Lutte contre la précarité : il est urgent d'agir durablement !
L’appel des Restos du Cœur, largement relayé, a généré de nombreuses promesses de dons. Mais cette générosité ne peut être pleinement efficace, si on n’agit pas, en parallèle, sur les causes profondes de la précarité.
De nombreuses associations mettent en place, sur le terrain, des solutions innovantes et efficaces pour prévenir ces situations de pauvreté. Mais, pour changer véritablement les choses dans notre pays, les pouvoirs publics doivent s’emparer de ces solutions, pour permettre leur déploiement large et rapide.
La nouvelle a frappé les esprits : les Restos du Cœur, figure majeure du secteur caritatif en France, risqueraient la faillite.
➡️ Pourquoi ? En premier lieu, du fait de la hausse alarmante de la précarité, qui touche aujourd’hui 14 % des Français[1]. Face à l’émotion publique, État, entreprises, footballers et artistes ont annoncé le versement de dons, de subventions, d’aides … qui sont bien sûr indispensables, mais ne règlent pas le problème durablement.
Car soutenir financièrement les associations pour leurs interventions « d’urgence » doit se faire ou en parallèle des actions qui s’attaquent aux causes, aux raisons profondes qui conduisent à ces situations de précarité. Nombreux sont les acteurs associatifs qui travaillent sur cette approche préventive, parallèlement à l’indispensable action curative. Certains ont même fait le choix de prioriser l’innovation sociale, la recherche et l’expérimentation de solutions concrètes, capables d’éviter que de nouvelles personnes ne tombent dans la précarité, venant encore grossir les files d’attente des dispositifs d’assistance.
L’innovation sociale, pour prévenir plutôt que guérir
➡️ Des exemples de ce type d’innovation sociale ? Ils sont légion. Dans le secteur de l’insertion dans l’emploi, on peut citer Solidarités nouvelles face au chômage (SNC) ou l’un des plus célèbres, l’initiative « Territoire zéro chômeur de longue durée ».
Initialement lancé à l'initiative d'ATD Quart-Monde, le dispositif consiste à proposer aux chômeurs longue durée un contrat en CDI au sein d’une entreprise à but d’emploi. Cette dernière paie leurs salaires en partie grâce aux prestations sociales qu’ils percevraient s’ils n’étaient pas en activité. L’expérimentation, lancée en 2013, a été depuis élargie à 53 territoires, et une centaine d’autres attendent de voir leur candidature acceptée.
Un succès directement lié à l’implication des parlementaires, qui ont soutenu ce projet après qu’il ait démontré son efficacité.
Autre exemple, celui des unités de soins palliatifs dans les hôpitaux. En 1988, alors que ces unités n’existaient nulle part en France, deux hôpitaux à Lyon et Bordeaux se mobilisent pour créer les leurs. Ils y parviennent, grâce notamment au soutien de la Fondation de France. L’initiative suscite l’intérêt ailleurs et se déploie progressivement, jusqu’à obtenir sa pleine reconnaissance par les pouvoirs publics, avec la loi du 9 juin 1999.
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Aujourd’hui, ce sont les financements publics qui permettent de continuer à développer des réseaux de soins palliatifs, partout en France.
Mais d’autres innovations sociales, pourtant réussies, cherchent toujours cette indispensable reconnaissance des pouvoirs publics. Ainsi, la Ferme Emmaüs Baudonne, dédiée à l’accompagnement et à la réinsertion des détenues après de longues peines : malgré son indéniable succès (80 % des ex-détenues réinsérées socialement, pour un coût 40 % inférieur à celui d’un maintien en prison), ses responsables peinent à obtenir des pouvoirs publics que ce programme soit déployé plus largement. Au plan national, l’accompagnement à la sortie de prison reste exceptionnel, et 45 % des ex-détenus récidivent dans les cinq ans suivant leur libération[2].
Déployer sur tout le territoire les solutions ayant fait leurs preuves
Des multitudes d’autres initiatives innovantes, portées par le monde associatif (lutte contre l’exclusion, contre l’échec scolaire…), se retrouvent dans cette même situation : malgré leur réussite avérée, elles peinent souvent à obtenir le soutien des pouvoirs publics pour une mise à l’échelle plus large.
🚨 Nous appelons de nos vœux la mise en place de nouvelles modalités de collaboration entre pouvoirs publics, donateurs et associations. De définir des modalités de coopération et de véritable partenariat pour permettre aux innovations sociales de se déployer à grande échelle. Une relation reconnaissant la capacité d’innovation sociale des associations, leur connaissance du terrain et des enjeux, si précieuses pour maintenir le lien social et bâtir des coalitions d’acteurs efficaces et positives.
Plutôt que de continuer à remplir indéfiniment le tonneau des Danaïdes, il serait temps de s’attaquer à sa réparation.
[1] INSEE juillet 2022
[2] Ministère de la Justice, juillet 2022
Oui, précisément ce que vous avez soutenu avec l'expérimentation Territoires à vivreS de 2020 à 2023. Il y a bien au départ une innovation institutionnelle entre nous.