Nos émotions face à l'urgence écologique - préface

Avec l’urgence écologique, il y a de bons jours et de mauvaises années. Cela peut être interprété de deux façons :  

• L’actualité récente, pourtant peu visible face aux autres mastodontes de la peur que sont le COVID et la guerre en Ukraine, nous fait prendre conscience d’une catastrophe annoncée à coup de mauvaises nouvelles pour le climat ; 
• Une forme de léthargie collective face à l’ampleur et l’urgence d’une telle tâche laisse présager bien plus de mauvais que de bons jours, sur une planète asphyxiée par la vanité de notre espèce. 

Dans les deux cas, nos émotions sont et seront mises à rude épreuve ! Nous passons tous par différentes phases de compréhension, de déni, de remise en question… puis d'acceptation d’une vérité qui dérange. Le modèle d'Elisabeth Kübler-Ross évoqué en introduction de cet ouvrage le montre brillamment. Mais comment, dès lors, ne pas sombrer dans l’anxiété ? 

Puisqu’il est question de l'habitabilité future de notre planète, il faut évoquer un problème majeur auquel nous faisons face : le rapport au temps. Dans une société qui va toujours plus vite et nous aspire dans un tunnel sans aucun temps mort, comment prendre la hauteur suffisante pour considérer que chacun peut et doit être acteur de la transition écologique, de l’évolution de nos modes de vie ? Comment avoir le courage, la motivation, la conviction et le temps pour devenir un champion de la transition à son échelle, puis à l’échelle de son écosystème ? 

Ces questions, je me les pose depuis 10 ans. Dans la majorité des cas, la réponse me semble insatisfaisante, pour ne pas dire décourageante… Malgré les écogestes, les renoncements, les pétitions, les marches, les conférences, les interventions en écoles, le conseil en développement durable, la co-création d’un nouveau modèle d’entreprise inspiré de la permaculture… la mise en œuvre dans ma vie personnelle et professionnelle de mes convictions, je reste majoritairement frustré. Pourquoi devrais-je réduire mes déchets alors que des filières entières n’ont que faire des pollutions qu’elles engendrent ? Pourquoi devrais-je moins utiliser ma voiture alors que chaque jour on me vante les mérites des SUV hybrides roulant avec légèreté sur le bitume ? Pourquoi devrais-je baisser la température des chauffages en hiver alors que dans le même temps on chauffe des pelouses, des terrasses, des centres commerciaux, des piscines… et ce malgré les énormes déperditions d’énergie ? Nombreux sont ceux qui sont confrontés à ces sources de démotivation. 

Un jour, une lumière, une réponse si évidente qu’elle ne m’avait encore jamais frappé de plein fouet : je le fais pour moi ! Cela peut paraître égoïste, mais lorsque l’on prend conscience du bonheur profond que l’engagement pour un avenir plus juste et soutenable peut apporter, en contribuant à un modèle de société bien plus humaniste, alors ces questions disparaissent, et laissent place à une farouche envie de faire sa part. Qu’importe ce que « les autres » font, de la Chine à Jeff Bezos en passant par mon voisin. Cela vous apparaîtra certainement comme un oxymore à la première lecture, mais on pourrait qualifier cet état d’esprit d’égoïsme altruiste. Par ailleurs, cette lumière qui éclaire mon optimisme est devenue éblouissante il y a 6 mois, lorsqu’est venue au monde ma petite Alma. 

Muni de ce nouvel élan, les inventeurs d’un monde meilleur foisonnent d’idées, font preuve d’une patience et d’une passion infinies, contre vents et marées bien souvent.  

Ces héros du climat vous font part dans cet ouvrage collectif de ce qui, en dépit d’un contexte décourageant et anxiogène, leur permet de garder espoir. De rester suffisamment optimistes pour dédier leur énergie et leur temps à la sauvegarde de notre plus beau bien commun. En repensant la place de l’être Humain au sein de ce formidable écosystème qu’est la Terre, en influençant les décideurs pour que leur projet de société prenne soin de l’Humain et préserve la Planète, en explorant de nouveaux territoires de rencontres, de partenariats, en faisant naître des dynamiques collectives qui sentent bon le bonheur, en sachant fixer des limites à leur investissement personnel pour ne pas hypothéquer notre force collective. 

Au-delà des petits gestes du quotidien, il y a les grandes ambitions. Celles qui nous font lever le matin, celles qui me donnent espoir de pouvoir regarder un jour en arrière en me disant que j’aurai fait tout mon possible pour inverser le cours d’une histoire qui sent le coup de chaud. Celles que partagent tous les contributeurs de ce formidable ouvrage constitué de parcours individuels, qui contribuent à une œuvre collective qui nous dépasse tous.  

L’urgence désormais est que le plus grand nombre de citoyens participent activement à cette course contre la montre pour préserver ce qui peut encore l’être. Il me semble dès lors essentiel de faire que nos émotions soient majoritairement bienveillantes, enthousiasmantes. Bonne lecture à chacune et chacun, puissent des émotions positives éclairer votre volonté, et faire de vous des utopistes réalistes, des égoïstes altruistes !