Notre cinéma intérieur

Notre cinéma intérieur

Je vous recommande très vivement la lecture du dernier livre de Lionel Naccache, « Le Cinéma intérieur » (Odile Jacob, 10/2020). Non pas que la privation actuelle de « cinéma extérieur » doive nous faire replier sur nous-mêmes. Non, en fait cet ouvrage arrive, avec clarté et brio, à synthétiser l’essentiel de ce que nous refusons de comprendre depuis plusieurs milliers d’années : au moins 90% de ce que nous vivons au quotidien est concocté minutieusement… par nous-mêmes !

Bien entendu, pour toutes celles et ceux à l’esprit ouvert, ayant pratiqué ou non « un travail sur soi » (développement personnel ou autre), la prise en compte de leur « vie intérieure » est déjà devenue un atout considérable. Mais ici Naccache, expert reconnu en neurosciences, explique plus précisément pourquoi et comment nous construisons et personnalisons mémoire après mémoire, comportementale ou mentale, l’essentiel de nos aptitudes et vécus personnels (actifs ou passifs). A noter que le « nous » employé ici est, bien sûr, celui du « Je » de Naccache, également celui du Soi de Jung (processus d’individuation).

Sans entrer ici dans les arcanes des neurosciences les plus avancées, voici à minima deux caractéristiques fondatrices de nos pratiques neurosensorielles (et du développement neuronal au travers des fonctions de nos cinq sens) :

-         Nous ne mémorisons qu’une très très faible partie de ce que nous pourrions percevoir. Disons même plus, au mieux nous enregistrons en moyenne, quand nous sommes concentrés, moins de 1% de ce nos sens capturent. Non seulement nos fonctions sensorielles ne transmettent que de façon « discrète » (à titre d’exemple notre vue ne nous transmet que 13 images par secondes). Mais en plus, notre physique et notre mental ayant horreur du vide, nous avons appris dès l’enfance à passer d’informations discrètes, ou "quantiques", à une perception continue !

-         Mieux encore. Pour éviter ces « ruptures temporelles » dans nos mémoires nous puisons sans cesse dans nos réflexes conditionnés (habitudes de comportement ou de pensée), nos émotions et pensées en cours, nos souvenirs, nos rêves, voire hallucinations. Jusqu’à produire in fine un continuum temporel tissé à partir du « film de nos mémoires », quitte à quasi-reproduire sans cesse la même histoire personnelle ! Un continuum de « conscience de soi » (voire « d’affirmation de soi »), qui in fine (hors « accident de vie » involontaire, ou « travail sur soi » volontaire), garde à peu près le même cap de 25 à… 75 ans !

Vient alors le plus délectable. Prendre conscience de cette production permanente de notre « cinéma intérieur », tel que le synthétise ce brillant neurologue, est déjà fameux. Mais là n’est pas le plus stupéfiant pour la plupart d’entre nous. En effet, pour conscientiser la vie extérieure avec laquelle nous interférons à chaque instant éveillé (notre « cinéma extérieur »), nous utilisons la même machinerie préétablie de notre propre cinéma intérieur. Oui, vous avez bien compris, et comme le résume finalement L. Naccache, « Le cinéma c’est la vie, et vice versa » !

Alors si vous décider de lire plus en détail ces constats inédits du « cinéma intérieur », exposés ces derniers mois par les neurosciences les plus officielles, vous deviendrez peut-être plus positifs et plus constructifs, et cela malgré une année sanitaire et sociale probablement pénible pour vous. Car, comme le décrit fort bien Lionel Naccache, « … se familiariser avec le cinéma intérieur devrait aider un certains nombre de nos contemporains à ne plus se conduire comme des gougnafiers ». En effet si, au quotidien, nous devenons de plus en plus conscients que nous sommes à la fois le projecteur, le spectateur, le personnage principal, le scénariste et metteur en scène de notre vie personnelle, alors progressivement nous deviendrons plus tolérant envers chacun (dont nous-mêmes). Nous deviendrons simultanément plus respectueux du « cinéma d’autrui » (imprégné aussi de conditionnements parentaux, culturels, religieux, …, ou de fictions personnelles), et probablement moins enclins à déverser ou relayer à l’extérieur (famille, rue, bar, salle de cinéma, …), et sur les réseaux sociaux, nos productions nocives (violences verbales ou physiques, fake news, …). Et, surtout, nous prendrons encore plus facilement conscience du danger de nos propres « mensonges à nous-mêmes » !

A revoir :

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