Macron au centre de la recomposition en Europe


Le Figaro International

Isabelle Lasserre

29/05/2019

DÉCRYPTAGE - Les tractations pour désigner les nouveaux dirigeants de plusieurs institutions de l’UE qui vont changer avant la fin de l’année ont tourné mardi au bras de fer entre les chefs d’Etat ou de gouvernement et le Parlement européen.

Les grandes manœuvres électorales ont commencé à Bruxelles et Emmanuel Macron compte bien, si ce n’est les diriger, au moins les influencer. Comme il l’avait fait juste après avoir été élu, le président français est reparti à l’offensive. En trois jours, lui qui avait fait de la «refondation de l’Europe» une de ses priorités, a multiplié les contacts et les discussions avec ses homologues avant le Conseil européen. Dans ses approches, le président français n’a négligé aucune partie du continent. Ni le sud avec l’Espagne et le Portugal, ni l’est avec les pays de Visegrad, ni le centre avec Angela Merkel, Donald Tusk et Charles Michel, le premier ministre belge. Après avoir vu son ambition pour le continent contrecarrée par les événements politiques et par des maladresses françaises, Emmanuel Macron a retrouvé son énergie européenne. S’estimant conforté par le résultat des élections, il pousse son avantage pour s’imposer à nouveau au centre du jeu et rassembler les forces politiques nouvelles et dites proeuropéennes dans un grand mouvement central, une «majorité progressiste» capable de faire barrage à ceux qu’on appelle à l’Élysée les «forces négatives» ou les forces de «destruction», les nationalistes.

Situation inédite

«Rien ne sera jamais plus comme avant» a prévenu Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, sur France Inter. C’est une situation inédite en Europe. «Pour la première fois, avec le recul du Parti socialiste européen et celui du PPE, il n’y a pas de majorité au Parlement. Or, en Europe, on ne dirige pas tout seul mais en coalition. Le président veut jouer un rôle dans cette recomposition. Il ne veut pas rester spectateur», affirme une source à l’Élysée. L’annonce, lundi, de la création d’un nouveau groupe «réformiste» au Parlement européen par l’actuel groupe centriste Alde (libéral démocrate) et la liste Renaissance a été la première étape de cette refondation. Emmanuel Macron mise sur des alliances avec les Socialistes, le PPE et les Verts. «En anticipant l’effondrement des sociaux-démocrates et du PPE, il a vu juste. Aujourd’hui il veut devenir le faiseur de rois. Il bouscule les codes, veut faire exploser le système traditionnel», analyse Jean-Dominique Giuliani, le président de la Fondation Schuman.

Mais le scénario français manque encore d’huile dans les rouages. Il bute d’abord sur un désaccord avec l’Allemagne à propos du sujet sensible de la présidence de la Commission, le plus recherché et le plus influent des postes européens. Ayant gagné les élections, les conservateurs allemands poussent leur candidat du PPE, Manfred Weber. Mais Paris n’en veut pas et réaffirme son refus de la règle de l’automaticité entre la victoire d’une tête de liste et son accession à la tête de la Commission. Les Français considèrent que Weber est un candidat «sous-dimensionné» pour le poste. Ils lui préféreraient une personnalité plus forte, capable de capitaliser sur le sursaut européen sorti des urnes. Emmanuel Macron a cité trois candidats: le Français Michel Barnier, la Danoise Margrethe Vestager et le Néerlandais Frans Timmermans. Avec plus de 20 élus, la délégation française sera la plus importante dans le futur «groupe central» du Parlement. Cela donne à Paris, selon l’Élysée, un poids politique «prédominant».

Progressistes contre nationalistes

Les tractations s’annoncent donc musclées. «Mais l’Allemagne et la France ont la volonté de ne pas afficher de divergences», explique une source à la présidence. Les postes européens ne sont pas le seul irritant porté par la France. Dans cette coalition qu’il appelle de ses vœux, Emmanuel Macron, lui qui a fait campagne pour les progressistes contre les nationalistes, voudrait un PPE débarrassé de Viktor Orban, le président hongrois, qui s’affranchit trop à son goût des règles et des valeurs de l’UE. Mais pas sûr que Paris réussisse à imposer son départ à ses partenaires européens et notamment à l’Allemagne. Il reste un troisième obstacle sur la route du projet français, l’existence d’une autre majorité potentielle au Parlement européen, qui serait composée des socialistes, du PPE et des Verts. Emmanuel Macron est très attendu par ses partenaires de l’UE. Saura-t-il renouveler l’élan qu’il avait su créer en 2017?


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