1954 à 1974, ce que Elie Cohen appelle l'économie de financements administrés, l'Etat s'appuie sur les instruments de l'économie concertée comme le Commissariat au Plan, les entreprises publiques et les autres organismes d'Etat dont l'importance est aujourd'hui remise en cause.

Ainsi, dans les années 1950 et 1960, des politiques comme celles de l'aménagement du territoire, ou la politique urbaine renvoient aux politiques volontaristes de l'Etat central, aux priorités qui sont les siennes, aux investissements qu'il réalise puisque le corps des Ponts et Chaussées, la DATAR et les services extérieurs des DDE (Direction départementale de l'équipement) ont pour eux à la fois l'expertise, les ressources et la légitimité de l'intervention de l'Etat. (...) L'intérêt général, la vision de long terme, la vertu sont du côté du public. Le droit public français traduit bien cela, construit à l'origine contre la logique marchande, il manifeste ce souci de la vertu publique discréditant le marché et les entreprises. (...)

En revanche, les formes mixtes d'association public et privé ont connu un formidable développement, ce qui a été appelé l'économie mixte à la française mais sous contrôle de l'Etat. (...) Les SEM, et notamment les SEM locales, constituent un objet juridique hybride qui associe deux ordres juridiques totalement différents, le public (puisque les actionnaires publics sont majoritaires), et le privé, puisque les SEML sont des organismes de droit privé. Le développement des SEML après 1955 se fait néanmoins sous la houlette de la Caisse des dépôts et consignations et les préfets contrôlent étroitement leurs activités.

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