L'investissement responsable redonne du sens au rôle de l'actionnaire
Souvent critiqués, caricaturés voire accusés de pomper l'argent des entreprises sans avoir de rôle productif, les actionnaires sont pourtant des agents du changement. Et l'investissement responsable le prouve, en montrant des actionnaires engagés, au service non pas de leurs seuls intérêts financiers mais aussi des droits des salariés et de la préservation de l'environnement.
C'est une actualité à laquelle les lecteurs de la presse financière n'auront pas échappé : le 15 avril, un groupe d'investisseurs a déposé une résolution demandant à Total d'aligner « ses activités avec les objectifs de l'Accord de Paris ». Cette résolution, qui sera votée lors de l'assemblée générale du groupe pétrolier le 29 mai prochain, exige la réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, qu'il s'agisse des émissions liées à sa propre activité ou à celle de ses clients. Il est intéressant de soulever que le groupe de onze actionnaires en question n'est pas constitué d'ONG, mais bien de grands noms de la finance. On retrouve ainsi La Banque Postale Asset Management et le Crédit Mutuel Asset Management, deux gros investisseurs, aux côtés d'acteurs plus petits comme Sycomore Asset Management, Meeschaert Asset Management, Ecofi Investissements ou encore Candriam.
La démocratie actionnariale
Certes, il est rare que de telles résolutions soient déposées lors des assemblées générales françaises, et ce pour une raison simple : la législation impose aux investisseurs qui souhaitent déposer une résolution de représenter au moins 0,5% de la capitalisation du groupe. Pour Total, cela implique de détenir 80 milliards d'euros de capital, ce qui restreint grandement les possibilités. C'est d'ailleurs un point que soulève Luisa Florez, de La Banque Postale Asset Management, dans un article des Echos daté du 15 avril : « Il est très compliqué de déposer une résolution en France, il y a de nombreux obstacles administratifs, contrairement à d'autres pays. Avec cette résolution, nous souhaitons également poser la question de la démocratie actionnariale en France. Le dépôt d'une résolution n'est pas une preuve d'hostilité envers le groupe, c'est une volonté de dialogue. »
La nécessité de s'allier
Dans la foulée de la résolution déposée en amont de l'assemblée de Total, le Forum pour l'Investissement Responsable (FIR) a formulé des recommandations devant faciliter le dépôt de résolutions. Il propose notamment de « donner la possibilité à une coalition de 100 actionnaires de proposer collectivement des projets de résolutions sur des questions environnementales, sociales ou sociétales en assemblée générale ». Et souligne ainsi un facteur clef de cet actionnariat engagé : l'union des forces. C'est cette union qu'expérimente depuis plusieurs années le réseau Shareholders for Change, qui regroupe onze investisseurs européens, parmi lesquels les deux Français Ecofi Investissements et Meeschaert Asset Management. Leur objectif est simple : allier leurs forces pour exiger le changement dans les entreprises. Parmi les priorités du réseau, on retrouve par exemple le respect des droits humains et des droits du travail, la justice fiscale et la lutte contre le dérèglement climatique.
L'engagement de l'actionnaire
De manière générale, les investisseurs qui souhaitent investir de façon responsable ont tous des politiques fortes d'engagement actionnarial. Cet engagement passe par un dialogue renforcé avec les entreprises investies. Et celles-ci sont rarement fermées à ces discussions. Au contraire, elles peuvent bénéficier des connaissances de ces investisseurs pour savoir où elles se situent sur tel ou tel sujet par rapport à leurs concurrents, en France ou à l'étranger. Elles ont compris qu'avoir des pratiques responsables et qu'éviter les controverses, c'était aussi limiter les risques et donc augmenter son attractivité auprès des actionnaires mais aussi, plus généralement, des salariés, des clients, des fournisseurs, bref, de tout son écosystème.
L'actionnaire responsable n'est pas un actionnaire qui ne cherche qu'à maximiser son profit. En redonnant du sens à sa mission, il contribue à changer le très classique modèle profit-driven et à le faire tendre vers un modèle plus durable.
Directrice de la Recherche ISR
4 ansMerci pour ce bel article. Permettez moi une rectification, les deux membres français du réseau Shareholders for Change sont Ecofi Investissements et Meeschaert Asset Management.
Au calme, chez Au Vert
4 ansMerci Camille. Pourvu qu'il y en ait beaucoup d'autres, et que l'Etat suive ce chemin... enfin.