Niari: 'Mâ Nganga', une handicapée battante et autonome

(CRP/Syfia) Handicapée, Florentine Nkoua Nganga refuse de tendre la main pour demander l’aumône. Vendeuse de divers produits au grand marché de Dolisie (Niari), elle se bat au quotidien pour faire vivre ses enfants, petits-enfants et sa famille élargie.

« Quand j'ai commencé ce métier, au quartier, des amis, parfois même d’autres paralytiques, me disaient : 'Tu n’as pas honte, les handicapés vendent aussi au marché ?' Je leur répondais que c'était normal pour moi de vendre, car j'avais des charges familiales ! », se souvient Florentine Nkoua Nganga à propos de ses premiers pas dans le commerce des divers (gombo, tomate, igname, ciboule, maniocs) au marché de Dolisie, chef-lieu du département du Niari.

Les quatre enfants de cette mère célibataire dans la cinquantaine ont en effet entre 6 et 15 ans. Encore à l'école, ils ne peuvent pas contribuer financièrement et aider leur maman. Depuis le décès de sa fille, Florentine s'occupe par ailleurs de deux petits-fils. Handicapée physique depuis son jeune âge à la suite d'une maladie, elle se déplace en vélo tricycle. Mais, ne comptez pas sur elle pour s'apitoyer sur son sort. Elle a un moral de plomb, une vraie battante : « Demander l’aumône aux gens n’est pas rassurant pour sa survie ! Mieux vaut investir, malgré les faibles moyens, dans ce qui honore l'être humain. »

Dans les années 80, Florentine s'est donc lancée dans le commerce des divers avec 6 000 Fcfa (9 €) en poche comme seul fonds de commerce. Objectif : « avoir quelque chose pour acheter le pétrole ou encore du savon au lieu de compter sur les autres. » Convaincue que  « la vie est un combat », chaque matin, avant d’étaler ses marchandises, Florentine se rend à l’arrêt des cars du grand marché de  Dolisie pour attendre ses fournisseurs (vendeurs grossistes) qui proviennent des villages environnants. 'Mâ Nganga' (Maman Nganga) comme l’appellent affectueusement les autres vendeuses, sollicite ensuite les transporteurs ('koro-koro' ou chariot) moyennant 200 à 500 Fcfa (0,30 à 0,75 €) selon la quantité de la marchandise. Puis, elle dépose ses produits sur sa table, située presque à l’entrée de la façade nord-ouest du grand marché. Une table basse, confectionnée en planches, adaptée à son handicap.

« Sa vie a changé ! »

Un goût de l'effort et de la dignité payant : « Les bons jours, je gagne 3 000 à 5 000 Fcfa  (4,60 à 7,60 €). Je donne ainsi à manger à mes enfants et à mes petits-fils. » Et même à d'autres personnes, ajoute Julienne Koubéla, une tante âgée de Florentine : « c’est elle qui nous nourrit ! Elle est devenue autonome et respectée dans la famille et dans le quartier. »

A tel point, que pour le Comité de réflexion des handicapés du Niari, Florentine est un exemple à suivre. « Nous apprécions son courage. Elle a intégré le marché pour vendre afin de se prendre en charge au lieu de demander aux autres dans la rue, souligne Evrard Ngoyo Mboumba, président dudit comité avant de poursuivre. Sa vie a changé ! Avant, elle m’embêtait pour l’aider à réparer les pneus de son vélo tricycle. Mais, cela fait un moment qu'elle ne me le demande plus...»

Ses clients aussi l'apprécient. « Mâ Nganga est toujours souriante, accueillante et ses prix sont abordables », affirme  Sabine  Foutou. Les administrateurs du grand marché de Dolisie expliquent que Florentine Nkoua Nganga est la première personne handicapée à vendre ici. Au moment de son installation, la direction départementale des Affaires sociales du Niari avait plaidé en sa faveur auprès de l'autorité municipale pour qu'elle ne paie pas la caution de 25 000 Fcfa (38 €). Cependant, depuis, Florentine paie la taxe de 100 Fcfa (0,15 €)/jour pour l’entretien soit 3 000 Fcfa (4,60 €)/mois.

Toujours aussi combattive, elle ne rêve aujourd'hui que d'une chose : continuer à vendre et, pourquoi pas, devenir une grande commerçante ! Elle a déjà prouvé que son handicap n'était pas un obstacle insurmontable.

                                                                            Victor  Bivihou (Juin 2016)

Articles réalisés avec l'aide financière de l'Union européenne. Le contenu de ces articles relève de la seule responsabilité du CRP et de Syfia international et ne peut en aucun cas être considéré comme reflétant la position de l'Union européenne.

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