Notre économie est morte. Vive notre économie !
Alors qu'on enterre toujours plus de morts du COVID-19, et que la crise financière et sanitaire empire de jour en jour, j'entends déjà les premiers vautours s'inquiéter du meilleur moment pour reprendre leurs positions sur le CAC40, le Dow(n) Jones ou le Nikkei. Les fonds de Private Equity aiguisent leurs serres et survolent les premiers charniers. On prend les mêmes et on recommence. Comme si tout ça n'était qu'un contre-temps. Comme s'il n'y avait pas de leçon à tirer des crises successives de notre système financier.
En tant qu'entrepreneur, j'ai modestement tenté de trouver des solutions actionnables que je vais mettre en oeuvre comme les entrepreneurs le font : en prenant des risques. A travers MAJ Ventures, start-up studio basé à Genève, nous testons des dizaines de concepts et continuons à produire 5 nouvelles entreprises par an. D'abord par passion pour le travail et par soif d'aventures collectives. Mais aussi parce que je crois dur comme fer au pouvoir des entreprises. Elles changent le monde chaque jour pendant que les politiques en parlent. Elles emploient, forment, inventent les produits et services de demain. Elles façonnent la consommation, créent et distribuent la richesse. Leur pouvoir est immense. Changer les entreprises, c'est changer le monde.
Sans plus attendre, je vais donc détailler dans cet article 6 problèmes majeurs de notre système économique et 6 ébauches de solutions à portée de l'entreprise pour y répondre.
1/ Ce qui a foiré : une économie déconnectée de la nature
Ressources finies. Croissance infinie. Toujours plus d'humains qui achètent toujours plus, c'est la recette de la consommation exponentielle qui a terrassé 60 % des espèces animales sur terre en moins de 40 ans. 46 fois la taille de la Suisse en plastique dans les océans, 80'000 km2 de forêt qui disparaissent chaque année, pollution qui tue 3 fois plus d'humains que le sida, réchauffement climatique, montée des eaux. On sait tout cela puisqu'on achète des voitures électriques et on fait tous le tri religieusement.
Ce qu'on peut faire : produire mieux. Utiliser des matériaux moins polluants. Construire local, durable et réparable comme prévoit de le faire la marque de vélo électrique suisse Motosacoche, en gestation dans notre startup studio. Louer plutôt que vendre (économie de la fonctionnalité) comme le propose notre solution d'habitation Cowkoon également en gestion chez MAJ Ventures. Créer des nouvelles entreprises de l'économie du partage, un marché de 335 milliards de dollars en 2025. Des exemples ? Blablacar, AdopteUneRobe.fr
2/ Ce qui a foiré : une économie de l'esclavage
L'essentiel de notre consommation est toujours issue des circuits de l'esclavage moderne, en Chine, au Pakistan ou même en Europe ou aux Etats-Unis. Maltraitance, 60 h de travail physique par semaine sans pause, contact avec des produits dangereux, usines insalubres, aucune sécurité sociale. Et si vous ne le savez pas, le travail des enfants est toujours d'actualité.
Ce qu'on peut faire : accepter de se fournir avec des produits plus chers, dont la traçabilité vous permet de vous assurer que les travailleurs qui l'ont produit sont décemment traités. Créer des entreprises qui mettent le bien être des sous-traitants au cœur de leur stratégie. C'est l'économie du commerce équitable. Par exemple les basquettes VEJA ou les smartphone Fairphone. Et si vous trouvez qu'il est deux fois plus cher, pour la moitié des performances, vous avez raison. Mais si vous continuez à acheter des smartphone en sachant que des enfants ont été sacrifiés dans le processus, vous êtes la plus grosse partie de ce problème.
Redonnons également ses lettres de noblesse à l'artisanat local ! Redevenons artisans comme c'est le cas de Maxime et Camille de l'Atelier Siblings par exemple. Un frère et une soeur qui sérigraphient des créations uniques sur des t-shirts et à la main en petites séries à Chêne-Bougerie.
3/ Ce qui a foiré : une économie issue du réglementaire
Il aura fallu que les états interdisent l'usage du plastique unique pour que les entreprises commencent à étudier des alternatives. Et même sous la menace du fouet, beaucoup continuent à en utiliser plus que nécessaire. Quand on voit le bilan environnemental et social du système économique global en 2020, il apparaît très clairement que les politiques publiques sont dépassées, pour ne pas dire inopérantes, et que les entreprises qui se contentent d'appliquer les règles sont irresponsables.
Proposition : montrer l'exemple en prenant volontairement les devants sur le réglementaire et fournir les preuves de ses engagements en toute transparence. Cela permet aux clients de supporter les entreprises qui s'engagent de leur plein gré. Par exemple : payer ses employés au-delà du seuil minimum de sorte à ce qu'ils puissent avoir une vie décente, n'utiliser que des matériaux bio-sourcés, n'acheter que des produits payés au juste prix (ex : C'est qui le patron ?) dans son restaurant, ne pas payer ses employés au noir (un secret de Polichinelle dans la restauration)... MAJ Ventures a, à cet effet, créé un concept de labels Crystal Economy qui ne demande qu'à être utilisé et développé.
4/ Ce qui a foiré : une économie obsédée par le rendement
L’appât du gain et la course au rendement poussent les investisseurs professionnels à n'investir que sur des entreprises à rendement optimal (bénéfice/risque), indistinctement de leur utilité sociale ou environnementale.
Ce qu'on peut faire : rendre les placements financiers accessibles à tous à travers le crowdfunding. La gouvernance des fonds est distribuée et le besoin de rendement est diminué par le fait que les investisseurs contribuent à hauteur de petites sommes multipliées par de nombreux individus. En dehors des circuits financiers professionnels, les investisseurs sont beaucoup plus sensibles à l'impact social et environnemental. La prévente de produits ou de services permet également de financer l'amorçage d'entreprises qui n'auraient jamais trouvé de financement par ailleurs. Notre plateforme Collecticity est par exemple la première plateforme de financement des projets publics (transition énergétique, projets culturels, sociaux, infrastructures d'intérêt commun). October, plateforme leader en France du prêt aux entreprises, permet de financer le développement de PME avec de bons rendements à la clef (mais attention aux taux de défauts qui peuvent vite dégrader la performance de votre portefeuille !). Lever auprès de ces plateformes est également un très bon moyen de se créer une communauté et de faire connaitre ses services.
5/ Ce qui a foiré : marketing, faites ce que je dis, pas ce que je fais
Les imaginaires de marques définissent l'individu. Nous sommes devenus ce que les marques disent de nous à grand renfort de stars et des campagnes de pubs. Les grandes marques vendent un imaginaire fort mais en coulisse ont souvent des pratiques éthiques déplorables. Notre consommation est frénétique. Les centres commerciaux ont d'ailleurs remplacé les temples aussi bien physiquement que spirituellement. Je ne défends pas un retour au temple, le business model des religions reste l'exploitation de la crédulité des gens. Elles constituent d'ailleurs de si bonnes affaires qu'elles ont une succursale dans chaque village.
Mais les quelques valeurs humanistes qu'elles portent mériteraient d'être remises au centre, modernisées, enrichies et largement diffusées et les consommateurs éduqués à la pensée critique.
Ce qu'on peut faire : placer les engagements sociaux et environnementaux au cœur de notre offre de sorte à ce que les clients s'identifient aux valeurs que défend l'entreprise à travers ses actions concrètes, ainsi qu'à son savoir-faire, plutôt qu'à l'imaginaire social que la marque diffuse à travers un marketing artificiel et à grand renfort de $$$. Il semble plus important qu'une crème pour la peau ne contienne pas de produits chimiques dangereux, ni de matière première issue de la souffrance animale, plutôt que Kate Moss s'en tartine le nez dans une super-production hollywoodienne.
C'est notamment le pari des Digital Native Vertical Brand (DNVB) qui mettent en avant leurs produits ainsi que la maîtrise de toute la chaîne de valeur, de la conception à la livraison. Ceci afin de garantir qualité et traçabilité. La proximité que cela créé avec leurs clients facilite la vente sans intermédiaires. Consommer moins mais mieux, tout le monde est gagnant. C'est l'exemple du Slip Français (25mio de CA) ou de Tediber, literie française.
Nous pouvons enfin éduquer les consommateurs dès le plus jeune âge afin de les rendre critiques à l'âge adulte via des programmes de formation sur-mesure. L'école n'évolue pas aussi vite que le monde et le secteur de l'EdTech devient de plus en plus complémentaire. Entre 2013 et 2017, par exemple, les levées de fonds mondiales dans la EdTech ont dépassé les 10 milliards de dollars. (Merci Pierre Vasseux pour cet apport très constructif ;)
Avancer ensemble, pas à pas
Les solutions abordées sont certainement perfectibles et méritent évidemment d'être constamment améliorées. Il n'y a de solutions simples que dans les discours populistes. Changer l'économie mondiale est une tâche face à laquelle je me sens évidemment désarmé et impuissant. Mais ensemble à travers l'Open Innovation et la connaissance libre nous pouvons nous enrichir mutuellement et participer, chacun à son échelle à enclencher une nouvelle dynamique.
Même si tout nous pousse aujourd'hui à tout liquider et à attendre "on ne sait pas trop quoi, on ne sait pas trop quand", il est plus que jamais important de se montrer courageux et de continuer à supporter l'économie réelle. Continuer à investir avec un regard neuf, continuer à travailler, à inventer, à rêver. Le pire qui puisse nous arriver est de sombrer dans le pessimisme et perdre foi en notre monde. Nous avons des ajustements à faire, cette crise met clairement en lumière les faiblesses de notre système, mais baisser les bras maintenant est le plus sûr moyen de tout perdre.
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Haut les cœurs !
Paul Merz, MAJ Ventures
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4 ansLa prise de conscience. La première étape du changement. C'est la première marche qui est la plus haute mais elle n'est pas impossible à franchir. Partageons pour avoir l'espoir de convaincre un maximum de monde de l'importance d'apprendre de chaque situation que nous apporte la vie. Nous en ressortirons grandit. Merci pour ce cri du coeur et de l'esprit qui sera je l'espère entendu et relayé.
Coach de Carrière - High Performance Mindset Expert
4 ansIl fait vraiment du bien votre article, constructif, pragmatique et motivant, MERCI !
Coach certifiée. Thérapeute psycho corporel✨coach en entreprise
4 ansMerci pour cette vision réconfortante.
Très bon ton article
Présidente de la Fondation aaa / Coordinateur de projet / Leadership collaboratif / Empathie sociale / Dynamique et joyeuse
4 ansPaul, tu devrais rejoindre les Bâtisseurs du futur! Batisseursfutur.ch