Loi Carrez et mauvaise foi de l’acheteur : 2 décisions troublantes.

Loi Carrez et mauvaise foi de l’acheteur : 2 décisions troublantes.

Il peut apparaître surprenant que la loi Carrez  puisse être invoquée au bénéfice d'un acquéreur de mauvaise foi, qui aura eu une parfaite connaissance, avant la vente, de la surface du bien vendu, et qui pourtant, après l'avoir acheté, se prévaudra de la loi Carrez pour obtenir la réduction du prix prévue par cette loi.

Cela est pourtant admis par les juges comme nous allons le voir dans ces deux cas.

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On retiendra essentiellement que le vendeur qui indubitablement sait que la surface mentionnée est fausse parce qu'il est lui-même à l'origine de travaux ayant réduit cette surface peut tout de même se prévaloir de la loi Carrez (et obtenir restitution d'une partie du prix). La morale n'est pas le droit ...

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Le premier cas est celui d'un acheteur qui avait lui-même procédé, avant d'acheter le bien immobilier, à des travaux dans celui-ci, à un moment où il les occupait déjà, travaux consistant dans la réalisation d'une chambre ayant entraîné une réduction de la surface habitable :

“Vu l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 ;

Attendu que toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot ou d'une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot ; que ces dispositions ne sont pas applicables aux caves, garages, emplacements de stationnement ni aux lots ou fractions de lots d'une superficie inférieure à un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat ; que si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 11 mai 2006), que par acte reçu le 8 juin 2000, par la société civile professionnelle Odier et Milliand, devenue la SCP Milliand, Vauchelle et Lebas, notaires, Mme X... et M. Y... ont vendu à M. Z... un lot de copropriété enmentionnant une superficie de 95,02 m² ; que soutenant que la superficie réelle du lot vendu était de 89,66 m², M. Z... a assigné en diminution du prix ses vendeurs, lesquels ont appelé en garantie la SCP Odier et Milliand ;

Attendu que pour débouter M. Z... de sa demande, l'arrêt retient que l'acquéreur est mal fondé à reprocher aux vendeurs une erreur de superficie alors qu'il habitait dans les lieux depuis quinze mois au moment de la vente, qu'il avait créé une troisième chambre qui avait entraîné une réduction de la surface habitable au sens de la "loi Carrez" et qu'ayant signalé au notaire que la superficie indiquée n'était pas la superficie réelle de l'appartement, il connaissait parfaitement la difficulté éventuelle avant la vente et ne pouvait arguer de sa bonne foi ni d'un prétendu préjudice ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la connaissance par l'acquéreur avant la vente de la superficie réelle du bien vendu ne le prive pas de son droit à la diminution du prix, qui n'est pas subordonné à la preuve d'un préjudice, et alors qu'elle avait constaté que la troisième chambre était mentionnée dans l'acte de vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. Z... de ses demandes, l'arrêt rendu le 11 mai 2006, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties, dans l'état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne, ensemble, Mme X... et M. Y... aux dépens.”


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Dans ce deuxième cas la Cour de Cassation juge également que la connaissance par l'acquéreur avant la vente de la superficie réelle du bien ne le prive pas de son droit à la diminution du prix :

“Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 novembre 2013), que, le 19 janvier 2007, Mathilde X...a vendu un appartement à la société PACA Invest, un certificat de mesurage « Loi Carrez », daté du 11 octobre 2006, annexé à l'acte de vente, mentionnant une superficie de 159, 40 m ² ; que, le 10 décembre 2007, la société PACA Invest, faisant valoir que la surface réelle des parties privatives était en réalité de 101, 25 m ², a assigné Mathilde X...en restitution d'une partie du prix de vente ; que, le 17 décembre 2007, la société PACA Invest a revendu l'appartement à la société civile immobilière Dharma (la SCI), avec un nouveau certificat indiquant une superficie de 163, 91 m ² ; que Mathilde X...a appelé en garantie le syndicat des copropriétaires, la SCI, M. Y..., notaire rédacteur de l'acte de vente, et Mme Z..., qui a établi le certificat de mesurage du 11 octobre 2006 ; que les procédures ont été jointes ;

Attendu que MM. Claude et Jean-Pierre X..., venant aux droits de leur mère décédée, font grief à l'arrêt de rejeter leur demande de constat de la prescription acquisitive, alors selon le moyen, que le juge ne peut se prononcer par voie de simple affirmation, si bien qu'en considérant que la possession des consorts X...se serait établie sur des actes irréguliers sans autorisation du syndic ou de l'assemblée générale de la copropriété, cependant que le syndic n'avait pas conclu en appel et s'en était remis à justice devant le premier juge, démontrant par là-même qu'il n'avait nullement interdit la possession des consorts X..., la cour d'appel qui s'est prononcée par voie de simples affirmations, sans relever les pièces desquelles elle déduisait l'absence d'autorisation du syndic, a privé sa décision de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, selon les termes de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété, le propriétaire du lot litigieux était autorisé à fermer la véranda sur la terrasse commune dont il avait la jouissance privative, ce dont il résulte que la possession était équivoque, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision


Vu l'article 46 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de la société PACA Invest, l'arrêt retient que les représentants de la société PACA Invest, professionnels de l'immobilier, exerçant l'activité de marchand de biens, ne pouvaient ignorer qu'une partie de la pièce de séjour de l'appartement avait été construite sur une partie commune à usage privatif et que, compte tenu de la superficie de 163, 91 m ² mentionnée dans l'acte de vente postérieur au 17 décembre 2007, la société PACA Invest connaissait la superficie réelle des parties privatives du lot vendu ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la connaissance par l'acquéreur avant la vente de la superficie réelle du bien ne le prive pas de son droit à la diminution du prix, la cour d'appel a violé le texte susvisé


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