Modèles managériaux...
Le monde change vite mais les habitudes changent lentement.
Le management s’apprend à l’école pour certains, en marchant pour beaucoup, et toujours par référence à des expériences personnelles.
Il n’y a pas de brevet de manager, il y a juste une évaluation fondée le plus souvent sur des objectifs loin d’être tous explicites. Et puis il y a des formations, dans lesquelles on « apprend » l’utilisation « d’outils », de méthodes, et parfois de comportements.
Les syndicats, les institutions de représentation du personnel, les sociologues, s’accordent à constater une dégradation des relations au travail.
Les modèles organisationnels sont remis en cause, de même que les processus de décision, de concertation, de production, d’évaluation de la performance….
On peut rechercher les causes de tout cela, développer une opinion intelligente, critiquer les « influences » des uns et des autres, on peut aussi se demander s’il ne faut pas revoir fondamentalement le « modèle managérial ».
Quel est le modèle dominant ?
Une hiérarchie pyramidale, ayant à sa tête une « Direction », plus ou moins pléthorique selon la taille de l’Entreprise, mais il y a toujours quelque part un comité « exécutif » ou « stratégique » restreint dans lequel se prennent les « grandes décisions », parfois selon la théorie de Clémenceau (Pour les grandes décisions il faut un nombre impair de décideurs et trois c’est déjà trop).
Cette hiérarchie pyramidale est porteuse d’objectifs déclinés du haut vers le bas, à partir de la « vision stratégique » de la Direction, et très souvent, des objectifs chiffrés de « ventes », de « rentabilité », et de « contrôle ou réduction des dépenses » (appelés « optimisation »).
En soutien des objectifs, déclinés plus ou moins heureusement, viennent les fameuses appréciations des performances, qui sont souvent l’occasion de régler des comptes et selon la culture des Entreprises un exercice imposé à résonnance administrative.
Enfin il y a des valeurs, de plus en plus souvent écrites sur les murs et en contradiction évidente avec la réalité du plus grand nombre des collaborateurs de l’Entreprise.
Par-dessus tout cela, il y a le cadre juridique du droit du travail, la compétition mondiale, le droit commercial, civil, fiscal, pénal, enjoignant des obligations aussi nombreuses qu’indiscutables. Il faut donc avoir des « experts », depuis la comptabilité jusqu’au social en passant par l’informatique, le commercial, le juridique, les risques, le marketing, la communication. Tous ces experts ne connaissent pas forcément les contraintes des uns et des autres, alors pour atténuer cela, on a inventé l’esprit d’équipe, la coopération, la transparence, le décloisonnement, le matriciel qui visent à défaire les clans, les chapelles, les tours d’ivoire et autres focalisations néfastes à la bonne marche générale de l’Entreprise.
Pour mesurer si l’on va bien dans la bonne direction, le management par benchmark et par ratios est devenu une sorte de religion. Les dirigeants sont abreuvés de chiffres, et les écarts au benchmark, c'est-à-dire, souvent, la moyenne, sont de nature à déclencher des plans d’actions aussi directifs qu’incompris, voire, éloignés des solutions de fond, engendrant des résistances plus ou moins larvées de la part des collaborateurs.
Pourquoi, dans ces conditions les choses iraient-elles bien ?
Tant que les entreprises emploieront des humains, elles devront prendre en compte la nature humaine. Aucun processus qui s’écarte de l’humain n’a de chance de prospérer. C’est évident et tout le temps oublié. Pourquoi ? Parce que le mythe de l’autorité vient renforcer l’idée que finalement les collaborateurs feront ce qu’on leur demande de faire. C’est vrai, parfois, mais avec deux variables : Le temps et les moyens.
Point n'est besoin d'être expert en psychologie pour prendre en compte la nature humaine. Elle est par nature complexe et très simple à la fois. Les lois naturelles de l'humain s'appliquent de façon quasi universelle, seuls les langages et quelques codes changent, mais si l'on fait l'effort de prendre en compte cette variable pour ce qu'elle est, tout ajustement devient possible.
La grande erreur du modèle managérial actuel est de croire que en étant factuel on s'approche de la vérité, et de confondre les "chiffres" et les "faits". Au demeurant, en matière humaine les faits ont peu d'importance, seule leur interprétation, et donc leur résonance affective, compte.
Depuis l'invention du contrôle de gestion, on multiplie les informations, en dérive un sens, et prend des décisions de "gestion". Ces décisions sont prises en totale ignorance de la gestion "humaine" des réactions des clients et de celles des collaborateurs.
Le modèle managérial actuel est complexe, rigide, et donc source d'une quantité de problèmes qu'il créé par les croyances sur lesquelles il s'appuie et son aversion pour les risques.
Il y a à la base trois considérations humaines sur lesquelles, dans la majorité des entreprises, on ne travaille pas de façon coordonnée et volontariste :
1- La confiance. Tisser et faire tisser des liens de confiance avec des preuves tangibles, des comportements adaptés, des principes clairs.
2- Le respect. Instaurer un respect profond des personnes et de leur travail. Dépasser les codes de "politesse", de "courtoisie", qui sont un bon début mais ne suffisent pas.
3- La valorisation. Elle comporte non seulement la reconnaissance, mais aussi l'intégration de la valeur-ajoutée autre que seulement financière.
Il en résulte nécessairement un manque de "bien-être" conducteur de performance durable autre que "factuelle".
L'absence de "bien-être" en Entreprise est la cause majeure (et non la conséquence) des dysfonctionnements, des erreurs, des récriminations, des sabotages, des pertes de clients, de contrats....
Réfléchir au modèle économique d'une entreprise sans réfléchir au modèle managérial revient à entreprendre une construction sans fondation.
Maintenant, pour tous ceux qui sont convaincus que l'entreprise n'a qu'un but, "gagner de l'argent", et que cela se fait évidemment au prix de l'humain, il leur reste à comprendre qu'ils sont comme ces généraux du passé qui consommaient de la chair à canon, avec un fatalisme teinté de sadisme.
Pour les autres, qui trouvent qu'il n'appartient pas à l'entreprise de rassembler les conditions du bien-être de ses collaborateurs, qu'ils ne cherchent plus ailleurs la raison des frustrations qui sont les leurs devant les dysfonctionnements qui s'accumulent.
Aux actionnaires qui ne se réjouissent que du retour financier sur investissement, je conseille de commencer à s'intéresser aux entreprises qui ont fait du bien-être une priorité humaine conductrice de leur performance durable.
Pour les dirigeants et responsables, se demander quel est le coût direct et indirect de l'absence de bien-être dans l'Entreprise, et imaginer ce que pourrait être la performance si une très vaste majorité de collaborateurs se sentaient "bien", en phase avec l'entreprise, les clients, et ... l'avenir.
Ci-après, Les équations du bien-être, du mal-être et la liste des symptômes des dysfonctionnements du modèle managérial
L'équation du bien-être en entreprise:
1- Aimer ce que l'on y fait (son travail, ses responsabilités)
2- Aimer "comment" on le fait (Autonomie, environnement procédural)
3- Aimer "avec qui" on travaille (Hiérarchie, collaborateurs, pairs, clients)
4- Se sentir apprécié, valorisé, reconnu, en confiance
5- Se sentir équitablement rémunéré
6- Se sentir à l'aise dans son environnement physique
7- Se sentir "nécessaire", et "contributeur" de la réussite
8- Se sentir en phase avec le développement de l'entreprise, ses buts, ses valeurs "opérationnelles"
9-Avoir une bonne visibilité sur l'avenir (Savoir où l'on va)
10- Avoir toutes les raisons d'être fier de son entreprise, (performance, qualité, satisfaction clients, amélioration continue...)
11- Se sentir adéquatement formé, préparé, développé...
12- Savoir pouvoir compter sur l'empathie de sa hiérarchie, de ses pairs, de ses collaborateurs...
13- Apprécier une ambiance plutôt sereine, professionnelle et conviviale.
Les symptômes du mal-être en entreprise
1- Détester son travail
2- Détester ses chefs, pairs, collaborateurs
3- Se sentir astreint à des pratiques en contradiction avec ses valeurs, principes
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4- Se sentir évalué de façon subjective, négative, injuste
5- Se savoir incompétent
6- Se sentir méprisé, inconsidéré, ignoré
7- Se sentir mal payé, sous payé, exploité
8- Se sentir sur un siège éjectable
9- Se sentir sous pression constante
10- Sentir autour de soi de la méfiance, de l'hostilité
11- Se sentir "attendu au tournant"
12- Être dans un environnement déplaisant, insalubre, sans hygiène
13- N'avoir aucune perspective d'amélioration
Corollaire pour l'Entreprise
1- Définir son référentiel "bien-être", en termes concrets
2- Développer une politique du bien-être (ressources humaines, management, communication, santé, sécurité, qualité, valeurs opérationnelles)
3- Recenser les sources de "mal-être", travailler à les réduire
4- Mettre en œuvre un modèle managérial cohérent de support de la performance durable :
a. Référentiel Managérial
i. Manager communiquant
ii. Leadership managérial
iii. Projets versus "objectifs"
iv. Feedback constant de performance et de progrès
v. Approche pédagogique
b. Indicateurs de bien-être intellectuel et physique et corollaires de performance de l'entreprise (feedback des managers et collaborateurs)
Les grands symptômes de dysfonctionnement du modèle managérial:
1- Des Managers stressés, à cran, sur la défensive
2- Des collaborateurs démotivés, indolents, souvent absents
3- Des décisions inappliquées, objets de résistances diverses
4- Des objectifs non atteints, des plans d'actions pas mis en place
5- Des réunions fréquentes, dans lesquelles la dynamique est incertaine, les discussions polémiques, les participants affairés sur leurs portables (téléphones, ordinateurs...)
6- Des pertes de parts de marché, de clients, de contrats
7- Des arbitrages arbitraires
8- Des remontées au plus haut niveau de peccadilles
9- Un turnover important volontaire ou pas
10- Des crises permanentes, des conflits nombreux
11- Des visions décalées entre les différents cercles managériaux
12- Une non-qualité récurrente
13- Des jugements négatifs sur les personnes, les fonctions
14- Des priorités changeantes, sous prétexte de réactivité, dues en fait à une absence d'anticipation.
15- Des antagonismes évidents entre fonctions
Accompagnement industriel, partenariats techniques, innovation - Administrateur chez Rhône Vallée Angels - Fondateur de Sycrian Consulting
3 moisMerci Gérard pour cette publication. Tout cela semble tellement évident… et pourtant !
DRH⎜Directeur Campus | Manager de transition ANDRH Côte d'Azur⎜ENTRE HEAD
3 moisTellement de Vérités 🙏. Un grand merci Gérard pour ce partage avec autant de passion, de lucidité, de tes constats, conseils, si pertinents et étayés sur le monde professionnel.
Key Account & Distribution channel management/Market development /B2B/cross functional projects management/English
3 moisCher Gerard. Merci pour ce superbe article !
Pôle FRE (Formation Réussite Étudiante) Communication & Valorisation
3 moisOn ne peut que partager cette analyse Gérard-Dominique. Belle fin de semaine 🌞
Deputy General Counsel - Contracts & Projects
3 moisMagnifique synthèse !