Manageur ou entrepreneur

Manageur ou entrepreneur

Selon Peter F. Drucker [i], « la distinction entre le manageur et l’entrepreneur » tient, pour l’essentiel, au fait que le premier, qu’il qualifie de « synthétiseur », « gère des résultats » et « accumule du capital de risque ». Le second, qu’il associe au « zélote », « focusse et met en œuvre de nouvelles opportunités » pour l’entreprise. Qui plus est, il arguait que « l’échec de l’innovation était la raison principale du déclin des entreprises », mais que « l’inaptitude des manageurs à gérer constituait la raison première de l’érosion de la capacité d’innover des entreprises ».

En somme, l’entrepreneur, à qui l’on doit le lancement initial du projet, doit, un jour ou l’autre, réaliser que son entreprise est devenue une organisation à gérer dans une perspective d’évolution de son activité et de ses affaires. Elle requerra alors une capacité d’innovation, laquelle supposera l’exploration d’avenues nouvelles de concurrence dans son marché. Ce qui supposera également une gestion innovante de l’exploitation des ressources courantes de l’entreprise, celles qui permettront à cette dernière l’effort requis en temps, énergie et budget pour assurer son service renouvelé au marché. Les deux supposent, que la mission implicite de l’entreprise, qui veut que cette dernière crée (satisfasse la demande) le client, soit accomplie de manière optimale à travers la gestion de son activité et de ses affaires. Or, la création du client n’est jamais validée que par la prochaine transaction dans le marché de l’entreprise. Et donc, l’entreprise doit assurer sa pérennité dans le marché, pour remplir sa mission implicite de création du client.

Si la capacité d’innover doit être gérée par le manageur, elle doit d’abord être assumée par l’entrepreneur. C’est ce qu’il faut comprendre, de la distinction des fonctions entre l’un et l’autre, selon Drucker. Mais il demeure, que leur rôle propre, si complémentaire soit-il, suppose un talent (habileté) fort différent chez l’un et chez l’autre. Voire même, en opposition d’application pratique. Puisque l’exploitation des ressources est tournée vers le passé de l’entreprise, alors que l’exploration d’avenues nouvelles de concurrence dans le marché est axée sur le futur de l’entreprise. L’activité et les affaires doivent donc être pensées, gérées et évaluées suivant des critères distincts de rendement à la tâche, pour le manageur et pour l’entrepreneur. Ce que, malheureusement, la vaste majorité des entreprises ne font pas, qui adoptent et maintiennent en place un système fixe d’évaluation du rendement à la tâche fondé sur de mêmes critères pour l’ensemble des acteurs-preneurs à leur activité et à leurs affaires.  

L’entreprise est un régime à deux temps, d’effort et de repos, comme le système sanguin de l’humain l’est lui-même. L’effort y est fait d’investissements (dépenses nouvelles en vue d’une valeur ajoutée éventuelle sur le capital versé – le futur), le repos y est fait d’économies (dépenses réduites sur la ressource engagée dans l’activité et les affaires en vue d’un profit accru sur l’exercice – le passé). L’entreprise est en situation de porte-à-faux permanent, par rapport à sa condition concurrentielle dans le marché, et doit, de ce fait, être et devenir plus qu’elle n’a été. Un jeu d’équilibre ponctué, qui met en rapport critique d’évolution son passé et son avenir, chaque fois que le marché évolue dans un sens ou dans l’autre. Parce que cela remettra en question la capacité concurrentielle de son offre, et donc la pertinence de constitution, gestion et évaluation de son système entier de production-distribution.

En conclusion, l’entreprise ne peut se dispenser du manageur et de l’entrepreneur, et doit les traiter comme facteurs déterminants de son succès d’activité et d’affaires, ce qui commandera qu’elle les associe et non pas qu’elle les découple en permanence.

 

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[i] Flaherty, J.E., (199), Shaping the Managerial Mind: How the World’s Foremost Management Thinker Crafted the Essentials of Business Success, Jossey-Bass, p. 160.

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