Méthode de recrutement abusive? Ou manque de savoir-vivre?

Je suis à la recherche d'un nouvel emploi depuis plusieurs mois et j'ai récemment vécu une expérience de recrutement hors norme et qui m'a laissé un goût plutôt amer. Votre avis m’intéresse, car je ne sais pas comment interpréter la situation.

Il y a maintenant plus de deux mois, j’ai postulé à une offre d'emploi intéressante correspondant parfaitement à mon profil professionnel. Deux semaines plus tard, le recruteur m'a contacté pour approfondir certains points de mon parcours et préciser mes motivations. Le message demandait également deux dates possibles pour un entretien potentiel. Stimulé par l’intérêt porté à ma personne, j'ai consacré le temps et l'énergie nécessaire pour fournir des réponses détaillées et les plus pertinentes possibles. Cela aurait peut-être dû me mettre la puce à l’oreille, mais, à ce moment-là, je n’ai pas reçu d’accusé de réception...

Une semaine entière, sans nouvelle, s’est écoulée et une demande — au matin de la première date que j’avais proposée — m'est parvenue, me fixant une entrevue vidéo pour le soir même. J’ai immédiatement pris les mesures nécessaires pour me rendre disponible, en annulant le rendez-vous que j’avais pris entre-temps…

L’entretien, prévu pour 20 minutes, s'est prolongé à une heure et s’est fort bien déroulé. Le contact a été cordial, même si j’ai été mis sous pression. Cela m’a paru être de bon augure. Le directeur m'a informé que je faisais partie des 6 candidats présélectionnés sur 450. Cette information a subtilement caressé mon égo. Il m'a ensuite révélé que l'étape suivante du processus consisterait en un exercice de simulation de deux heures, reproduisant fidèlement la nature des tâches que j'aurais à accomplir au sein de leur équipe, dans l'éventualité où ma candidature serait retenue. Il m’a alors demandé de lui envoyer des propositions de dates, avec un compte-rendu de notre entretien à rédiger pour le lendemain matin.

«Chacun croit aisément ce qu'il craint et ce qu'il désire.» — Proverbe français

Une fois de plus, et armé de ma meilleure plume, je me suis attelé à la rédaction du compte-rendu le plus abouti de ma carrière. J'y ai investi toute mon expertise, dans le but de mettre en lumière mes compétences et ma maîtrise rédactionnelle, des atouts que je revendique en tant qu'expert en communication sur mon profil LinkedIn. Naturellement, un tel exercice requiert un investissement personnel considérable en temps et en effort. Ainsi, pour respecter l'échéance du matin, j'ai consacré presque toute ma nuit à cette tâche. Épuisé mais content de moi, c'est aux premières lueurs de l'aube que j'ai envoyé avec fierté ce rapport si bien élaboré.

Encore une fois, pas d'accusé de réception... À ce moment-là, j'ai levé un sourcil, mi-amusé, mi-perplexe, en me disant que cette entreprise avait véritablement besoin d'un expert pour peaufiner leur processus de communication!

Six jours plus tard, je reçois un courriel me remerciant pour mon résumé et m'informant de la date retenue pour le test de simulation. C'est alors que j'apprends que je recevrai un briefing par courriel et disposerai de deux heures exactes pour y répondre.

«C'est le rêve de tout créateur un peu sérieux de s'inscrire contre le temps qui passe et d'imaginer qu'il pourra rester quelque chose de son oeuvre.» — Franco Zeffirelli

Le jour J, et pile à l’heure, je reçois le briefing, très dense… Top chrono! J’ai relevé le défi avec enthousiasme, malgré le délai serré. Le défi consistait à concevoir une campagne marketing intégrale pour un des produits vedettes de l'entreprise. Cela incluait l'élaboration d'une stratégie pour la conversion des prospects, l'allocation d'un budget à travers divers canaux de diffusion et la création d'un visuel accrocheur accompagné d'un slogan mémorable. Pour couronner le tout, mon travail devait se terminer par la mise en place d'une stratégie pour l'analyse du retour sur investissement.

Encore une fois, avec la promesse d'un emploi à portée de main, telle la carotte suspendue juste sous mon nez, je me suis investi corps et âme dans la tâche ! J’y ai mis le paquet ! Deux heures d'un travail acharné, mobilisant toutes mes ressources, autant humaines que technologiques, pour concocter le meilleur résultat envisageable. Deux heures paraissant presque dérisoires au vu de l'envergure de leur demande… À la fin du compte à rebours, éreinté et en nage, mais muni d'un concept solide, c’est avec une immense satisfaction que j'ai téléchargé mon œuvre dans leur espace cloud!

«Le professionnalisme est une maladie qui vient aux gens par leur métier, par la maîtrise qu'ils en ont, qui les asservit.» — Christian Bobin

Ce n’est que deux jours plus tard que je reçois enfin un accusé de réception, accompagné de remerciements pour l'effort accompli. On me demande de faire preuve de patience, étant donné le volume important de dossiers qu'ils doivent examiner.

Depuis lors, le silence règne... Un mois et demi s'est écoulé sans la moindre nouvelle de leur part. J'ai attribué initialement ce délai prolongé aux vacances et aux jours fériés de fin d'année. Toutefois, face à l'absence de réponse, j'ai décidé d'agir en reprenant contact pour solliciter des informations sur l'avancement de leur processus de recrutement et une mise à jour éventuelle. Mais quatre jours se sont écoulés depuis cet ultime effort de ma part. L'absence d'accusé de réception ne m'a guère surpris, mais cette absence totale de communication commence sérieusement à m'inquiéter. Que se passe-t-il exactement ? Ai-je été dupé ? Leur compétence en matière de communication serait-elle si défaillante ?

Lors d'une conversation avec mon cercle proche sur cette situation, un ami m'a partagé une perspective plutôt inquiétante : «Tu ne serais pas, par hasard, la cible d'une forme moderne d'arnaque professionnelle ? Pense à cela : 450 candidats, seulement 6 retenus. En d'autres termes, le «top 6» selon leurs critères. Si chacun de ces candidats s'est investi autant que toi, l'entreprise dispose maintenant de six concepts créatifs complets pour leur campagne publicitaire phare, n'est-ce pas? Imagine un peu : aujourd'hui, il est courant d'employer des stagiaires ou des étudiants pour effectuer le travail d'experts, évitant ainsi les coûts salariaux. Et si, finalement, aucun des six candidats n'était recruté et que l'entreprise utilisait vos idées via une équipe de stagiaires ? Ils se retrouveraient avec six campagnes élaborées pour le simple coût de leur temps ! »

Et vous, qu’en pensez-vous de cette drôle d’aventure?

«Escroquerie : une bonne affaire qui a rencontré une mauvaise foi.» — Pensées · Alfred Capus

[ edit ] Mise à jour | 27 janvier 2024 | 18:00 • Une réponse ! Enfin ! Je reçois à ce jour un email de la part de la direction pour me remercier de m’être intéressé à leur entreprise et d'avoir pris le temps de participer à leur processus de sélection, y compris ce fameux exercice marketing, auquel ils espèrent que j’ai survécu ( une touche d’humour, donc…). On me fait savoir qu’ils sont actuellement en plein dans l'évaluation d’un grand nombre de candidatures. La société croule sous le travail et c’est plutôt compliqué en ce début d’année, vous savez ce que c'est ! On tient à m’assurer que chaque candidature, la mienne y comprise, est scrutée avec le plus grand soin. On me demande d'être patient pendant cette phase d'examen active et intense. On me promet de revenir vers moi dès qu’une décision sera prise. L'entreprise tient à exprimer sa gratitude pour ma compréhension et ma patience, et bien sûr, tout cela est accompagné des salutations les plus respectueuses de leur part.