Ode à mon père

Extrait de mon prochain roman "Drôle d'oiseau à Rabat"

Il a toujours été secret sur ces faiblesses, sans jamais pouvoir me les cacher à moi pour une raison ou une autre. Surement parce que je connais très bien ses gestes et ses réactions à force de les avoir observées, analysées et reproduites consciemment ou pas, à l’infini.

Je connaissais ses secrets inavouables, je le voyais venir quand il allait commencer à baratiner. Je savais très bien qu’il avait des imperfections. C’était même un sujet de discorde avec lui, je ne supportais plus qu’il insulte mon intelligence.

Comme j’ai hérité aussi bien de son hypersensibilité que de sa hargne et son entêtement. Ce schisme dans nos façons respectives d’appréhender la vérité s’est transformé en affrontement entre deux lions. Des fauves qui n’avaient qu’une seule hantise. Ne pas blesser l’autre.  

Pourtant les griffes sont sorties et les coups fusent. Ils sont doublement douloureux parce que la souffrance de celui qui est frappé est ressentie de la même façon par celui qui acène le coup. Dans cet affrontement, la sagesse le refrénait, l’ignorance et l’arrogance me poussaient.

Je l’ai surement blessé plusieurs fois alors que ça ne méritait pas. Je l’ai surement frustré à plusieurs reprises en écourtant ou en avortant des discussions. Je l’ai fais souffrir pour récompenser tous ce qu’il a sacrifié pour moi. Tout cela à cause de la déception de savoir qu’il n’était pas parfait. C’est tellement bête. Malgré tout je suis à l’aise avec ça. J’ai eu la chance de comprendre pendant qu’il en était encore temps. Nous avons fait la paix depuis quelques années maintenant.

C’est un homme normal avec des qualités et des défauts qui a fait de son mieux selon son temps et ses croyances. Je suis sure qu’il aurait fait autant que Guido Orefice, le personnage magnifié par Roberto Begnini dans « La Vita E Bella » pour nous cacher les cruautés de ce monde.

Parce qu’il est tout simplement le meilleur papa au monde.