L’orientation professionnelle n’est pas le choix d’un métier mais celui d’un parcours : quelle place alors pour l’école dans la Cité ?
L’école, aujourd’hui priorité électorale dans les programmes, cristallise les divergences politiques et divise quant à son rôle dans la société. Les candidat·e·s perçoivent alors l’école comme un laboratoire de réformes et de dispositifs sans même analyser sa place dans l’espace public. Nous nous sommes penchés sur le sujet en interrogeant Madame Salmon et Madame Hendaq, principale et principale-adjointe du collège Moulin Joly à Colombes (92), qui œuvrent chaque jour sur le terrain.
La pandémie a redistribué les cartes de ce système éducatif, en installant l'institution scolaire au cœur des foyers. Nous sommes passés du parent qui lâche la main de son enfant aux grilles de l'établissement à l'arrivée du professeur dans le salon des français. La barrière physique de l’école est tombée et le lien de confiance entre l’enseignant et les parents, fortement étiolé, s’est reformé.
L’école qui abandonne son rôle de sanctuaire au profit de la collaboration parents-enseignants est-elle la réponse à l’accompagnement à deux vitesses dont bénéficie l’élève ? Oui, selon les principales : “Il faut dé-sanctuariser et passer à l’école 3.0, qu’elle rayonne au centre de la cité et que tout se ramifie autour d’elle”. Cette collaboration apparaît alors essentielle à la construction de l’élève et de son choix d’orientation, souvent expliqué par son milieu socio-économique.
Désacraliser l’école ?
Le dispositif “école ouverte” a déjà été pensé dans le sens de cette désacralisation : sur la base du volontariat, les élèves peuvent ainsi bénéficier d’activités culturelles, sportives et de remédiation du temps scolaire et porter un nouveau regard sur le monde extérieur. Aussi, les parents peuvent bénéficier de cours de français et de soutien parental, comme c’est le cas à Moulin Joly.
Olivier Klein, maire de Clichy-sous-Bois, président de l’ANRU et ancien enseignant, va plus loin dans la réflexion et souhaite “ouvrir [l’école] davantage sur la ville et sur ses habitants” en l’intégrant au projet de renouvellement urbain. L’aménagement du territoire, comme solution du développement de la cité scolaire, utopie ou remède miracle ? Une ligne directrice en tout cas pleinement suivie au sein de Moulin Joly, dont “les locaux ne sont pas une école en soi”. De nombreuses actions ont ainsi été mises en place pour faire vivre le bâtiment comme une place centrale où l’élève navigue entre sa vie scolaire et familiale.
À Colombes, la stratégie choisie est de créer un continuum de valeurs entre l’école et certains acteurs au travers de partenariats sportifs et culturels. En effet, l’élève côtoie les bancs de l’école la majorité de son temps, ce qui explique la volonté d’ouvrir cette institution, mais jusqu’où ?
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Former les futurs salariés ?
Pour transformer l’école, l’actuel Président de la République évoquait un “chantier” lors de son discours à Poissy le 7 mars dernier, et encourage fortement les entreprises à s’inviter au sein même des quartiers. Or, l’entreprise est ce qui attend déjà les élèves à la sortie de l’école, comme en témoignent les principales du collège Moulin Joly. Un aspect d’autant plus important dans les secteurs REP, où l’environnement familial, composé de parents appartenant à des catégories socioprofessionnelles défavorisées, ne permet souvent pas d’entrevoir la réalité de l’entreprise. Rencontrer des salariés et entrepreneurs leur permet d’ouvrir le champ des possibles. Cependant, elles précisent qu’il s'agit avant tout de préparer les élèves à prendre leur place dans la société afin de contribuer à la collectivité et de devenir de véritables “entrepreneurs de leur vie”.
Attention donc à ne pas tomber dans la sur-spécialisation de l’école qui n’a pas pour responsabilité de former des salariés mais bien des citoyens. L’orientation professionnelle ne représente pas le choix d’un métier mais celui d’un parcours. C’est par ailleurs avec cet objectif d’accompagnement des élèves de leurs 0 à 25 ans que la Cité éducative a été créée.
La politique au service de l’école ?
Il serait donc pertinent d'entrevoir dans les programmes, des solutions viables et fidèles aux réalités du terrain. Si l’éducation est une priorité pour les élu·e·s, alors ils se doivent de s’engager auprès des établissements pour activer des leviers d’autonomie sur les plans financiers et humains : organiser des formations communes entre les acteurs internes et externes, allonger les temps de loge pour accueillir le public le soir et le week-end, planifier des concertations avec les équipes de développement local et insuffler une véritable dynamique territoriale.
Chez Moi dans 10 ans nous pensons qu’il faut trouver un équilibre et créer des ponts. D’un côté, la gauche propose d’ouvrir l’école aux activités culturelles, sportives et aux métiers verts considérés comme “filières de demain”, tandis que la droite cherche à sanctuariser l’école en replaçant les savoirs fondamentaux et l’autorité unique du professeur au centre de la pratique scolaire. Quel·le candidat·e est aujourd’hui en capacité de nous proposer un modèle d’école respectueux de toutes les parties prenantes, à savoir les élèves, les enseignants, les parents, les personnels municipaux et politiques ?