Manifesto du diktat du bien-pensant.

Pensons juste. Pensons bon. Soyons de bons élèves. Oublions le transgressif, l’à côté, l’originalité. Refusons l’excès. Il n’ouvre pas les possibles. Il est le danger, il est l’abus. N’abusons pas. Ne dépassons pas les bornes. Gambadons dans notre carré de verdure. Courons dans la limite de l'électrifiée.

Ne moquons pas l’autre. L’autre c’est nous. Ne rions pas du plus gros ou du plus maigre. Ne rions pas non plus des calvities. Nous sommes tous chevelus. Nous sommes tous pareils.

Respectons l’habit sans tenue, le motif sans but. Et si tu n’aimes pas, tais toi à tout jamais. N’entendons plus l’accent qui nous faisait sourire. Le belge n’est plus drôle. Coluche est mort. Parlons sans nuances, sans origines, sans différences. Nous sommes tous la même personne. Portons tous le même prénom.

Condamnons la couverture du magazine qui découvre de trop belles fesses. Acceptons les moches, au moins elles sont comme les nôtres. Oui, soyons entre nous. Refusons l’exception, la beauté, la magie. Cachons les trop beaux. Cachons les regards envoutants, les torses galbés, les seins à damner un saint. Les trop beaux sont une exception, et l’exception n’est pas nous. Ne rêvons pas. Ne dévions pas. La déviance est une catin.

Refusons l’originalité. L’excès, l’exception. Ne décalons plus, ça suffit les excentriques ! Mettons le second degré au second plan. Préférons l’ennui à l’humour. Le rire crée les rides. Sauvons nos peaux.