Location meublée et inscription au registre du commerce et des sociétés

Le landernau des avocats et conseils en tous genres bruisse d'une grave interrogation tenant à la décision du Conseil constitutionnel du 7 février 2018. Saisi en effet par le Conseil d'Etat par le biais d'une QPC, le conseil a considéré que l'obligation faite au loueur en meublé de s'inscrire au RCS pour prétendre à la qualité de professionnel était contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques. Cette condition fut de la sorte frappée d'inconstitutionnalité. Au fond, le conseil estima que l'investisseur particulier se trouvait dans l'obligation d'effectuer une démarche par avance vouée à l'échec parce que le Code de commerce, dans son article L. 123-1 prévoit que seules peuvent être inscrites au registre du commerce et des sociétés les personnes physiques « ayant la qualité de commerçant ». La location meublée étant sans conteste possible une activité civile : point d'activité commerciale, point d'inscription.

La particularité de l'affaire tient au fait, qu'aujourd'hui encore, la condition d'inscription figure toujours, tant dans le C.G.I. que dans la doctrine administrative (BOFIP-BIC-CHAMP-40-10§ 70.- 05/04/2017). C'est au demeurant d'autant plus paradoxal que, pour être inconstitutionnelle, la condition ne fait plus partie du droit positif.

Alors pourquoi donc le landernau est-il si agité ? voilà :

- d'aucuns pensent que lorsque les deux autres conditions (recettes supérieures à 23 000 € et aux autres revenus professionnels du bailleur), le bailleur, qui jusque là avait la qualité de loueur en meublé non professionnel faute d'être inscrit, deviendrait subitement professionnel ;

- d'autres professent que la seule présence dans le CGI et dans la doctrine administrative de la condition d'inscription au RCS protège le bailleur concerné de ce basculement automatique.

Voilà encore bien des approches un peu brutes de décoffrage témoignant d'une connaissance imparfaite des principes d'application du droit, voire d'une certaine cécité. Rien ne vaut en effet une bonne lecture attentive de la décision du Conseil constitutionnel et son analyse à l'aune de l'article 62 de la constitution.

Une chose est claire : depuis la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, la condition en cause est devenue caduque. Le bailleur qui a débuté son activité depuis cette date a la qualité de loueur en meublé professionnel du seul fait du respect des deux conditions relatives au montant des recettes (recettes supérieures à 23 000 € et aux autres revenus professionnels). Prétendre alors que le bailleur serait en cette occurrence protégé parce que la condition d'inscription au RCS figure encore dans le CGI, voire dans la doctrine administrative, et qu'elle n'est pas respectée, relève par conséquent du fantasme.

Maintenant, pour le bailleur qui exerçait déjà cette activité avant la date de la publication de la décision du conseil, deux situations se présentent.

Il peut déjà être en conflit avec l'administration au sujet de l'application de cette condition. Le contentieux est en cours à la date de la décision du Conseil constitutionnel. La question se pose alors de savoir si celle-ci peut être invoquée dans le cadre de ce débat contentieux. Autrement dit, par exemple, l'administration peut-elle prétendre que le bailleur non inscrit est automatiquement considéré comme professionnel parce que les deux conditions relatives aux recettes sont observées ?

Dans un autre cas de figure, le même bailleur peut ne pas avoir été encore inquiété à la date de cette décision, mais faire ensuite l'objet d'un contrôle fiscal au cours duquel se poserait la question de l'inscription au RCS.

Dans ces deux circonstances, certes, la condition figure bien dans le CGI et la doctrine administrative, mais cela ne constitue pas une protection pour le bailleur contrairement à ce qui est dit. Pour mesurer en effet l'impact de la décision du conseil sur le litige, il faut avant tout revenir aux principes posés par les dispositions de l'article 62 la constitution. Ainsi, celles-ci réservent-elles au conseil le pouvoir, tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets, que de déterminer les conditions et les limites des effets que la disposition annulée a produits avant l'intervention de cette déclaration.

Or, en l'occurrence, la décision du conseil reste muette à cet endroit. Elle ne dit rien sur l'impact qu'elle pourrait avoir sur les effets induits par la condition d'inscription au registre du commerce antérieurement à la déclaration d'inconstitutionnalité. Et, faute de cette prise de position sur ce point, l'incertitude demeure.

Que faire alors ? En vérité, la meilleure solution consisterait alors à interroger le ministre, par la voie d'une question parlementaire, sur la position que l'administration entendrait adopter dans ces deux situations topiques.

Enfin, on peut au demeurant se demander pourquoi l'administration n'a pas pris l'initiative de proposer au législateur, dans la derrière loi de finances par exemple, une abrogation pure et simple de cette condition. Et bien tout simplement parce que, comme cela est évoqué dans le commentaire paru aux cahiers du Conseil constitutionnel, "le législateur pourrait par exemple modifier les règles d’inscription au RCS, en élargissant celles-ci aux professionnels de la location en meublé, ou encore en retenant un tout autre critère permettant d’établir le caractère régulier et continu de l’activité exercée."

 Nous n'en sommes pas là, c'est vrai… Mais bon, c'est chaud…

Christian Haüy

📚Expert-comptable Manager chez KPMG, membre du réseau Fiscal & de la gestion privée du HUB Champagne-Ardenne

5 ans

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