Notre renard ne sait pas ce qui l'attend...piège ou fusil ?

Qu’ils sont étranges ces petits personnages à deux pattes qui s'agitent là tout en bas, se dit le renard, museau tapi dans l'herbe fraiche de la colline. Il sent avec bonheur sur l'échine les premières caresses du soleil de printemps. Dans les buissons, merles et merlettes tressent dans l'ombre leurs petites corbeilles et dans les arbres qui dominent, le bruant zizi envoie sa trille quand roucoulent et paradent les ramiers.

Les grenouilles, crapauds, tritons ou salamandres sortent de leur cachette hivernale terrestre, affolés par l’amour ; ils entament leur migration vers les étangs, les mares de fraiches eaux au risque d’être écrabouillés en traversant les routes. Vive les bénévoles, les associations qui les ramassent dans leurs seaux.

C'est le temps des copains, de l'amour et de l'aventure... Mais que font donc là-bas dans la plaine ces bonhommes étranges et incompréhensibles?

Et pourquoi se dit le renard ne l'aimeraient-ils pas eux aussi cette nature qu'ils s'ingénient pourtant à méconnaitre, bousculer, ravager, maltraiter anéantir, empoisonner, aménager, cartographier, googueuliser, pour toujours dominer, et pour certains préférer Mars planète morte à leur planète encore vivante.

Une sorte d'amour vache et brutal qui guette avec joie les papillons tout en exterminant la moindre chenille, qui adore les hérissons tout en leur faisant bouffer l'asphalte, qui aiment regarder leurs toiles chez les autres mais écrasent les araignées. Il y a aussi ceux qui ont tous les bons mots du développement durable en magasin mais qui veulent avant tout casser du vert à Lyon en déformant la pensée du Maire avec des invectives pitoyables sur 1 journée sans viande à la cantine. 

Peuplade déboussolée par un monde de trouvailles virtuelles, cybernétiques et artificielles capable de tout remplacer, de repeindre sur écran en couleurs plus vives et plus intenses cette nature en mieux, et plus propre tout en la...dénaturant. 

Notre renard ne sait pas ce qui l'attend...piège ou fusil ? Ou même ce soleil bienfaisant qui lui réchauffe le poil au sortir de l'hiver. Ne sera t’il pas celui qui le carbonisera au cœur de l’été sec ? Il s'en doute car on le dit rusé, même s’il ne sait pas lire les rapports du Giec. Sous son poil roux, il ressent tout cela. Piège, haine et fusil il connait, depuis toujours c’est son lot, lui qui aide les agriculteurs sans fiche de paie, baffreur de mulots, chignole à campagnols, régulateur d’espèces. 

Bouleversement climatique des milieux, bowling dans les éco-systèmes ? Pour l'instant, il a autre chose en tête, il relève le museau et hume. Un doux courant d'air lui apporte de belles nouvelles… Passe furtivement dans les bois sa dame Hermeline... Va ma renarde et salue Isengrin ainsi que Tibert le chat si tu les croises, va Hermeline...

Denis Cheissoux