N'y voyez pas le fantasme de l'homme mais le délire de l'artiste

N'y voyez pas le fantasme de l'homme mais le délire de l'artiste

« N’y voyez pas le fantasme de l’homme mais le délire de l’artiste » 

La citation choisie par Elphège comme titre de son exposition et empruntée au cultissime « Le père Noël est une ordure » illustre malicieusement l’essence même de son travail artistique : la narration libérée, la référence décalée, l’humour revendiqué, le plaisir assumé.

La narration d’abord. Tout le travail d’Elphège contribue à la construction d’un univers enchanté intitulé « La Pink Forest ».  Ses acteurs en sont des personnages enfantins, espiègles et joueurs, évoluant dans un décor coloré et ludique où surgit soudain une menace, ici un dragon, là un gouffre obscur. La narration bascule alors du merveilleux vers l’étrange voire le cauchemardesque. Plongés dans un monde d’adultes mouvant et dangereux, les jeunes héros de la Pink Forest se doivent de lutter pour exister et conserver leur précieuse candeur. Chaque œuvre devient le récit d’un épisode de cette épopée débridée.

Dans cette narration complexe interviennent de nombreuses références à l’histoire de l’art et de la peinture, au cinéma ou à la bande dessinée : le Pape Innocent X de Bacon, le hot dog de Lichtenstein, la vague d’Hokusai, la matrice de Matrix… Elphège se nourrit de ce qu’il voit : son regard est fait de curiosité et de vivacité. Ce rapport boulimique au monde et à l’image, cette soif permanente de découvertes, se retrouvent dans ses œuvres sans hiérarchie contraignante ou classification ennuyeuse. Elphège s’interdit de s’interdire.

Que cela soit dans ses peintures ou dans ses céramiques, la couleur devient l’expression d’une liberté créatrice débridée. Le geste pictural peut aussi bien être emprunté au dripping de Pollock qu’à l’énergie du street art qu’il affectionne particulièrement. On retrouve dans certaines pièces une trame à la Toroni et dans d’autres une matière picturale épaisse proche d’un Gerhard Richter. La technique de la céramique qu’il maitrise habilement lui permet de réaliser des pièces particulièrement fortes et singulières toujours au service d’une narration fantasmagorique personnelle. Le sérieux de la pratique et l’engagement sincère de l’artiste sont accompagnés d’une vision humoristique qui traverse l’ensemble de son travail. Les titres en particulier inscrivent les œuvres dans le registre comique, rappellent l’usage de la citation et la volonté manifeste d’Elphège de ne pas prendre les choses trop au sérieux.

Car de cette œuvre joyeuse, colorée, multiple, énergétique et singulière, se dégage l’expression d’un plaisir manifeste, rare et précieux, le plaisir généreux de son créateur comme celui ravi de son regardeur.

Vincent Sator

 

 

 

 

 

 

 

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