Moyen de preuve fondé sur un rapport d’enquête établi par un détective privé qui a procédé à la filature d’un salarié illicite.
Une société suspectait un salarié de commettre des actes de concurrence déloyale. Elle saisit le TGI d’une demande de mesures d’instruction par une requête fondée sur l’article 145 du code de procédure civile.
En effet, lorsqu’une personne est en présence d’un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction peuvent être ordonnées. Ce qui fut le cas dans cette affaire. De fait, une mesure d’instruction fut décidée par le juge et celles-ci se déroulèrent au domicile du salarié.
Le salarié assigna alors son employeur en rétractation des ordonnances sur requête, mais les juges du fond rejetèrent cette demande. Ils argumentent partiellement cette décision, sur une enquête confiée par l’employeur à un détective privé, qui a procédé à une filature du salarié de la sortie de son domicile jusqu’à son retour. Pour les juges, cette enquête a été réalisée sur sept jours dont six au cours desquels le salarié avait un planning d’activité précis à réaliser pour le compte de son employeur. Elle est donc intervenue sur une période limitée, en vue d’opérer des constatations uniquement sur la voie publique. De fait, pour les juges du fond, cette filature ne présentait aucun caractère disproportionné. En fait, l’employeur n’avait fait qu’exercer une nécessaire et légitime préservation des droits et intérêts au regard des soupçons d’une activité de concurrence déloyale de la part de son salarié.
Le salarié forma un pourvoi en cassation. Pour lui, les juges du fond on méconnu les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme selon lesquels, « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Ce moyen de preuve est donc illicite.
Pour les Hauts magistrats, cet argument est parfaitement recevable. Ils cassent l’arrêt d’appel. Pour eux, les juges du fond auraient dû écarter un moyen de preuve illicite pour caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction avant tout procès.
Ce qu’il faut retenir.
Le juge peut, en vertu des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, ordonner une mesure d’instruction en présence d’un motif légitime de conserver ou d’établir la preuve de faits. Toutefois, il ne peut bâtir son intime conviction de la présence ce motif légitime en se fondant pour partie sur des éléments illicites. Or, l’enquête du détective privé ne pouvait être considérée que comme un moyen de preuve illicite. En effet, pour que les éléments de cette enquête soit recevables, il eût fallu, que la l’enquête soit porté à la connaissance des salariés, d’autant plus qu’une telle enquête est susceptible d’attenter à la vie privée.
Civ. 2e, 17 mars 2016, F-P+B, n° 15-11.412