NOUVEAU CIMENT
Le ciment franchit une étape cruciale vers le bas carbone
La norme autorisant la vente en France d'une nouvelle génération de ciments est sortie. Celle-ci permettra une forte réduction des émissions carbone du secteur, qui multiplie les projets pour verdir son activité à l'instar de Vicat, dernier cimentier français. Une annonce qui intervient à quelques jours de l'ouverture de la COP 26.
La composition des nouveaux ciments qui seront mis sur le marché à compter de 2022 rebat les cartes. Comparée à un ciment classique, elle réduit les émissions de CO2 de 40 % à 55 %. (Picture Element)
Par Myriam Chauvot
Publié le 25 oct. 2021 à 7:20Mis à jour le 25 oct. 2021 à 7:25
Pour le ciment, la révolution bas carbone, c'est maintenant. Longtemps attendue, la norme autorisant la vente en France d' une nouvelle génération de ciments est parue et c'est « une étape cruciale vers la décarbonation », applaudit le Syndicat français de l'industrie cimentière (Sfic). Car sa composition rebat les cartes. « Comparée à un ciment classique, elle réduit les émissions de CO2 de 40 % à 55 % », souligne l'expert Laurent Izoret, président du comité technique européen de normalisation du ciment. Une annonce qui intervient alors que la Conférence des Parties des Nations unies sur le changement climatique (COP 26) s'ouvre à Glasgow le 31 octobre.
Traditionnellement, la fabrication du ciment est très émettrice de CO2. Il faut cuire à 1.450 degrés, dans des fours à énergie fossile, un mélange de calcaire et d'argile. Fait aggravant, le calcaire contient du CO2 qu'il relargue en chauffant, un phénomène naturel représentant les deux tiers des émissions du ciment. Enfin, une fois cuit, ce mélange appelé le « clinker » doit être broyé. Bilan : une tonne de ciment classique émet 860 kg de CO2. Et pour tous les types de ciments, une tonne émet en moyenne 624 kg.
Cuisson flash
Les cimentiers attendent depuis des années l'autorisation de mise sur le marché de ce nouveau ciment, appelé « ternaire » car il a trois ingrédients. Chaque industriel fera son dosage. Dans tous les cas, le calcaire n'est pas chauffé, et donc ne relargue pas de CO2, tandis qu'une partie du clinker est remplacée par un troisième ingrédient peu carboné dont la proportion peut varier, tel que des argiles à cuisson flash de quelques secondes.
Recommandé par LinkedIn
Quand le ciment et l'acier verdissent par un artifice de comptage du CO2
Maintenant qu'existe un cadre normatif, « les premiers ciments ternaires devraient être certifiés pour la fin de 2021 et mis sur le marché l'an prochain », estime Laurent Izoret. Reste à modifier la norme béton pour y autoriser l'emploi des nouveaux ciments ternaires. « C'est en cours, nous espérons finaliser ce travail normatif d'ici à la fin de 2021 », poursuit l'expert.
Des déchets comme combustible
Chez Vicat, dernier cimentier français indépendant, la production de ciment ternaire à base d'argiles débutera en 2023 à Xeuilley, en Lorraine. « Cela réglera jusqu'à 40 % du problème des émissions du ciment, mais il restera encore 50 % de clinker dans la composition, explique le directeur général adjoint du cimentier, Eric Bourdon. Réduire davantage le bilan carbone passera par plusieurs voies, à commencer par le recyclage du béton de déconstruction. »
Un deuxième axe de décarbonation pour le groupe isérois est l'usage de déchets (pneus, biomasse, résidus de broyage automobile). Ils assureront 100 % du combustible de ses fours en Europe en 2025, contre 55 % en France aujourd'hui. Par convention, la combustion de déchets est exclue du comptage du CO2. Ceci en travaillant parallèlement à l'électrification des fours. « Ce n'est pas une utopie, mais le problème est l'équation économique. L'électricité nucléaire est insuffisante et le renouvelable coûte cher et il faut y avoir accès », remarque le dirigeant.
Capter les émissions
Troisième grande piste de verdissement, la capture du CO2 à la cheminée. Le projet Hynovi, monté avec Hynamics (groupe EDF), vise à capter 40 % du CO2 émis par la plus grosse cimenterie de Vicat, à Montalieu-Vercieu (Isère), et à le combiner à de l'hydrogène bas carbone pour produire annuellement, à partir de 2026, 200.000 tonnes de méthanol pouvant servir de carburant de synthèse, soit un quart de la consommation totale française.
Vicat, seul cimentier serein face aux quotas carbone
« Le projet Hynovi ne se fera que s'il obtient de la France et de l'Europe une subvention significative, car l'investissement serait de plusieurs centaines de millions d'euros. Nous testerions la technologie avec l'engagement que tous y aient accès » , précise Eric Bourdon. La décision de Bruxelles sera connue au printemps 2022.
Fours à l'oxygène pur
Reste à abaisser les coûts de capture du CO2 afin de rendre économiquement viable la captation de 100 % des émissions d'une cimenterie. Séparer les gaz des émissions captées pour leur trouver un usage coûte cher. Vicat et trois autres cimentiers européens testent la technologie Oxyfuel dans le cadre du projet Catch4Climate. Elle consiste à introduire dans le four de l'oxygène pur, au lieu de l'air ambiant, afin que la combustion ne dégage plus que du CO2 quasi-pur, utilisable dans l'industrie ou transformable en carburant.
La décision vient d'être prise de construire un pilote Oxyfuel semi-industriel chez le cimentier allemand Schwenk. « La capture de CO2 démarrera début 2024 pour deux ans, explique Eric Bourdon. Nous aurons alors assez d'informations pour espérer pouvoir passer à l'échelle industrielle. »
Le secteur avance donc à marche forcée. Au printemps, il s'est engagé à baisser de 24 % d'ici à 2030, et de 80 % d'ici à 2050, ses émissions comparées à 2015. « Les efforts fournis ont déjà permis de réduire l'impact de plus de 40 % entre 1990 et 2015 », rappelle le syndicat des cimentiers.
Cofondateur-Associé / Coordination Générale chez Origin-Concept & Design sas
3 ansNathalie, un pas important dans la prise de conscience ainsi que dans la réflexion des méthodes de recyclage. Le problème étant que les processus de captage, de recyclage et à nouveau de combustion n'est globalement pas neutre, puisque chaque étape du processus consomme de l'énergie dont le rendement n'est pas de 100%... et qui pour le moment reste essentiellement carbonée. Mais cela reste une étape importante et nécessaire .