Mieux vaut donner qu'être le plus riche du cimetière !

Mieux vaut donner qu'être le plus riche du cimetière !

Être le plus riche du cimetière n’est ni un objectif de vie, ni une compétition utile et reconnue !!!

En France, la politique fiscale sur les successions et les donations montre ses limites.

Entre d’un côté, ceux qui militent pour un alourdissement des droits de succession afin de lutter contre la concentration croissante des patrimoines, et de l’autre, ceux qui voient dans leur baisse le symbole de la fin d’un supposé racket fiscal, les positions semblent irréconciliables.

Faut-il pour autant renoncer à toute tentative de réforme et préférer le statu quo pour ne froisser personne ? Après 30 ans de politiques fiscales oscillant entre immobilisme et mesures clientélistes pour garantir la réélection de ses représentants, Emmanuel Macron a cherché à ancrer sa volonté de transformation dans une vision pour la France.

C’est ce chemin, exigeant en termes de courage politique, de pugnacité et de pédagogie qui doit être poursuivi dans un projet de refonte de la politique fiscale sur les successions et les donations.

Vieillissement de la population

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Pourquoi la faire évoluer ? Tout d’abord, les conditions de l’héritage transgénérationnel ont évolué avec le vieillissement de la population.

L’espérance de vie des parents approchant les 90 ans, les enfants héritent souvent quand ils sont eux-mêmes en retraite et ont déjà constitué leur propre patrimoine : l’âge moyen de la transmission du patrimoine a augmenté de 8 ans entre 1980 et 2011 (l’âge moyen des bénéficiaires de transmission en France est de 57 ans, pour un transfert moyen de 135 400 €, comprenant des sommes d’argent à hauteur de 64 %, et le solde étant des biens immobiliers).

Les conditions actuelles qui incitent peu à transmettre de son vivant favorisent donc l’accumulation du patrimoine. Ainsi, la part du patrimoine hérité dans le patrimoine global est-elle passée de 45 % en 1970 à 63 % en 2010.

Ensuite, elles entravent la circulation des actifs économiques, ceux-ci revenant à des populations peu consommatrices et participent en conséquence au déterminisme social : l’absence de redistribution patrimoniale favorise ceux qui en ont déjà ou toujours plus, et limite la capacité des enfants d’origine modeste à sortir de leur condition.

 Un régime peu incitatif

Enfin, dans un pays où la justice fiscale existe pour les revenus – avec un barème d’imposition progressif - la fiscalité actuelle concernant la transmission du patrimoine n’incite que très peu à la donation, dont le régime est peu ou prou aligné sur celui des successions, avec notamment un taux dissuasif de 60 % (un des plus élevés au monde) pour des donations à des tiers ou parents éloignés.

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Par ailleurs, la progressivité du barème de ces deux régimes pénalise les classes moyennes et les classes supérieures en ne les différenciant pas des très hauts patrimoines.

Notons finalement que la France ne participe pas au mouvement de baisse actuel des droits de succession, propose des abattements parmi les plus faibles d’Europe, quand 15 des 36 pays de l’OCDE n’imposent même pas les successions !

Avec la fiscalité actuelle, aucun objectif n’est donc atteint : améliorer la justice fiscale et sociale, participer à la croissance économique, baisser la pression fiscale, ce qui semble en fait cohérent puisqu’aucun objectif n’a jamais été clairement explicité.

 Des pistes de réflexion 

Une réforme des droits de succession doit répondre clairement à la volonté préalable du politique d’en faire un instrument au service d’objectifs économiques et sociaux. En l’occurrence, dans une logique de justice fiscale et sociale, le gouvernement actuel serait bien inspiré de vouloir favoriser la constitution des petits patrimoines, promouvoir la solidarité intergénérationnelle et favoriser la croissance économique directement en améliorant la transmission de patrimoines à ceux qui en ont le plus besoin et qui construisent leur parcours de vie : les petits-enfants, ou indirectement par une incitation à la remise dans le circuit économique d’actifs aujourd’hui immobilisés.

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Cinq principes structurants pourraient alors servir de base de travail à une réforme des droits de succession :

1. Revoir la progressivité du barème des droits de succession en exonérant les patrimoines des classes moyennes et supérieures jusqu’à 500.000 euros, en augmentant les pourcentages des autres tranches et en surtaxant les patrimoines supérieurs à 10 et 50 millions d’euros,

2. Augmenter le montant des abattements et leur périodicité, en la passant de 15 ans à 5 ans, et aligner le régime des arrière-petits-enfants, des petits-enfants et des enfants,

3. Mettre en place, au-delà de ces abattements, un moyen incitatif favorisant la donation de son vivant, par exemple en proposant une réduction de 50 % sur le barème si le donateur a moins de 80 ans (disposition déjà en vigueur pour la transmission de titres d’entreprise avant 70 ans),

4. Baisser fortement la fiscalité des donations à un tiers, aujourd’hui la plus élevée d’Europe,

5. Exonérer de droits toute transmission d’entreprise présentant un enjeu de pérennisation d’emplois non familiaux.

 La réforme qui pourrait se dessiner favoriserait alors les donations, notamment intergénérationnelles, la circulation des actifs vers des agents économiques susceptibles de créer de la croissance, au détriment des successions, limitant ainsi la possibilité de devenir le «plus riche du cimetière» qui peut certes relever d’une volonté personnelle, mais qui se révèle contre-productif dans la perspective d’une meilleure justice sociale au sein de la collectivité tout entière.

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