Monsieur Netanyahu, nous ne partirons pas !

 

Surfant sur une généralisation abusive de l’augmentation – bien réelle, mais ponctuelle- des actes antisémites,  le premier ministre israélien invite généreusement les français de confession juive, parce que juifs, à trouver refuge en terre promise. Si l’on se donne la peine d’examiner les données du Ministère de l’Intérieur sur les actes antisémites depuis l'année 2000 on constate en fait que les variations annuelles sont extrêmement importantes ; on observe que neuf fois durant ces 18 dernières année, le chiffre a été plus élevé que celui de cette année 2019 ; on se rend compte que le chiffre 2018 est en dessous de la moyenne et très en deçà des niveaux de 2002, 2004, 2009, 2014 et 2015. Loin de moi l’idée de minimiser le caractère épouvantable des paroles et des actes qui stigmatisent et foule au pied la communauté juive ; Je suis au contraire de ceux qui appellent aux combat contre « l’obscure imbécilité » et à la résistance farouche contre tous ces salopards qui désignent à la vindicte populaire une minorité pour sa religion, la couleur de sa peau son sexe ou ses orientations sexuelles. C’est parce que notre combat doit dépasser les tristes limites de notre appartenance que  l’invitation du premier ministre israélien m’a profondément choqué. Car, franchement, de quoi donc se mêle ce monsieur ? Comment ose-t-il nous inciter à émigrer en Israël en prenant prétexte que des salopards insultent et menacent la vie de citoyens français, juifs et… non juifs. Bien sûr, il n’est pas question de nier le caractère antisémite de certaines incivilités, de certaines agressions et de certains meurtres perpétrés en France et ailleurs. Bien sûr ces attentats ont une résonnance particulière dans une communauté qui a subi un holocauste dont la froide organisation, le systématisme, l’ampleur est encore aujourd’hui dans les mémoires des juifs et j’espère aussi des non juifs. Mais soyons sérieux ! Y a-t-il dans notre pays promulgation de lois excluant les juifs de certaines professions ? En dehors de certains membres du Front National et de l’extrême gauche, a-t-on entendus en France insultes ou menaces du monde politique? En dehors de quelques négationnistes et humoristes égarés, les intellectuels français se sont-ils laissé embarquer dans une croisade anti juive ? La population française toutes confessions et toutes origines confondues est-elle devenue dans sa majorité antisémite ? A toutes ces questions la réponse est NON ! Loin de moi l’idée d’édulcorer l’horreur de la tuerie des juifs du supermarché Cascher et des enfants juifs de l’école ; mais vaut-elle plus sur l’échelle de l’indignation que celle des caricaturistes et des spectateurs du Bataclan? Non bien sûr ! La communauté française, juive et non juive pleure avec les mêmes sanglots les caricaturistes de Charlie Hebdo, les passants de Strasbourg et le sacrifice du jeune homosexuel car nous reconnaissons qu’ils sont victimes pour les mêmes raisons de la barbarie et de l’imbécilité. Ce qui importe c’est moins la communauté à laquelle on s’attaque que le fait de prendre pour cible des hommes et des femmes en raison de différences. En d’autres termes, Je veux être en France dressé aux côtés de mon frère noir, de mon frère arabe, de mon frère homosexuel ou de mon « frère femme » injustement traités et bien sûr aux cotés de mes frères juifs. Dans ces conditions, le temps est à la résistance nationale ici et maintenant et non pas à la fuite et à la désertion.

Il m’apparaît donc nécessaire de rappeler à monsieur NETANYAOU ce qu’est la laïcité française et l’attachement qui doit nous lier à ses valeurs quelque soit notre appartenance. Je veux aussi et surtout lui dire combien il est dangereux de confondre l’appartenance et l’identité. Plus que jamais aujourd’hui,  il est urgent d’imposer dans le débat public une distinction fondamentale entre « appartenance » et « identité ». A la question « qui suis-je ? », je réponds dans un ordre que je veux pertinent : je suis un homme conscient de lui-même et amoureux de l’Autre ; je suis un français nourri à des principes singuliers de vérité et de beauté ; je suis un juif sépharade porteur d’une histoire, et d’une mémoire singulière forgée en Espagne et surtout au Maghreb. On n’EST pas un juif, un musulman ou un catholique, on appartient seulement, par un hasard heureux ou non, à un groupe qui partage certaines croyances, certaines habitudes culturelles, certains rituels. Cette appartenance religieuse ne doit en aucune façon pervertir la liberté intellectuelle de chacun de nous. Elle ne définit pas notre identité. C’est en effet cette stricte distinction qui permet de mener nos analyses avec rigueur, d’affirmer nos convictions avec fermeté, et donc d’exercer notre libre jugement  sans pour autant trahir notre communauté ou avoir honte de nos racines. Une appartenance ne se nie pas mais elle ne nous définit pas. Un citoyen français juif, musulman, catholique ou athée doit analyser avec objectivité, profondeur historique et humanisme quelque situation sociale ou politique que ce soit dans toute sa complexité. Il doit refuser que quiconque, au nom d’une appartenance religieuse ou autre, vienne lui imposer une vision tronquée et stéréotypée. En bref être français n’interdit pas une appartenance culturelle ou religieuse à la condition non négociable qu’elle n’entrave pas notre liberté de penser avec objectivité et rigueur, d’apprendre avec curiosité et vigilance, de questionner avec audace et respect.

  J’appartiens donc à la communauté juive sépharade et j’ai évidemment  le souvenir de mon grand père concluant sa prière de Pessah par ces mots : « L’année prochaine à Jérusalem ! ». Faut-il voir dans cette promesse chaque année renouvelée -et jamais tenue- un engagement à quitter un pays qui a fait ce que je suis, pour émigrer dans un pays qui n’est pas le mien? Un pays dont je n’approuve d’ailleurs  pas certaines décisions politiques tout en défendant sans réserve son droit d’exister dans la paix et la cohabitation régionale. Mon appartenance communautaire devrait-elle décider  de mon lieu vie et de mon engagement idéologique ou politique ? Non mille fois non ! Ce serait se soumettre, baisser les yeux devant l’ignorance, l’inculture et la déraison.


Céline Allainmat

Psychologue Clinicienne

5 ans

Merci Monsieur pour ce texte... Courageux et humain simplement humain...

Marianne Duflot

EXPERTE MANAGEMENT STRATEGIQUE - COACH : DECIDEURS ETAT- TERRITOIRES - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR INSEEC chez M.D-. MANAGEMENT STRATEGIQUE

5 ans

A ce sujet revoir le magnifique "Odessa, Odessa" de Michale Boganim -2005 -?- 

Salem Loud

Professeur Directeur des écoles chez Ministère chargé de l'Éducation nationale

5 ans

Merci Alain, si tu savais combien je regrette le départ de mes frères marocains de confession juive, eux qui ont toujours vécu là, que le Royaume a toujours protégé. Ils vivaient en ville et dans les montagnes... Et le pays en a toujours besoin, ce sont ses enfants. Aujourd'hui, les cimetières et les synagogues sont à l'abandon et les habitants s'en souviennent avec amertume. Non, il faut dire non aux semeurs de haine entre nous.

Marianne Duflot

EXPERTE MANAGEMENT STRATEGIQUE - COACH : DECIDEURS ETAT- TERRITOIRES - ENSEIGNEMENT SUPERIEUR INSEEC chez M.D-. MANAGEMENT STRATEGIQUE

5 ans

Moi, j'irai bien visiter ce pays d'où mes ancêtres, aïeux sont venus.  Pour c e qui concerne la France républicaine, et  la laïcité, mon prénom exprime mieux que les mots ma pensée. 

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