Mon métier est une sensibilité
Isabelle Stengers dans « Résister au désastre » alors qu’elle évoque la résilience de nos sociétés, avance qu’il ne s’agit pas tant pour nous « de connaissances à acquérir mais d’une sensibilité à trouver ou retrouver ».
Et justement, samedi dernier, je me suis souvenue que mon métier était avant tout une sensibilité, un regard sur le monde, la culture et les lieux.... Nous organisions au Hameau de Montrieux un week-end ouvert à tous : travail du potager, débat, apprentissage des plantes sauvages, d’histoire et de patrimoine, jeux, flânages, peinture, chant, danse… de quoi « habiter poétiquement » ce domaine chartreux du XIIe siècle… !
Alors que j’assistais – bienheureuse- à l’appropriation collective du Hameau, j'ai reconnu un « air des communs » qui m'est familier. Un air léger de bienveillance, d’ouverture et de liberté. Un air doux, une envie de vivre-ensemble qui ne se commande pas, qui ne s’achète pas et qui ne se retrouve jamais dans les statistiques d’un rapport d’impact.
A nous les hôtes des communs, cet air dit que nous avons trouvé le juste équilibre entre « rendre possible », « inciter », « favoriser l’appropriation » et « laisser émerger ce qui vient ».
C’est une atmosphère qui se vit, qui se ressent de l’intérieur, mais qui se rend aussi visible par des détails, à qui a appris à les voir. Celui qui ronfle allègrement en siestant sous les arbres, ou qui écrit quelques rimes, celle qui vient seule mais ne le reste pas longtemps, celui qui masse les pieds de son aimée, ceux-là qui grimpent aux arbres, celui-ci qui prend le temps de dessiner une marelle pour d’autres, celle-là qui débarrasse pour elle et au passage un peu pour les autres.
Tous ces gestes d’humanité, de lâcher prise et de créativité sont les signaux faibles de cet esprit des communs !
Je me souviens de Paula de Villa Itororo à Sao Paulo qui s’exclamait « le jour où j’ai vu les ouvriers enfin s’autoriser faire une sieste dans les hamacs, j’ai compris qu’on avait réussi quelque chose ». Ce miracle de l’appropriation, de l’inclusion, de la diversité.
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Certains croient dans ces moments-là qu’il s’agit d’un mouvement collectif et spontané. Oui, il y a de la vie, de l’inattendu, du collectif mais c’est avant tout le fruit d’un travail invisible et dans mon cas d’un savoir-faire que construit au fil des ans.
Si la part tangible de mon métier est faite de connaissances, d’outils, de réflexes et de bonnes pratiques des communs- son cœur réside dans l’invisible, dans ma sensibilité aux communs.
Une sensibilité qui infuse mon regard sur la culture, sur les lieux et notre manière de les habiter en mixité, et qui se retrouve dans les signalétiques, les aménagements, le choix des aménagements, des mots dans les discours, des propositions de la programmation, et surtout la manière d’interagir avec les publics, de créer une relation de réciprocité.
Samedi dernier, je m’en suis souvenue, « l’essentiel est invisible pour les yeux ». Cet invisible à retrouver – ou à cultiver - c’est notre sensibilité aux communs.
Chef de projet évènementiel
7 mois🥹 c’est beau