Mobilité bancaire : comment faire d’un client libre un client qui reste ?
Depuis le 6 février 2017, les Français peuvent quitter plus facilement leur banque pour la concurrence. À l’origine de ce changement, la loi Macron sur la mobilité bancaire. Via un mandat, le nouvel établissement dispense les clients des démarches souvent fastidieuses liées à la migration des créanciers (fournisseurs d’énergie, impôts, assurances, opérateurs télécoms…), mais aussi aux virements reçus (employeurs, mutuelles et organismes sociaux). Une loi censée favoriser, fortement et rapidement, la concurrence et ainsi la mobilité bancaire, notamment vers des banques en ligne qui ont largement investi dans des campagnes d’acquisition client. Or, un an plus tard, le bouleversement n’a pas eu lieu ! Pour autant, à l’heure où l’association de consommateurs UFC-Que Choisir1 pointe les limites de la loi actuelle et milite en faveur d’un système de portabilité bancaire, je recommande aux banques de revisiter leur relation client afin qu’un client même totalement libre soit un client qui reste.
La mobilité bancaire : une première étape insuffisante
Un an après l’entrée en vigueur de la loi Macron les résultats sont mitigés : à peine plus d’un million de demandes de mobilité bancaire ont été traitées selon la Fédération bancaire française (FBF) et, de l’aveu même des principales banques en ligne, la dynamique demeure timide. Pourquoi si peu d’engouement de la part des consommateurs ? En partie certainement en raison des insuffisances de la loi Macron : la mobilité bancaire ne s’applique qu’aux comptes courants ; pas aux produits d’épargne ni aux crédits tels que les prêts immobiliers. Ainsi, 23 % des consommateurs ne quittent pas leur établissement bancaire en raison d’un crédit en cours2. Et les banques de détail semblent l’avoir compris et n’hésitent pas à freiner les transferts des produits, non concernés par la loi Macron. Une dissuasion qui s’opère, comme souvent, avec des frais de clôture importants. Selon UFC-Que-Choisir, le coût moyen d’un changement d’établissement pour les PEL et PEA équivaut à 178 euros3. Cette mobilité bancaire se révèle in fine contraignante pour les clients, d’autant plus que les banques leur ont souvent imposé de domicilier leurs revenus pour l’ouverture d’un prêt immobilier.
Une banque de réseau qui n’hésite pas également à jouer la carte du “risque” lié à l’absence de relations physiques en agences et aux potentielles failles numériques. Un discours “panique à bord” sur la sécurité des données bancaires qui peut jouir d’un certain écho à l’heure des dataleaks d’envergure et de l’entrée en vigueur du règlement général sur la protection des données (RGPD).
Des lacunes de la loi et des pratiques bancaires qui ne font que conforter un frein plus structurel : les Français n’ont pas pour habitude de changer de banque ! Seuls 4,5 % d’entre eux ont changé d’établissement bancaire en 2017, contre 9 % en moyenne en Europe et 15 % dans le secteur des télécoms. « L’accélération de la mobilité bancaire n’a pas eu l’amplitude attendue : le secteur bancaire connaissait un taux d’attrition traditionnellement faible entre 2 et 3 %. Ce taux avait doublé entre 2013 et 2016 en dépassant le seuil de 4 %, et on peut observer en 2017 une consolidation à un palier de 4,5 %. La principale raison de cette stabilité peut s’expliquer par le fait que les clients ne font pas la différence en ce qui concerne l’image de marque, la proposition de valeur et la qualité de service perçue de leur banque », précise l’étude réalisée par Bain & Company4.
Anticiper le passage à la portabilité bancaire en investissant la proximité relationnelle
Il apparaît donc que les banques de détail misent davantage sur une vision défensive en jouant notamment sur les prix. Ne prennent-elles pas ainsi le risque de perdre du terrain à plus long terme ? On pourrait imaginer, en effet, que les clients se souviennent de cette “captivité” et que cela joue, à terme, sur leur fidélité, voire sur leur recommandation. Ainsi, si la loi Macron sur la mobilité bancaire venait à s’étendre aux produits d’épargne et de crédit, ne devraient-elles pas anticiper la vivacité et l’attrait de la concurrence ? Pour cela, pourquoi ne pas mettre en place, dès à présent, des leviers non contraignants de fidélisation. Et pour cela, une stratégie relationnelle proactive serait un bon point de départ ! Aujourd’hui, ce sont les banques en ligne qui proposent les tarifs les plus intéressants et, dans un monde de plus en plus digitalisé, ce sont elles aussi qui offrent une expérience client à la hauteur des attentes actuelles. Certes, les banques de détail opèrent des évolutions, mais quelle est véritablement leur valeur ajoutée dans ce nouvel environnement digital ? Pourquoi ne s’appuient-elles pas davantage sur leur ancrage physique et l’expertise de leurs conseillers pour se spécialiser dans la gestion de patrimoine et proposer du coaching financier ? Elles disposent là d’un avantage concurrentiel par rapport aux pure players qui ne possèdent pas d’offres aussi étendues.
À l’avenir, la véritable perspective pour les banques de détail serait d’adopter une posture relationnelle proactive et de proscrire “l’attentisme”. Il s’agit ici de (re)nouer le contact avec les clients sur les moments clés de leur vie et de leur proposer de nouveaux produits en adéquation avec leurs besoins. Pour cela, encore faut-il pouvoir multiplier les efforts en matière de systèmes d’informations et de données. Car c’est avec de solides bases de données unifiées et de puissants algorithmes, que les banques de détail pourront générer des scores d’appétence ou de fragilité, leur permettant de jouer cette proactivité. En adoptant la méthode selon laquelle “la meilleure défense, c’est l’attaque”, je pense qu’elles auront donc plus à gagner qu’à perdre.
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