L'UE à la recherche d'un positionnement géopolitique
Assiste-t-on à un changement de pied à Bruxelles où le mot « géopolitique » a longtemps été proscrit ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, mais il pourrait qu’une prise de conscience soit en cours. Entre les Etats-Unis, la Chine et dans une moindre mesure la Russie, l’UE doit se repositionner si elle ne veut pas seulement être un acteur de politique commerciale. Cette nécessité va bien au-delà du choix des principaux dirigeants même si l’élection de justesse d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission a illustré une nouvelle fois la tension institutionnelle entre la Parlement et le Conseil européen.
Début 2017, la Commission Juncker avait publié un Livre blanc sur l’avenir de l’Europe, intéressant à relire en cette période d’interrègne. Le document commençait par rappeler une évidence lourde de conséquences : en 1900, la population européenne représentait 25% de la population mondiale ; en 2015, elle en représentait 6%. Il annonçait que l’UE serait bien en deçà des 20% de PIB mondial en 2030 contre environ 22% aujourd’hui. En matière de sécurité, le document indiquait qu’il ne suffisait plus de se présenter comme une « puissance douce » et établissait le constat suivant : « L’OTAN continuera à assurer la sécurité, au sens militaire, de la plupart des pays de l’UE, mais l’Europe ne peut pas faire preuve de naïveté et doit prendre en charge sa propre sécurité ». De fait, un certain nombre d’avancées ont été réalisées dans le domaine des industries de défense avec la création d’un fonds européen de défense destiné à encourager les programmes conduits en commun.
Permettront-elles de retourner le désavantage structurel de l’UE face à des puissances classiques qui combinent en permanence approches géopolitique et géoéconomique. Dans le discours, la construction européenne s’est longtemps présentée comme un projet a-géopolitique destiné à quitter les logiques traditionnelles de puissance. Dans les faits, l’UE est évidemment un acteur géopolitique. Une simple discussion avec Russe au sujet de l’Ukraine ou de la Baltique permet de s’en convaincre. Elle est évidemment perçue comme telle par les autres acteurs internationaux, qui peinent souvent à saisir la complexité de ses mécanismes institutionnels. En réalité, il existe des rapports de force géopolitiques au sein de l’UE qui se répercutent évidemment dans les relations extérieures de cette dernière. Mais, ce n’est pas sur le plan que se joue l’essentiel.
Les politiques commerciale et de la concurrence relèvent de la compétence communautaire alors que les politiques de sécurité et de défense restent fondamentalement dans la main des Etats-membres, qui ne partagent pas toujours la même appréhension des risques et menaces. Cette déconnexion est la principale faiblesse structurelle de l’UE ; elle est évidemment ciblée par les Etats-Unis et la Chine qui convertissent leurs bénéfices géoéconomiques en dividendes géopolitiques. Ce n’est pas la cas de l’UE, qui apparaît unijambiste en l’espèce. En faisant de la politique commerciale le cœur de sa politique étrangère, elle est confrontée à un double défi. Sur le plan intérieur, la Commission donne l’impression d’être devenue une machine à négocier des accords commerciaux, qui font l’objet d’une contestation grandissante de la part des opinions inquiètes notamment des conséquences environnementales et sociales. On pense évidemment au CETA ou à l’accord avec le Mercosur. Sur le plan extérieur, ces accords reflètent un indéniable savoir-faire en matière de négociations, mais donnent l’impression que l’UE continue à jouer la mondialisation des années 1990 et 2000. Or, la crise de 2008 en a modifié la nature et la rivalité sino-américaine en change le cours jour après jour. L’UE prétend volontiers vouloir civiliser la mondialisation et encourager l’ouverture des sociétés les unes aux autres. Noble ambition, mais qui a peu de chance de succès si elle n’est pas conduite en fonction des rapports de force internationaux. Les Européens doivent comprendre que politique commerciale et autonomie stratégique vont de pair, et que la portée de la première dépendra de plus en plus de la crédibilité de la seconde au risque de ne jouer le droit et la concurrence qu’entre eux. A charge pour la prochaine commission d’établir cette connexion en pratique. Pour le Parlement, de la comprendre et de la soutenir. Et pour les Etats-membres de se montrer cohérents sur l’ambition commune.
Senior Analyst
5 ansC'est bien de cohérence qu'il s'agira effectivement de démontrer.
Stratégie et développement économique
5 ansSi je puis me permettre, ce communiqué me semble erroné sur 2 aspects D'abord, l'origine supposée de l'europe Pour un organisme comme l'IFRI, cela me semblerait normal de poser les bonnes bases
Direction opérationnelle - Sanctuaire d'Ars
5 ansCe "papier" est bienvenu, qui présente un diagnostic pertinent du défi européen. Mais une question demeure, essentielle, celle de la cohérence des États sur l'ambition commune. Comment mieux accompagner les 27 dans la recherche de cette cohérence? Voilà un bon sujet pour Ursula von der Leyen et son équipe...
MInistre Plénipotentiaire Honoraire
5 ansClair et juste!