Mercuriale : Ceci n’est pas une mercuriale...
Jeudi 10 janvier 2019 - Palais de Plume - Ittre

Mercuriale : Ceci n’est pas une mercuriale...

 (…)

Mesdames, Messieurs en vos titres, grades et qualités,

Chers Amis,

Après Ottignies-Louvain-la-Neuve, Waterloo et Hélécine, nous voici dans cette magnifique commune d’Ittre, accueillis dans ce Palais de Plume. Un lieu, à l’image du Brabant wallon, qui marie l’urbanité au sein de la ruralité, l’enchantement et la modernité.

Saviez-vous que cette salle devint le Palais de Plume suite à sa superbe rénovation en 1997 ? Ancien Waux-Hall, théâtre lyrique qui bénéficiait d’une acoustique incomparable pour l’époque, elle fut construite vers 1890. Ittre possédait alors trois autres salles de bal (Le Béro ou « Salle du Progrès », le Casino ou « Rond Salon » et le Salon de la Gaîté ou « Salon Lise »). J’ai aussi découvert qu’il y avait un nombre incroyable de bistrots et d’estaminets dans le centre d’Ittre à l’époque. Ittre, c’est ce patrimoine paysager charmant qui sert de cadre de vie à près de 7.000 habitants et presque autant de talents qui font la fierté du Brabant wallon. N’est-ce pas Monsieur le Bourgmestre ?

 Il y a ici ce climat particulièrement propice à l’élévation spirituelle que le Président du Collège provincial et moi-même recherchons lors de ces séances mixtes de vœux et de mercuriale. A ce propos, je remercie très chaleureusement le Collège provincial et les équipes en charge de la préparation de cette soirée pour les moyens mis à notre disposition pour cette séance.

Toutefois, je crains de vous décevoir car il n’y aura pas de mercuriale cette année.

Introduction

En effet, mes mercuriales présentent toujours la même structure. Un mot sur le lieu, une introduction qui fait le point sur le suivi de ce que j’avais raconté l’an dernier, avec un mini bilan de l’année, des annonces pour les mois qui viennent, un exposé sur une thématique choisie et enfin les vœux à proprement parler.

Et bien cette année, je ne reviendrai pas sur la méthode que je proposais pour réformer les provinces, ou à tout le moins pour examiner comment faire coller chaque politique au territoire le plus adéquat. Mon intervention d’alors n’était pas un plaidoyer pour le statu quo autour des missions provinciales, mais visait bien à éviter la confusion entre les questions territoriales et les questions de gouvernance ou d’éthique.

Vous l’aurez compris, de tout cela je ne peux vous entretenir aujourd’hui, d’autant plus qu’un avant-projet de décret est passé en première lecture au Gouvernement wallon. Autant ma position me permet de faire des propositions publiquement, autant elle m’interdit – à juste titre – de commenter publiquement des décisions et je réserve donc mon avis à mon mandant, c’est-à-dire au Gouvernement wallon.

Faits marquants en 2018

De même, je ne vais pas vous faire de mini-bilan de 2018.

Nul besoin de souligner que cette année, ce ne sont pas les inondations qui nous ont causé des soucis mais bien la sécheresse. Vous savez tous aussi que cette mode du jaune, porté en gilet, a eu peu de succès dans notre province ou que les fêtes autour de nos réussites au football comme au hockey furent joyeuses et sous contrôle.

Je reste peu convaincu de l’intérêt d’expliquer que l’année 2018 fut consacrée à une multitude d’exercices autour de la planification d’urgence, à la finalisation de nouveaux plans particuliers, au lancement de campagnes de prévention, à l’organisation de conférences et de formations. Comme ces formations à la communication de crise avec une mise en réseau pour les communicants des autorités locales et des intercommunales. Ou ces séances à destination des nouveaux élus qui portent sur les missions et obligations en matière de sécurité des communes et des élus. (Il y en aura d’ailleurs encore une le samedi 26 janvier).

A ce propos, je tiens à remercier encore une fois mes partenaires que sont les pompiers, les intervenants médicaux et psycho-sociaux, les policiers, les militaires, les agents de la Protection civile, les magistrats du parquet, les bénévoles des associations qui nous appuient, ainsi que toute mon équipe. 

Bien entendu, l’an dernier j’évoquais les élections provinciales et communales et le courage qu’il faut pour être candidat d’un parti démocratique dans ce climat délétère et de méfiance anti-institutionnelle. Un climat entretenu par ceux pour qui les valeurs de liberté, d’égalité, de justice et de fraternité comptent moins que leurs passions identitaires ou la mesquinerie de leurs égos mal placés.

Bien entendu, je me souviens avoir évoqué l’anniversaire des 70 ans de la consécration universelle des Droits de l’Homme ou les personnes qui ignorent les leçons de l’Histoire et se laissent aller à des extrémismes simplificateurs. 

Bien entendu, mon rôle dans l’organisation et le contrôle lors des élections, notamment communales, fut un peu plus visible en raison de problèmes de surtension électrique dans les locaux de dépouillement de notre chef-lieu (Tiens, voilà une belle illustration de ce qu’est l’effet dominos pour ceux qui suivent mes formations : un petit incident électrique, qui cause un souci informatique, qui conduit à devoir changer l’équipe de dépouillement avec comme conséquence un recomptage partiel).

Bien entendu, l’installation de caméras ANPR en Brabant wallon a commencé grâce à l’appui de la Province.

Bien entendu, si les situations d’urgence furent moins nombreuses en 2018, la vigilance reste toujours de mise tant face aux radicalismes de tout poil que face à l’évolution des phénomènes météorologiques.

Bien entendu, j’aurais dû aussi vous parler de mes missions à l’étranger, du réseau des préfets et gouverneurs francophones ou des visites royale ou présidentielle, ou encore de mon bonheur lorsque je présente les atouts et les talents de ma province à des délégations économiques étrangères.

Bien entendu, je devrais aussi vous parler de mon équipe de choc, qui s’est impliquée à fond au cours de cette année éprouvante, avec notamment l’organisation des élections, l’augmentation de nombreux dossiers de tutelle liés à la fébrilité du climat éléctoral, mais aussi la gestion de milliers de régularisations liées à la période d’amnistie pour les armes.

Bref, je n’évoquerai pas tout ceci car, je l’ai dit, il n’y a pas de mercuriale cette année.

Ne dit-on pas d’ailleurs que « les gens heureux n’ont pas d’histoire »[1] ?

Et la recherche du bonheur, c’est quand même un peu le core business du Brabant wallon et de nous tous ici présents – du moins je l’espère pour vous.

Or, une mercuriale, c’était un discours de dénonciation des abus de l’administration et c’est surtout devenu une réflexion publique de l’autorité – judiciaire ou administrative. Dans ce contexte, j’avais imaginé vous entretenir d’une question de conscience purement théorique dans mon chef mais qui fut parfois dramatiquement sensible.

Syndrome Jean Moulin

Mesdames, Messieurs,

Sommes-nous prêts à prendre des risques d’insubordination le jour où nous serons confrontés à un ordre illégal ? Sommes-nous préparés à commettre une infraction dans le but d’éviter qu’un dommage plus important que celui créé par notre infraction ne se produise[2] ? Quelle serait notre réaction si nous étions placés devant l’obligation de faire appliquer une règle qui viole des valeurs fondamentales du Droit international ?

Cette question me tarabuste depuis mon service militaire comme officier de réserve et depuis que j’occupe des postes à responsabilités. J’ai en effet eu l’opportunité de devoir expliquer à des recrues ce que signifie l’article 11§2 du Règlement de discipline des forces armées (Loi du 14 janvier 1975 – que tous les hommes de plus de 47 ans ici présents connaissent bien évidemment) : « (…) Un ordre ne peut cependant être exécuté si cette exécution peut entraîner manifestement la perpétration d'un crime ou d'un délit ». Article directement tiré de la jurisprudence de Nuremberg.

Le 4 décembre 1945, Sir Hartley Shawcross, représentant l’accusation pour le Royaume-Uni, en développait l’idée (je cite) : « Le loyalisme politique, l’obéissance militaire sont des choses excellentes, mais elles n’exigent ni ne justifient la perpétration d’actes manifestement injustifiables. Il arrive un moment où un être humain doit refuser d’obéir à son chef, s’il doit aussi obéir à sa conscience. Même le simple soldat qui sert dans les rangs de l’armée de son pays n’est pas tenu d’obéir à des ordres illégaux. »

De même, la question du respect du serment constitutionnel (fidélité au Roi, obéissance à la Constitution et aux lois du Peuple belge) par les officiers « fidèles » au Roi Léopold III ou par ceux « obéissant aux Lois belges » du Gouvernement en exil à Londres, était au centre de notre propre formation. Il n’existe bien entendu aucune réponse simple à ces questions de conscience.

En droit belge, le fonctionnaire doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique[3] mais cette conformité n’est pas une soumission aveugle. Qui plus est si l’ordre donné est manifestement illégal ou de nature à compromettre gravement un intérêt public. Toutefois, il ne s’agit pas d’un droit général à la désobéissance ou à l’insubordination mais bien d’une exception dans des circonstances précises.

Un de mes collègues français m’expliquait que, par essence, les préfets ou les gouverneurs ne sont pas de nature à contester et encore moins à adopter une attitude révolutionnaire. Et pourtant, certains d’entre eux se sont élevés à des moments de l’Histoire pour contourner ou pour résister à des Lois et des pouvoirs dont ils estimaient la légitimité contestable. D’autres sont bannis de leur pays ou croupissent en prison, à côté de magistrats et de policiers, pour avoir défendu les principes de l’État de Droit.

Depuis que je suis devenu gouverneur, je tente donc de conceptualiser ce que j’appelle le « syndrome Jean Moulin ». Qu’est-ce qui a poussé ce préfet, en charge de faire régner l’ordre et respecter la loi, à résister et même à organiser la Résistance ?

Pourquoi est-il quasiment le seul préfet à résister immédiatement face à un envahisseur et à un pouvoir totalitaire ? Par quel mécanisme sent-il qu’il va devoir résister avant tout le monde ?

Dès le 17 juin 1940, la veille de l’Appel du Général de Gaule, Jean Moulin est arrêté une première fois parce qu'il refuse la demande allemande d'accuser une troupe de tirailleurs sénégalais de l'Armée française d'avoir commis de prétendues atrocités envers des civils.

Je suis convaincu que la majorité d’entre nous s’est un jour posé la question de savoir quelle aurait été son attitude lors de l’occupation nazie. Certes, nous avons l’Histoire avec nous pour imaginer nos réponses et cela biaise toute réaction immédiate à cette question. Certes, nous avons maintenant le Droit international pour nous, mais au moment du choix, qui d’autre que notre conscience tranchera ?

La lecture du remarquable ouvrage de l’historien britannique Robert Gildea : « Comment sont-ils devenus résistants ? (Une nouvelle histoire de la résistance) » montre la multiplicité des raisons qui ont conduit certains à la résistance. Mais elle n’explique pas le cheminement intérieur qui pousse une femme ou un homme à agir dans un sens ou l’autre.

Certains expliquent qu’il s’agit d’être en ordre avec sa conscience. C’est ce que les psychologues appellent éviter la dissonance cognitive, c’est-à-dire une contradiction violente entre la façon d’agir et les valeurs propres à l’individu. D’autres identifient le sens de l’Honneur, c’est-à-dire le refus de sacrifier des valeurs traditionnellement portées par la collectivité à laquelle on appartient. Ici, les psychologues envisageront un « surmoi » exceptionnel voir anormal.

D’autres théories existent, qui expliquent aussi le conformisme d’une majorité des décideurs ou de responsables placés dans les mêmes circonstances et qui préfèrent ne pas prendre le risque ni de résister ni de collaborer. Dans le même ordre d’idées, on se souviendra aussi des expériences de Milgram qui montrent comment les attributs de l’autorité peuvent conduire les individus à accepter de poser des actes contraires à leurs valeurs.

Des études de psychologie sociale démontrent que, jusqu’à une certaine taille, plus il y a de personnes qui assistent à un drame moins il y a de chance de réaction pour venir en aide ou faire cesser l’incident (affaire Kitty Genovese[4]). Chacun observe le comportement de l’autre et considère sa non-réaction comme normale et adaptée à la situation, jusqu’au moment où sortant du groupe, un « anormal » ne réagisse.

L’apathie, la non-réaction à une situation manifestement contraire aux valeurs communes de la société semblent la voie « normale » et ceux qui agissent sont potentiellement vus comme des anormaux, jusqu’au moment où l’Histoire leur donne raison et où une conversion de masse s’opère.

J’ai fait ce petit détour par la psychologie sociale pour illustrer combien la question est complexe et combien il faut être prudent avant de juger un comportement conforme ou résistant.

Bien sûr, cette conformité peut-être encore bien plus tragique comme Hannah Arendt l’a démontré : quand la conformité s’associe à la démission de la pensée[5] conduisant presque irrémédiablement l’individu vers l’adhésion inconditionnée à des règles totalitaires et inhumaines.

Toutefois, les circonstances exceptionnelles de l’époque, propres à la défaite, à l’occupation et au nazisme ne peuvent être pûrement et simplement mises en perspective avec des situations contemporaines.

Notre période est moche, car elle voit chez nous une « libération de la parole » raciste, des discours haineux « décomplexés » et, dans certains pays, le retour au pouvoir d’idéologies totalitaires et/ou démagogiques.  

Notre époque est complexe, car on ne peut prédire si les égoïsmes et les identités meurtrières l’emporteront sur les valeurs de solidarité et de fraternité.

Notre présent est une chance, car – à ce stade - nous restons libres de nos choix, de notre pensée et de ne jamais la soumettre « ni à un dogme, ni à un parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit, si ce n'est aux faits eux-mêmes, parce que, pour elle, se soumettre, ce serait cesser d'être[6]. » comme le disait Poincaré.

A ce titre, ce « syndrome Jean Moulin » continue de me fasciner. Rassurez-vous, je n’ai aucune intention d’entrer en résistance et je me méfie des comportements romantiques ou radicaux.

Au contraire, je suis plutôt de ceux qui préfèrent les mauvais accords aux bonnes guerres, les compromis aux solutions qui clivent. Et c’est pour cela que cette question de la limite est importante.

Ce « syndrome Jean Moulin », c’est en quelque sorte la caricature d’un cadre éthique : quelle est la limite de ce qui pour chacun d’entre nous est acceptable et que faire quand cela ne l’est pas ?

Bien sûr, cette question je ne la poserai pas vu qu’il n’y a pas de mercuriale cette année. 

Cela étant, si vous vous la posez quand même, il existe des textes dont on ne mesure pas assez l’économie et la beauté, pour nous aider à fixer ce cadre éthique. Je pense, par exemple, à la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, dont on vient de fêter les 70 ans, et je ne résiste pas à nous rappeler son article 1er : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Bien entendu, l’absence de mercuriale cette année ne me permet que d’effleurer ce questionnement éthique qui trahit une préoccupation personnelle. Préoccupation ravivée par l’observation de la montée des radicalismes et des extrémismes simplificateurs, totalitaires et/ou racistes, à l’opposé des valeurs humanistes.

Perspectives mal nommées

Mesdames, Messieurs,

Pour le même motif de non-mercuriale, il n’y aura pas plus de perspectives pour 2019. D’ailleurs, Pierre Dac disait que « Les prévisions sont difficiles, surtout quand elles concernent l’avenir ».

Il y aura donc des incertitudes en 2019. Incertitudes quant aux phénomènes météorologiques bien sûr.

Incertitudes quant aux élections régionales, fédérales et européennes, on s’en doute.

Incertitudes quant à l’avenir des provinces et du modèle brabançon, je n’y reviendrai pas.

Quant à moi, l’incertitude ne porte pas sur la répartition de mes tâches entre les missions sécuritaires et les initiatives économiques, culturelles ou sociales à soutenir mais bien sur ma capacité à garder mon calme en toutes circonstances.

En effet, mon agacement face aux dérives « antisystème », aux délires complotistes, à la pseudo « libération de la parole », aux fake-news et autres méchants trolls que je dénonçais il y a deux ans est en croissance constante. L’excuse d’être « entré dans le nouveau siècle sans boussole[7] » ne justifie pas les recours aux discours totalitaires et à la haine que l’on observe un peu partout.

Dans ce climat, qui fait remonter la fange des aspects les plus médiocres et vils de l’humanité, comment voulez-vous sérieusement « mercurialiser » ?

Mesdames, Messieurs,

« Mercurialiser », néologisme tout neuf, action de celui qui prononce une mercuriale.

Les néologismes, voilà un autre sujet que cette non-mercuriale n’abordera pas. Pourtant, il y a bien dans l’observation des néologismes – du moins ceux qui sont utilisés - un indicateur très pertinent de l’évolution sociale.

Utiliser les derniers mots entrés dans le Larousse ou le Robert pourrait donner une orientation, une forme de prospective de l’évolution de notre société.

C’est ainsi que la poursuite de « l’implémentation[8] » de « startupeurs » et de « geekettes[9] » en mode « fashionista » contribue à « gentrifier[10] » le « BéWé ». Certains y voient une forme de « boboïsation » et d’autres, le symbole d’une province « agile[11] », de plus en plus « instagrammable[12] ».

Cela dit, ce qui est « malaisant[13] » avec les néologismes « capillotractés[14] », c’est le fait qu’ils semblent être le « teaser » d’une société où la « bienveillance » et la « bientraitance[15] » s’effondrent dans une « disruption[16] » que la « collapsologie[17] » est en train de « spoiler ».

Un monde où les « rageux », adeptes des « infoxs[18] » et du « dégagisme », dénonciateurs de la « démocrature » et des « merdias », exerceront le pouvoir à coup de « novitchok[19] ».

Une ère où la « post-vérité » veut voir la disparition des idéologies mais où l’on peut craindre que « l’animalisme » de certains « végans » n’effectue une « remontada[20] » au détriment des Droits de l’Homme.

Une véritable « mixologie[21] » idéologique en fait, avec des « flexitariens[22] » « grossophobes[23] », qui affronteraient des « transpartisans[24] » « cisgenres[25] ».

Une société qui masque ses errements en imposant moralement le « plogging[26] », en interdisant la « glottophobie[27] » dans les « vlogs[28] » ou en condamnant le « sans-abrisme » mais qui « tague » de suspect toute considération sur la légitimité ou sur la complexité.

Une société qui ferait plus confiance à l’« autocomplétion[29] » qu’au genre humain.

Bref, Il n’y a pas que l’évolution du système climatique qui nécessite de réagir mais aussi ce climat anti- système où les mots justes sont pervertis sans que plus personne ne se souvienne de leur sens et du contexte historique qui les a vu naître.

Si cela m’agace d’entendre, « Bella ciao », le chant des partisans italiens, minablement commercialement récupéré et massacré par les paroliers du R&B de supermarché[30], l’usage vulgaire de concepts complexes m’exaspère.

La désobéissance civique par exemple est devenue la tarte à la crème de toute contestation corporatiste. Il faut oser comparer ces préoccupations souvent très matérialistes et individualistes face aux enjeux pour lesquels Gandhi ou Mandela se battaient, mais passons.  

« Mal nommer un objet, c'est ajouter au malheur de ce monde » disait Albert Camus[31].

Dès qu’un chien avec une casquette a un avis de comptoir à donner sur l’état de la fiscalité en Belgique ou en Europe, quasi à tous les coups surgit le terme « dictature ». Pourquoi n’y a-t-il personne pour lui expliquer que s’il s’exprime aussi librement, c’est parce qu’il vit dans un État de Droit et que le contrôle de la fiscalité est précisément un des grands acquis de la démocratie face à l’arbitraire ou à la loi du plus fort.

Dès qu’un raisonnement est opposé à un slogan, le soupçon est porté sur la qualité de celui qui énonce le raisonnement plutôt que sur son contenu. Dans ce contexte, le soutien de certains leaders d’opinion aux théories accablant les élites m’inquiète toujours autant.

Pourquoi n’entendent-ils pas la raison d’un Michel Rocard qui disait « Toujours préférer l'hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot demande un esprit rare. » ?

Cette production de nouveaux conformismes n’est cependant pas le pire mais bien la confusion permanente entre la fin et les moyens.

C’est ce que je note avec d’autres, quand j’observe ces mouvements avec des revendications parfois justifiées mais portés par des dynamiques qui tendent à faire croire que tous les moyens sont bons.

L’Histoire nous a appris les dangers totalitaires de cette confusion.

Je ne doute pas de la capacité réfléchissante de certaines chasubles mais dans ce fatras, je crains qu’elles ne virent au brun ou au vert de gris. 

Avec, en sus, ce contexte que résume Umberto Eco : « les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d'imbéciles qui, avant, ne parlaient qu'au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu'aujourd'hui ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel. C'est l'invasion des imbéciles… ». 

Comme aujourd’hui je ne « mercurialise » pas, je ne vous dirai pas que notre responsabilité est de partager un peu plus de raison sans craindre d’affirmer nos valeurs.

Je ne vous dirai pas que face aux angoisses, aux colères, aux frustrations imaginaires ou réelles, nous n’avons pas d’autres solutions que de miser sur plus de justice, et, de faire comprendre l’utilité de la Démocratie et des Droits de l’Homme pour transformer les destins individuels et collectifs.

Vœux

Mesdames, Messieurs,

Avec ou sans mercuriale, il y aura des vœux.

L’an neuf est propice aux conseils pour l’avenir, aux bonnes résolutions (c’est-à-dire aux conseils à soi-même), aux vœux et surtout aux remerciements.

Vous me permettrez donc de remercier mes partenaires de la zone de secours, de l’aide médicale urgente, de l’aide psycho-sociale, des polices fédérales et locales, de la Défense, de la Protection civile, des communes et des CPAS, de la Justice, des administrations régionale et fédérale, des médias, et des associations. Des partenaires que je souhaite saluer pour leurs compétences, leur disponibilité et leur dévouement dans l’exercice de leurs missions. Saluons aussi le sens de l’humour fin et délicat de ces partenaires qui a permis d’éviter (quasi) tout commentaire superflu, par exemple lors de l’élaboration du plan « cochon » visant à éviter la propagation de la peste porcine en Brabant wallon.

Vous me permettrez aussi de saluer Mathieu, Isabelle, Marco, Tanguy, les membres politiques du Collège provincial, Annick et à travers elle toutes les équipes de l’administration provinciale, mais aussi tous les Conseillers provinciaux qui s’impliquent pour notre province et ses habitants.

A l’opposé des clichés et des stéréotypes véhiculés sur les politiciens ou les fonctionnaires, je sais la sincérité, la force et la qualité de vos engagements en faveur du bien commun 

Quant à mes propres résolutions, outre celles qui ne vous intéressent pas (qui concernent des questions assez banales de surcharge pondérale ou d’activité sportive), elles visent à poursuivre mes visites de terrain auprès des entreprises, des associations et des institutions actives dans la Province - et en particulier - à rendre visite aux 27 CPAS du Brabant wallon, sur lesquels j’exerce une tutelle régionale.

Avec comme d’habitude un œil sur l’objectif et l’autre œil… sur l’objectif, je souhaite encore consolider notre préparation face à l’incertain. A ce titre, je vais par exemple tenter de renforcer la pédagogie autour de la prévention en matière de sécurité, notamment lors de rencontres plus régulières avec les Brabançons.

Cela dit, mon premier souhait sera de vous écrire l’an prochain une mercuriale qui ne parlera plus ni des maladies du monde ni de mes interrogations philosophiques. Une fable peut-être ?

Ma seconde pensée porte sur ma propre équipe, que je veux féliciter encore pour sa motivation, et auprès de laquelle j’espère être plus présent et accompagnant.

 

Mon dernier voeux sera celui de nous voir œuvrer à la construction d’une société apaisée,  qui puisse retrouver ses valeurs fondatrices.

 

Mais ce qui est certain, c’est que toute mon équipe et moi-même vous souhaitons une année nouvelle qui puisse satisfaire toutes vos espérances. 

Merci de votre écoute.

Gilles Mahieu

Notes

[1] Citation qui, d’après le web serait de Tolstoï, ou de Simone de Beauvoir, ou d’Éloïse Lièvre (titre de son roman en tous cas), ou de Paul-Loup Sulitzer, ou d’Anna Karénine, ou de Claude Roy, ou de Jacques Laccarière ou d’un bon millier d’autres écrivains, chanteurs et philosophes…

[2] Ce que l’on nomme l’état de nécessité.

[3] Autres exceptions : Art. 152 du Code pénal : Si l'inculpé justifie qu'il a agi par ordre de ses supérieurs, pour des objets du ressort de ceux-ci et sur lesquels il leur était dû obéissance hiérarchique, les peines portées par les articles précédents seront appliquées seulement aux supérieurs qui auront donné l'ordre.

Art. 260 du Code pénal : Lorsqu'un fonctionnaire ou officier public, un dépositaire ou agent de la force publique, aura ordonné ou fait quelque acte contraire à une loi ou à un arrêté royal, s'il justifie qu'il a agi par ordre de ses supérieurs, pour des objets du ressort de ceux-ci et sur lesquels il leur était dû une obéissance hiérarchique, il sera exempt de la peine, qui ne sera, dans ce cas, appliquée qu'aux supérieurs qui auront donné l'ordre.

[4] Rachel Manning, Mark Levine & Alan, Collins. (2007). The Kitty Genovese murder and the social psychology of helping. The parable of 38 witnesses. American Psychological Association, 62 (6), 555-562. A ce propos on lira aussi, Est-ce ainsi que les femmes meurent de Didier Decoin.

[5] Théorie de la « banalité du mal » développée par Hannah Arendt en 1961 lors du procès Eichmann dans lequel elle crée un lien de causalité entre l’absense volontaire de pensée et obéissance aveugle aux ordres.

[6] Henri Poincaré, Fêtes du LXXVe anniversaire, 21 novembre 1909.

[7] Amin Maalouf, Le Dérèglement du monde : Quand nos civilisations s'épuisent (2009).

[8] [n. f.] La mise en œuvre.

[9] [n. f.] Féminin de geek. Jeune femme qui excelle dans les technologies de l’information.

[10] En urbanisme, rendre plus bourgeois.

[11] [adj.] Qualifie une entreprise, une institution, une personnalité dotée d’une grande capacité d’adaptation et de réactivité.

[12] [adj.] Qualifie un lieu (hôtel, restaurant, boutique, paysage, etc.) – ou une personne - dont la photo est susceptible de devenir virale une fois postée sur le réseau social Instagram.

[13] [adj.] Qui suscite un malaise.

[14] [adj.] Tiré par les cheveux.

[15] [n. f.] Ensemble d'attitudes et de comportements positifs et constants de respect, de bons soins, de marques et manifestations de confiance, d'encouragement et d'aide envers des personnes ou des groupes en situation de vulnérabilité ou de dépendance.

[16] [n. f.] Stratégie qui mise sur la rupture avec les conventions qui régissent les marchés, les entreprises, les modes de décision politique, pour faire émerger des visions inédites et innovantes.

[17] [n. f.] Étude systémique et multidisciplinaire de l’effondrement des civilisations industrielles et de ce qui en résulte.

[18] [n. f.] Information mensongère et délibérément biaisée, diffusée dans les réseaux sociaux, les médias, etc.

[19] Poison russe.

[20] [n. f.] Action de rattraper son retard au score (au football, au basket-ball), dans une course de vitesse, dans des sondages, etc.

[21] [n. f.] Art du mélange des boissons pour réaliser des cocktails.

[22] [n. m.] Adepte du flexitarisme, qui est une pratique alimentaire qui consiste à être flexible dans la pratique végétarienne.

[23] [adj.] Qui concerne une forme de haine des gros.

[24] [adj.] Qui concerne ou rassemble plusieurs partis politiques.

[25] [adj.] Qualifie une personne dont l’identité de genre est en concordance avec le sexe biologique qui lui a été reconnu à sa naissance.

[26] [n. m.] Pratique du jogging qui combine la course à pied et le ramassage des déchets rencontrés.

[27] [n. f.] Discrimination fondée sur des traits linguistiques (accent, prononciation, choix lexicaux, etc.).

[28] [n. m.] Blog de vidéos.

[29] [n. f.] Le complètement ou complètement automatique, ou encore complétion ou autocomplétion, est une fonctionnalité informatique permettant à l'utilisateur de limiter la quantité d'informations qu'il saisit avec son clavier, en se voyant proposer un complément qui pourrait convenir à la chaîne de caractères qu'il a commencé à écrire.

[30] Version de “Maître” Gims

[31] Poésie 44. Et non « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » comme souvent lu.



Philippe Defechereux

Private security legislation trainer SPFI/IBZ approved - Interim Manager - General Manager - Project Manager

5 ans

Je viens seulement de la lire, excellent !

Khaled ABOUALI

Key Expert EUROMED POLICE, K-E EUROMED JUSTICE I & II,Criminologist & legal advisor, Certified ISO27001-en mission EU .

5 ans

Quand un excellent orateur s'exprime chaque mot a sens. Merci Gilles et bonne année.

Laurence Leroy

Conseillère - Cellule Logement chez Cabinet de la Secrétaire d'État chargée du Logement et de l'Égalité des chances

5 ans

Bravo !

Marie N.

Assistant Vice President

5 ans

Magnifique allocution !

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