Mobiliser et dynamiser mon équipe et mon organisation

Un outil des plus précieux pour la performance de nos organisations

Pendant plus de 40 années, j’ai eu l’occasion de participer à la planification stratégique dans plusieurs organisations en ma qualité de cadre sénior en gestion des ressources humaines.

Cette expérience m’a appris que l’implantation des décisions prises s’avère malheureusement trop souvent moins fructueuse qu’espéré, quand elle ne rencontre tout simplement pas un échec.

Parmi les causes de cet état de fait, j’ai été à même d’observer les phénomènes suivants :

·        les collègues ayant pour mandat de piloter ou de réaliser les plans d’action découlant de ces décisions n’en ont pas bien saisi toutes les nuances, tout le sens, ou toute la subtilité, ou bien

·        ils n’ont pas toutes les ressources nécessaires, ou encore

·        ils endossent plus ou moins les décisions qui ont été prises, y opposant des réserves plus ou moins marquées qu’ils n’osent pas dévoiler au grand jour.

Une meilleure communication va souvent permettre de corriger les deux premières causes. La troisième, très importante, va toutefois demander une attention particulière.

Nous sommes tous bien familiers avec la structure pyramidale des organisations, où le pouvoir est habituellement concentré au haut de la pyramide. Au cours des dernières années, les dirigeants ont heureusement pris conscience de l’avantage de consulter les membres de leur équipe et de mettre à contribution leurs connaissances et habiletés avant d’arrêter une décision.

Cette gestion participative ne résoud cependant pas tous les problèmes. On l’observe maintenant de plus en plus : le succès d’une décision repose largement sur deux facteurs-clé : la légalité et la légitimité.

Fort heureusement, la très grande majorité des organisations veille à ce que les décisions qu’elles prennent ne contreviennent pas aux lois en vigueur. La légitimité, pour sa part, fait appel à des conditions de toute autre nature, telles que les visions, les valeurs, les convictions et les croyances des individus qui en font partie. Ce sont ces mêmes facteurs qui se retrouvent à la base de ce qu’on connaît aujourd’hui sous l’expression "acceptabilité sociale".

La gestion participative va généralement rechercher le consensus, où tous les membres d’une même entité se rallient aux décisions qui se prennent. Souventes fois, à défaut de consensus, elle va se rabattre sur la règle de « la majorité », ou le 50% + 1. Dans ce dernier cas, on est loin de la légitimité. Quant au consensus, souvent difficile à obtenir, il va répondre à cette exigence dans la mesure où les acceptations sont de « vrais oui », et non du « lip service » visant à éviter la polémique ou à une image de dissension.

Là où la légitimité fait défaut, la résistance au changement, active ou passive, va dresser de nombreux obstacles à l’implantation d’une décision ou d’un projet quand elle ne mène tout simplement pas à son échec.

Retraite active

Ceux qui me connaissent ou qui ont pris connaissance de mon profil LinkedIn savent que je me présente maintenant comme « retraité actif ».

En fait, bien qu’aujourd’hui à la retraite, je n’ai pas cessé de m’intéresser à ce phénomène de la résistance au changement et à la performance de nos organisations. C’est ainsi que j’ai choisi de pousser plus loin mon exploration du mode sociocratique de gouvernance.

La lecture des deux volumes de mon ami et ex-collègue Gilles Charest (voir les références à la fin du présent article), un maître-à-penser sur ce sujet, et mes échanges avec divers acteurs impliqués dans ce mode de gouvernance, m’ont amené à regretter une chose : ne pas avoir investigué plus à fond et promu davantage ce modèle pendant que j’assumais encore les fonctions de direction des ressources humaines. Aujourd’hui, je tente de rattraper l’occasion ratée en partageant mes propres réflexions à ce sujet et offrant mon appui à tout gestionnaire désireux de contribuer activement à la dynamisation de son organisation.

L’approche sociocratique

La sociocratie est une approche qui se distingue de la démocratie en ce sens qu’elle vient remplacer la règle de la majorité ou le consensus par le consentement, ou « zéro objection ». Ce faisant, elle reconnaît que si tous les mêmes d’une même unité ne sont pas égaux (le chef conserve toujours plus de pouvoirs que les autres membres), ils sont à tout le moins équivalents.

La sociocratie reconnait ainsi que chaque individu a naturellement ses propres opinions, et que celles-ci, aussi différentes soient-elles, méritent d’être exprimées, entendues, et prises en compte. Et à cette fin, elle vient mettre en place un lieu où cette équivalence peut s’exprimer ouvertement et positivement, éliminant de ce fait la crainte pour celui dont l’opinion diffère de celle de ses collègues d’être critiqué ou mis à l’écart. Ce lieu d’expression est appelé cercle de décision.

La sociocratie a également comme fondement un autre facteur naturel. Il s’agit de cette capacité de reconnaître des zones de tolérance, dans lesquelles une opinion peut différer d’une autre sans pour autant s’y opposer ou y faire objection majeure. Les scientifiques retrouvent d’ailleurs le même phénomène en physique, en mécanique et autres domaines. Ainsi, après avoir débattu des points de vue différents et avoir examiné avec respect les arguments qui les soutiennent, les membres d’une équipe arrivent plus facilement à endosser des décisions en regard desquelles ils reconnaissent ne pas avoir d’objection majeure. Il y a donc consentement.

Comme le soulignent les partenaires de TSG, « en management comme en physique, la ligne droite n’existe pas. En mécanique, sans tolérance, pas de mouvement. Et en management, sans tolérance, pas de décision viable. Une bonne décision, c’est une décision qui respecte les limites (les tolérances) de ceux qui devront vivre avec cette décision ».

Une stucture plus appropriée      

Je veux revenir ici sur le concept de cercle de décision auquel j’ai fait mention plus avant. Le cercle constitue en fait un autre type de structure qui vient se juxtaposer à la structure pyramidale. Il s’en distingue toutefois en ce qu’il ne s’applique qu’à la prise de décisions. La structure pyramidale, inspirée de l’organisation militaire, demeure l’outil approprié à l’étape de l’exécution des décisions qui ont été prises et des opérations courantes. Il convient donc de retenir que les deux concepts se complètent, chacun jouant un rôle différent et spécifique.

Le concept de double lien s’avère un aspect tout aussi intéressant du cercle de décision. Désigné par consentement de tous les membres d’une équipe, soit le chef et les autres membres, suite à une élection ouverte et sans candidat, ce nouveau membre de l’équipe vient siéger au cercle supérieur avec le responsable de l’équipe. Il vient ainsi faciliter la communication ascendante, consolidant ainsi la légitimité des décisions qui sont prises à ce niveau.

Bienfaits et…effets collatéraux

Le recours à cette approche de gouvernance produit des résultats fort intéressants là où elle est implantée. Ainsi, il est observé que :

·        les rencontres de cercles produisent des décisions plus claires et meilleure qualité parce que tous les points de vue pertinents et les renseignements connexes sont entendus et prise en compte dans les décisions;

·        l’engagement à exécuter les décisions est réel et leur mise en œuvre plus rapide parce qu’elles sont décidées avec le consentement des personnes ou des parties qui devront les exécuter;

·        l’organisation apprend plus rapidement et gagne en agilité parce que la transparence, la compréhension, la vitesse de circulation des informations s’accroît entre les niveaux hiérarchiques de l’organisation;

·        le nombre de réunions diminue en raison d’une meilleure distinction entre ce qui doit être décidé dans le cercle et ce qui peut être délégué. Qui plus est, la méthode de travail utilisée dans le cercle, une fois bien rodée, écourte la durée des réunions ! Le problème de la « réunionite » trouve un remède grandement apprécié !

Autant de facteurs qui ne peuvent que contribuer à la mobilisation des effectifs à grande échelle, favorisant de ce fait la productivité et la compétitivité des entreprises. Quelqu’un aurait-il des objections sérieuses à cela ??

Et tout cela sans compter que ce même modèle peut grandement contribuer, par les valeurs qui le soutiennent, à résoudre un problème qui ne cesse de préoccuper aujourd'hui : l'attraction et la rétention des compétences.

Références .

Charest, Gilles : La Gestion par Consentement, une nouvelle façon de partager le pouvoir, Fondation de l’Entrepreneurship, Les éditions TRANSCONTINENTAL inc, 1996 (écoulé)

Charest,Gilles : La Démocratie se meurt, vive la Sociocratie, le mode de gouvernance qui réconcilie pouvoir et collaboration, Esserci, 2016


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