Murakami, Désérable, Jasanoff, Ferrier, Gary : cinq auteurs marquants en 2021
La fin d’année approche et l’idée m’est venue de partager le titre des cinq livres dont la lecture m’a le plus marqué au cours des douze mois écoulés :
1. Haruki Murakami, Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil
Auteur de longs romans en expansion permanente, Murakami excelle également à l’élaboration soigneuse de récits élégants et brefs, où l’émotion est contenue, l’érotisme brulant, dont les personnages sont mystérieux et graves comme des énigmes pour toujours inentamées. Après La Ballade de l’impossible – son chef d’œuvre, d’après moi – Murakami signe avec Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil un roman dont la puissance d’envoutement est comme un parfum profond qui ne se dissipe pas.
2. François-Henri Désérable, Évariste
C’est la précision et l’élégance du style de Désérable qui convainquent et emportent dans ce bref roman, vie d’Evariste Gallois, génial mathématicien qui mourut à vingt ans, dont l’auteur raconte en autant de chapitres les étapes qui le conduisirent à ses découvertes majeures et au duel dont il ne revint pas. Il y a comme un parallèle implicite entre Désérable et Gallois qui court à travers le texte, parallèle entre deux surdoués qui se dévouent corps et âme à leur tâche comme s’ils pressentaient que le temps pourrait leur manquer.
3. Maya Jasanoff, Le Monde selon Joseph Conrad
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Époustouflante plongée dans la vie de l’auteur d’Au cœur des ténèbres, l’ouvrage de Maya Jasanoff m’a rappelé un autre grand livre, Will in the World: How Shakespeare Became Shakespeare de Stephen Greenblatt, par sa capacité à ressusciter l’intégralité d’une époque en même temps que le destin d’un individu, par le talent que l’auteur démontre en situant dans le contexte d’une vie et d’une période historique l’émergence d’une singularité esthétique. C’est un ouvrage somptueux et indispensable pour comprendre les œuvres de cet émigré polonais devenu citoyen britannique dont le prologue, haletant et personnel, est l’un des meilleurs qu’il m’ait été donné de lire dans un ouvrage académique.
4. Michaël Ferrier, Japon, la barrière des rencontres.
Dans ce splendide essai, Michaël Ferrier s’interroge sur les échanges culturels entre la France et le Japon et sur l’empreinte, beaucoup plus profonde que de prime abord on pourrait le croire, de l’archipel nippon dans la production intellectuelle française de Victor Hugo jusqu’à Philippe Forest en passant par Loti, Claudel, Butor et Barthes. Michaël Ferrier y pose une question d’un immense intérêt : et si le défi d’une rencontre intellectuelle et esthétique entre deux pays consistait moins à écrire sur une culture étrangère qu’à partir de cette dernière ? C’est-à-dire : et s’il importait moins de produire un discours témoignant d’une plus ou moins grande familiarité avec un pays étranger qu’à s’en imprégner par la lecture et l’expérience jusqu’à en incorporer les codes de représentation et la beauté singulière afin qu’elles ressortent dans des ouvrages qui, à première vue, n’ont pas de rapports explicites avec lui ? Un grand livre, d’une érudition joyeuse et souriante.
5. Enfin, last but not least, la lecture de La Promesse de l’aube de Romain Gary m’a particulièrement enthousiasmé cette année, une année où le patriotisme apparaît dans le discours de beaucoup comme une passion crépusculaire et triste à réserver aux nostalgiques d’une France qui n’a jamais été. Avec Gary, l’amour de la France est une passion généreuse et ouverte, ouverte sur l’autre et sur l’avenir, celle qui a poussé un petit garçon venu de Vilnius en Lituanie jusqu’à l’Arc de triomphe où le général de Gaulle l’a décoré. Ma France, c’est Romain Gary.
Et vous, quelles lectures retenez-vous au terme de cette année ?