Odyssée d'une dissolution - n°7

Odyssée d'une dissolution - n°7


Précédemment dans Odyssée d’une dissolution...

Au terme d’une campagne courte et intense, riche en comédie puis en stratégie - euh tragédie -, l’heure est au décryptage des résultats de ce premier tour et aux leçons que nous devons en tirer. Les sondages avaient vu juste, donnant à la France une couleur électorale brune foncée.

Nous vous avons à de multiples reprises parlé de l’engagement des influenceurs dans nos chroniques, et il semblerait que cet engagement ait porté ses fruits car le RN a perdu hier sa place de grande favorite auprès des jeunes.

Les consignes de vote et les stratégies mises en place dans les triangulaires plus que jamais nombreuses vont être passées au peigne fin par vos whistledown préférés.


La politique n’est pas morte, vive la politique

On a souvent reproché aux Français d’avoir délaissé les urnes et de ne plus être engagés politiquement, mais c’était sans compter la mobilisation record pour ce premier tour des élections législatives. En effet, les Français en ont fait une affaire d’État (sans mauvais jeu de mot), et ont participé à hauteur de 66,7%. Il faut dire que les enjeux sont grands, tellement grands qu’il faut remonter vingt-sept ans en arrière pour enregistrer un taux de participation identique. Cette fascination pour les petites enveloppes bleues et les cubes transparents s’était déjà fait ressentir aux élections européennes du 9 juin : la participation a atteint 51,49 % en France, un record depuis 30 ans. 

Mais qu’ont-elles de si particulier ces petites enveloppes ? Réjouissons-nous avec précaution de ces records historiques de participation, puisqu’ils resteront tristement célèbres pour avoir propulsé l’extrême droite aux portes du pouvoir. 

Mais à qui la faute ? D’aucuns diraient que la jeunesse n’emmerde plus le front national et préfère s’abrutir devant tiktok, mais l’institut de sondage IPSOS dresse un autre portrait de la jeunesse française. En effet, les franges 18-24 et 25-34 ans se sont massivement mobilisées, avec une préférence pour le Nouveau Front Populaire plutôt que pour le RN et ses alliés.


Une image vaut mille mots

Alors quand les mots eux-mêmes sont déjà forts, la place des images est énorme. Hier soir, on découvrait un Jordan Bardella seul, face à un parterre de journalistes, nationaux et internationaux, scrutant ses moindres faits et gestes. Adoptant, comme à son habitude, un costume bleu marine, une posture très verticale, un ton solennel, calme, il s’accroche à son pupitre, sur lequel il était écrit “L'alternance commence”. Il prépare l’après, et se place, déjà, dans cette position d’homme providentiel que le peuple attend, comme la seule solution possible face à une macronie à l’agonie. “Vive la France, et Vive la République” termine t-il, pour rappeler l’ordre de ses priorités. Marine Le Pen, à Hénin Beaumont, dans son fief, adopte une attitude différente, face à ses militants, en folie, qui brandissent des drapeaux français et qui laissent exprimer leur joie. Deux postures, mais un seul message : c’est eux ou c’est nous. 

A droite, Eric Ciotti, entouré de ses semblables, (premier degré, d’hommes qui lui ressemblaient physiquement) s’exprime, sur fond bleu, couleur de la droite, classique. Il est serein. Les Républicains, canal historique, étaient quant à eux sur tous les plateaux télé pour défendre leurs résultats et leur ligne pour le second tour, pas toujours évidente à comprendre. Enfin, Zemmour comme le Z de zéro virgule sept, a pris la parole devant quelques fidèles, avec un très bel écran et des spots aux couleurs de la France. Comme Marion Maréchal est partie avec les caisses, il n’y a plus de budget. 

Côté gouvernement, c’est seul que Gabriel Attal s’est exprimé, sur le perron de Matignon. Discours rédigé à la main, lustres allumés et drapeaux baissés, il avance, dans le silence et dans la nuit (toute référence à Elie Wiesel ne serait pas forcément fortuite). Ambiance. Pas un bruit, aucune autre personne que lui face aux journalistes. Le ton grave, il lit son discours face caméras, puis s’en va. 

A gauche, alors que tous ses nouveaux alliés lui conseillaient, voire le suppliaient, de ne pas trop se mettre en avant, c’est pourtant Jean-Luc Mélenchon qui s’est exprimé face aux militants, les couleurs du NFP derrière lui. A ses côtés, Manuel Bompard, à sa droite, et à sa gauche, Rima Hassan, qui porte un keffieh, ce qui lui sera reproché rapidement, y compris dans les rangs du NFP. Marine Tondelier prend la parole seule au siège des écologistes, en vert sur fond vert, présage d’une disparition imminente ? Raphaël Glucksmann s’exprime en direct à la télévision, François Hollande à Tulle. Tous portent un discours grave, de responsabilité, mais demandant à ce que chacune et chacun garde espoir, pour être à la hauteur de l’Histoire. 

Après la solitude et la gravité des discours, viennent la cohésion et le rassemblement. Des milliers de personnes se sont rendues place de la République, pour exprimer leur soutien au NFP et scander leur opposition à l’“Ère haine”. Face à la foule, les leaders du NFP se dressent, le point levé, et prennent la parole. Le coordinateur du PCF, Igor Zamichiei, la leader des verts, Marine Tondelier, le coordinateur national de la France insoumise, Manuel Bompard, et le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, s’expriment et motivent les foules. Faire front commun, debout, face au peuple, voilà l’image que l’on souhaite retenir de ce 30 juin au soir. 


Consignes à géométrie variable 

Les triangulaires n’ont plus rien à voir avec vos cauchemars de mathématiques. Nous vous parlons ici des triangulaires de votre cauchemar législatif, bien actuel. Là où nous nous attendions dimanche soir à une centaine de circonscriptions avec une configuration triptyque, voilà qu’il y en a 311. Première surprise. Et la manière dont elles vont être manœuvrées risque bien de sceller le sort de notre pays.

Voilà nos dirigeants politiques mis à nu pour faire un choix crucial : rester, créer de la confusion et offrir une chance de plus au Rassemblement National ? Se retirer pour faire bloc, en dépit des divergences ? Tous ne sont pas d’accord. Il y a les réactions claires. Celles qu’il faut saluer. Le Nouveau Front Populaire, par la voix de Jean-Luc Mélenchon, s’est engagé à céder systématiquement sa place aux candidats de la « majorité » présidentielle si ces derniers étaient en mesure de contrer le Rassemblement National, et ce "en toutes circonstances, où que ce soit et dans quelque cas que ce soit. ». Ce qui  est en jeu selon le chef de file des Insoumis ? Le cœur même des valeurs républicaines. Il n’est alors plus question d’accointances politiques ou de bonne entente : il s’agit là de sauver une démocratie du chaos. 

Et puis, de l’autre côté, le grand flou. La ligne du parti présidentiel est un brouillon. Deux heures après les premiers résultats,  Gabriel Attal, accroché à son pupitre devant Matignon comme une moule à son rocher, avance que « dans plusieurs centaines de circonscriptions, nos candidats Ensemble représenteront le meilleur choix pour battre le RN. Dans d’autres, nos candidats seront amenés à se désister. C’est le choix de l’honneur.» Nous soufflons un peu, en dépit du regret de devoir, encore une fois, lire entre les lignes. Le lendemain matin au saut du lit, Bruno Le Maire sur Inter, qui fait pourtant partie du même gouvernement, expliquait qu’aucune voix ne devait être adressée à LFI. C’est à n’y rien comprendre. Le jeu des triangulaires sera scellé demain soir, date limite à laquelle l’ensemble des candidats devront avoir déclaré leur retrait ou leur maintien dans la course à la députation. L’asymétrie d’engagement pour contrer le Rassemblement National met en lumière une chose : pour certains, les mésententes politiques sont inconditionnelles. Pour d’autres, les valeurs primeront toujours. Et même si l’on a le droit de ne pas être d’accord avec tout, l’expression « cas de force majeure » mérite peut-être d’être un peu plus employée par les temps qui courent. 


Et les (anciens) ministres dans tout ça ?

Nombreux sont les ministres et anciens ministres à avoir remis leur légitimité démocratique aux mains des électeurs hier. Avaient-ils raison ?

Commençons par le Premier Ministre, Gabriel Attal. Il arrive premier dans la 10e circonscription des Hauts-de-Seine. Une maigre consolation alors que ses chances d’être reconduit à Matignon le 7 juillet prochain sont quasi-nulles. Sont également arrivés premiers dans leurs circonscriptions : Gérald Darmanin, dans son fief de Tourcoing, Stéphane Séjourné et Prisca Thevenot dans les Hauts-de-Seine, Aurore Bergé, Aurélien Rousseau, Marie Lebec et Jean-Noël Barrot dans les Yvelines, Stanislas Guerini et Olivia Grégoire à Paris et enfin Olivier Véran dans la première circonscription de l’Isère.

Concernant les (anciens) Ministres arrivés deuxièmes, nous pouvons citer Frédéric Valletoux en Seine-et-Marne, Élisabeth Borne dans le Calvados, Sabrina Agresti-Roubache dans les Bouches-du-Rhône et Marc Fesneau dans le Loire-et-Cher. Seuls Clément Beaune et Damien Abad essuient l’échec d’une élimination directe, respectivement dans la 7e circonscription de Paris et dans la 5e circonscription de l’Ain.

Enfin mention spéciale aux “Présidents”, nous parlons bien sûr de notre ancien Président François Hollande, dont le come-back est salué par une première place dans la 1ère circonscription de Corrèze, et la Présidente actuelle de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet qui se place en tête des votes dans la 5e circonscription des Yvelines.

Malgré un certain nombre de premières places et un petit succès auprès des Ministres qui ne reflète pas le mauvais score de la coalition “Ensemble”, rien est joué pour ces derniers. Tout dépendra des étiquettes politiques de leurs adversaires et du nombre de triangulaires dans lesquels ils se trouvent. Affaire à suivre.

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