Numérique responsable, numérique accessible
Depuis que j'ai lancé il y a quelques mois mon activité de conseil en numérique responsable, on me demande souvent de quoi il s'agit vraiment. Pour s’initier au sujet (et bien commencer l'année), il me semble important d'aborder des fondamentaux, les obligations réglementaires.
Le numérique responsable, c' est d’abord un numérique accessible.
Que dit la loi en matière d’accessibilité numérique, en particulier pour les entreprises privées ?
Les entreprises ayant un CA annuel > 250 M€ doivent proposer des services numériques accessibles, c’est-à-dire utilisable facilement, sans limite, par tout individu quels que soient ses aptitudes physiques ou mentales.
Cela vaut pour leurs sites internet, intranet, extranet, applications mobiles et même les progiciels de gestion. Autant dire que cela concerne beaucoup d’entreprises et encore plus de services !
Quelles sont les obligations?
Les entreprises concernées doivent :
1. Se mettre en conformité avec le Référentiel Général pour l’Amélioration de l’Accessibilité (RGAA). Cette méthode technique permet d’évaluer la conformité d’un contenu HTML et se conforme aux recommandations internationales WCAG 2.1 (Web Content Accessibility Guidelines).
2. Publier une déclaration d'accessibilité, dans laquelle sera indiqué le niveau d’accessibilité atteint :
o « Accessibilité : totalement conforme » si tous les critères de contrôle du RGAA sont respectés,
o « Accessibilité : partiellement conforme » si au moins 50 % des critères de contrôle du RGAA sont respectés
o « Accessibilité : non conforme » s’il n’existe aucun résultat d’audit en cours de validité permettant de mesurer le respect des critères ou si moins de 50 % des critères de contrôle du RGAA sont respectés
3. Formaliser un schéma pluriannuel de mise en accessibilité des services de communication en ligne (d’une durée maximale de 3 ans)
Une obligation encore très peu appliquée
Cette obligation est encore largement inappliquée.
Je n’ai pas trouvé de statistiques nationales et j’ai donc entrepris une analyse sur les entreprises du CAC40, échantillon sur lequel l’obligation s’applique indiscutablement.
Sur les 40 sites d’entreprises analysés (les sites .com ou .fr), j’ai identifié 20 déclarations d’accessibilité. Elles étaient très facilement accessibles en bas de la page d’accueil, à côté des mentions légales, de la gestion des cookies et des données personnelles.
Pour les 20 entreprises pour lesquels je n’ai pas identifié de déclaration en bas de page, j’ai utilisé le moteur de recherche interne du site et fait des recherches sur les mots clés « accessibilité » ou « accessibilty ». Bredouille…. Sont-elles non conformes ? Je me garderai de cette conclusion à ce stade. Mais mon investigation, certes rapide, ne rassure pas.
Pour les 20 entreprises pour lesquelles une déclaration a été identifiée, le taux de conformité moyen est de 60%. Cela veut dire que 40% des services numériques étudiés ne sont pas conformes aux bonnes pratiques et standards en matière d’accessibilité numérique.
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Des sanctions faibles et peu appliquées
Une sanction administrative, de 20.000€ annuelle, est définie en cas de non-publication des déclarations d’accessibilité et du schéma pluriannuel d’accessibilité.
Malheureusement, il existe encore un « flou » sur la portée de cette sanction. Est-elle appliquée à chaque organisme en défaut, ou à chaque service (site internet, intranet, etc.) en défaut ? L’article de loi précise bien « Le défaut de mise en conformité d'un service […] en ligne […] fait l'objet d'une sanction administrative dont le montant… », mais le décret reste imprécis sur ce point.
Je n’ai pas connaissance de recours en justice fondés sur ce principe. Mais on peut espérer que les sanctions à venir permettront de clarifier ce point et de généraliser la mise en œuvre de cette obligation.
L’accessibilité numérique, un levier d’engagement et de crédibilité
La plupart des entreprises mettent aujourd’hui en avant une stratégie RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises). Beaucoup promeuvent l’inclusion. Je m’en réjouis bien sûr, mais il serait temps d’équilibrer les niveaux de communication avec les niveaux d’action, et d’arrêter les pratiques de bluewash.
Se mettre en conformité réglementaire, et par là même offrir de la transparence sur son niveau d’accessibilité numérique, permet de crédibiliser une posture d’entreprise tournée vers l’inclusion.
Cet article vous fait réagir ?
C’est l’effet voulu en tout cas… Je suis volontairement restée cantonnée sur le périmètre lié aux entreprises privées, car cela correspond à l’essentiel de mon réseau, mais des obligations existent bien évidemment aussi pour les entreprises du secteur public.
J’ai affiché des résultats venant d’une étude personnelle et je suis tout à fait disposée à partager son contenu et corriger au besoin. Mais à ce stade, il me parait plus important de sensibiliser que de dénoncer. Allez voir par vous-même quelques sites très connus, vous verrez vite.
En conclusion, je pense que l’ obligation d’accessibilité numérique doit être aussi connue que le RGPD l’est en matière de protection des données personnelles. Un travail d’équipe entre les services IT, Communication, RH, Légal doit maintenant se mettre en place dans les entreprises. Vos commentaires, réactions, permettront de sensibiliser et de partager les connaissances.
Pour aller plus loin
Les 2 textes de référence sont :
Je ne peux que vous recommander la boite à outils de l’INR et ses nombreux outils de diagnostic et de conception d’accessibilité numérique.
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