NON
Pas aimable la dame ! Je réitère ma question, sachant très bien que je vais obtenir la même réponse. « Non ». Que la caissière porte de prison de la boutique des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique ne va pas me répondre « oui » pour mes beaux yeux ou mon sourire ravageur (que je n’affiche pas ou plus). « Auriez-vous un magnet de l’exposition de Johan Van Mullem ? Ou au moins des cartes postales ? » Là, la caissière est vraiment énervée. Elle se retient pour ne pas m’insulter, me traiter d’abruti, d’un qui ne comprend pas le français Qu’est-ce que tu ne comprends pas dans ma réponse ? Non c’est non. Je te le répète en flamand ! Je suis retourné dans le coin des magnets, ai hésité à acheter un Magritte ou un Spilliaert. Finalement, je suis sorti de la boutique du musée Je ne vais quand même pas leur refiler de l’argent après un tel (non) accueil !
Qu’un musée monte une exposition temporaire sans proposer de produits dérivés (pas même de catalogue) me parait, pas seulement économiquement, juste aberrant. Mais ce n’est pas l’objet de ma colère, frustration, déception…
C’est ce « non » définitif et imparable qui m’est adressé par l’intermédiaire de la caissière. Sans aucune empathie. Sans un « désolé, je vous comprends, ce musée est géré par une bande d’incapables… »
Est-ce que vous aimez recevoir un Non ?
Moi pas. Et ce n’est pourtant pas le premier que je reçois. Je vous épargne la liste… Derrière ce Non délivré sans pincette, je suis touché par l’absence de lien, de désir à être en lien avec l’autre. J’entends « Non et je me fous de ce que tu ressens ». Ce n’est pas le Non qui me touche mais le « je me fous de comment tu le reçois ». C’est comme ça que je reçois ce Non. Écho à ma sensibilité. A mon besoin d’être en lien avec l’autre.
Alors comment faire ?
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La question suivante qui me vient : suis-je toujours en lien avec moi-même ? Et non… je m’oublie. Ce type de séquence est une invitation à revenir à soi. Quand le lien avec l’autre se distend ou se coupe, le chemin est de renforcer son lien à soi. De quoi ai-je besoin pour m’aider à retrouver le fil avec moi-même ? Un chocolat chaud ? Appeler un ami ? Après quelques jours passés à Bruxelles, j’ai eu grand plaisir à revenir chez moi et à peindre. La peinture est pour ma part un fabuleux moyen de retour à moi.
Et pour vous ? Quels sont vos clés pour revenir à vous ?
Notamment pour les citadins. Les journées bruxelloises ont été à la fois riches et fatigantes en énergie dépensée : la foule, la circulation, les déplacements ferroviaires.
Ah les trains belges ! Si en Suisse, les trains sont très exceptionnellement en retard, en Belgique l’exceptionnel est l’opposé. Un train à l’heure est vécu comme un miracle. Je suis allé à Gand : logiquement une heure depuis Bruxelles. Avec les retards, j’avais une correspondance, la durée de mon trajet a doublé. Aller comme retour. Et sans aucune excuse. Je ne parle pas des changements de quai indiqués au dernier moment : mieux vaut ne pas être handicapé ou voyager avec trois valises et sept enfants. Les trains belges invitent à l’apprentissage de la patience. J’y travaille moi qui déteste attendre et arrive toujours en avance sur le quai par peur de rater mon train.
Au retour de Gand, j’ai fait la connaissance dans le train d’un petit garçon qui se roulait par terre, pieds nus, en me regardant. Je t’épate, hein ! Moi j’étais en mode somnolence après ma virée gantoise et ensoleillée (un autre miracle quand on vit en Belgique). Les parents de l’enfant le laissaient faire le ménage au sol. Je suis passé par plusieurs stades : je vais demander aux parents de tenir leur môme (en même temps, il ne criait pas ouf), je vais me déchausser et faire aussi la brasse sur le sol C’est qui qui nage le mieux ? C’est bibi ! Un enfant en roue libre comme celui-là est une source d’apprentissage pour moi. Moi qui fut un enfant sage et j’ose dire modèle. Tout a changé quand j’ai rencontré le regard de l’enfant. De grands yeux bruns. Mon énervement s’est effondré. J’avais auparavant croisé le sourire du père qui se voulait conciliant. Désolé, mon fils est un peu bruyant. Ce sont les yeux de son fils qui ont pleinement touché mon cœur. Qui m’ont permis de l’accepter dans ma zone d’intimité. J’essaie de me reposer et j’accepte ta présence, j’accepte que tu t’amuses à mes pieds, presque sur mes chaussures. En partant, j’ai souri à l’enfant et on a échangé un petit signe de la main. A la prochaine, canaille.
L’exposition Johan Van Mullem « For Love’s S(n)ake!” est puissante et à ressentir.