Olivier Maillard apporte son regard (sans concession) sur la manière de concevoir les stades en France
A l’occasion de la sortie du livre blanc "Stades et Arènes, un parc français en souffrance conceptuelle et économique", j’ai souhaité donner la parole à son auteur, Olivier Maillard. Ce dernier, qui baigne dans le Sport Business depuis 25 ans, est un vrai passionné de l’économie des stades et salles sportives. Très imprégné par la culture américaine (il nous explique pourquoi dans l’interview), il porte un regard sans concession, parfois brutal, sur la manière avec laquelle sont conçus les stades et salles en France. Il prend ici le temps de développer son argumentation avec détails et précision.
Je trouve son point de vue intéressant car je reste persuadé que plus la problématique de la fan expérience est anticipée (avant la construction de l’équipement), meilleure elle sera, et plus le client (grand public ou VIP) prendra plaisir à venir, revenir et consommer. De plus, même si elles sont conçues par les collectivités, ces enceintes doivent permettre au club, qui sera résident, de se développer et donc de faire rayonner la collectivité.
Ça ne vaut pas dire qu’il ne faut pas travailler l’expérience client si votre salle est « un peu vieillotte » ou pas forcément adapté aux standards de l’Entertainment moderne, mais lorsqu’une salle est construite, il faut avoir en tête que, derrière, le club va devoir séduire des « clients » pour la remplir (et se développer et faire rayonner la collectivité, je le répète). Autant donc lui faciliter la tache d’autant que ses concurrents de l’économie des loisirs se développent à vitesse « grand V ». Pensons aux parcs de loisirs, aux complexes cinématographiques, aux lieux touristiques, aux restaurants, aux plateformes de diffusion comme Netflix, MyCanal …
Bonjour Olivier, merci d’apporter ton expertise à celles et ceux qui liront cette newsletter. À qui s’adresse, tout d’abord, ton livre Blanc "Stades et Arènes, un parc français en souffrance conceptuelle et économique" ?
Bonjour Jean-François. Ce livre blanc s’adresse à tout le monde mais, évidemment, aux premiers concernés par les projets puis par leur exploitation : les élus et les collectivités, leurs services, leurs directions, les architectes, les programmistes, les exploitants, les dirigeants de clubs et de ligues professionnels. L’idée est de les prévenir et les conseiller plutôt que de « laisser » reproduire sans cesse les mêmes erreurs lourdes et coûteuses qui devront être portées sur 20 ou 30 ans.
Le constat est en effet particulièrement violent et inquiétant en France : la majeure partie de ces acteurs ne savent pas, au fond, ce qu’est et ce que doit être un stade, les fonctionnalités nécessaires, les enjeux majeurs ou encore quelle sont les réalités et les potentiels des marchés du sport professionnel - en faillite permanente - et du spectacle.
Pire, personne n’explore les bons modèles et les bonnes pratiques pragmatiques, notamment en menant quelques voyages d’étude. Et puis, ce n’est absolument pas le métier et l’expertise d’une collectivité de faire construire un stade. Or, quasiment seule elle le peut pour des raisons systémiques, institutionnelles, légales, politiques et économiques.
De façon plus globale, ce livre blanc, qui est une vulgarisation et non pas une enquête ou une étude statistique, intéressera également tous les utilisateurs des structures.
Ces usagers sont des contribuables finançant dans un contexte de dérive totale des finances publiques et de niveau de fiscalité hallucinant des outils mal conçus et ne générant aucune rentabilité dans la majeure partie des cas.
La dépense publique se fait à nouveau ici à (lourde) perte et elle ne saurait être expliquée par des hypothétiques retombées touristiques ou commerciales locales. En local, les études sérieuses et fiables sur ce sujet sont rares. On est souvent à ce niveau sur de la doxa, du dogme et de la communication institutionnelle, comme sur l’impact supposé - et très relatif - des grands événements. Soyons sérieux et honnêtes à ce niveau quelques minutes !
Bien entendu, l’ensemble des étudiants en management du sport, leurs professeurs mais également les organisateurs d’événements trouveront leur compte dans ce livre, tout comme les collaborateurs des clubs professionnels. Eux-mêmes ne savent souvent pas dans quel environnement et avec quel outil ils opèrent. On le voit quand ils évoquent par exemple des prestations VIP ou une expérience dite exceptionnelle mais absolument banale dans leurs posts LinkedIn !
Le souci est qu’une conception détermine une exploitation et donc un développement et une croissance obligatoires, qu’on le veuille ou non, dans une économie mondiale. Que fait-on si l’outil est mal conçu ? On pagaie ou même on « galère » à périmètre constant en exploitation et on ne grandit pas, ce qui est le but des organisations et des entreprises, avec notamment les emplois et l’économie vitale qui en découlent.
Ailleurs, aux États-Unis ou dans des pays dits « émergents » qui le sont de moins en moins, les trains du sport professionnel et des infrastructures avancent à très grande vitesse. Cela va être le cas à très court terme pour le football aux USA (MLS) et pour la NBA en Europe.
Comment as-tu structuré ce livre Blanc ?
Il y a un terme que j’affectionne particulièrement : « holistique ». C’est-à-dire de prendre les choses dans leur globalité. Un récent rapport sénatorial pointait par exemple les difficultés et les défaillances potentielles de management de la Ligue de football professionnel français, notamment par rapport au fonds d’investissement CVC Capital Partners ou aux droits télévisés. Soit… Mais ce rapport élude totalement et de façon surprenante l’ensemble du contexte global.
Pire, il conclut à une nécessité de davantage de contrôle des pouvoirs publics, ce qui est ubuesque, inadapté et hors-sol puisque l’enjeu est comme pour beaucoup de domaines en France et face au mur financier, social, politique qui se dresse devant nous, de libérer les énergies, d’être moins « étatique » mais bien plus « business » et créateur de valeur. Ce qui nous fait dramatiquement défaut dans le sport professionnel… qui ne l’est pas, au final !
Le management est dans le cas du football (et du sport) français la conséquence d’un système totalement inadapté à l’air du temps, au marché, aux enjeux : des ligues dépendant de fédérations amateures, une organisation et une gouvernance du sport ultra-politique et liée aux pouvoirs publics, un système pyramidal (pas de ligues fermées) au haut niveau générant instabilité et fuite en avant (tous les revenus dépensés dans les joueurs et pas dans le développement), le tout dans un marché ouvert où nous sommes les champions de la fiscalité sur les salaires et donc de la mise en place de handicaps nationaux dégradant lourdement notre compétitivité. Bref, au lieu de pointer du doigt des conséquences, il aurait été plus utile, réaliste et efficace pour les auteurs de l’enquête et du rapport de souligner les pistes de changement total de paradigme et non pas pas préconiser un énième renforcement du contrôle et de la vision politique et idéologique. Le pire étant de dire qu’il y a trop d’argent ou de financiarisation dans le football alors que le football - et le sport - français meurent de ne pas être assez « business » et générateurs de valeur économique. Pendant ce temps, on le répète, de nombreux marchés, pays et ligues avancent vite, très vite, et ne nous attendent pas.
Eh ! bien, la démarche pour le livre blanc est la même. Elle est holistique : on repart à la source initiale des problèmes pour dérouler le process de construction et aboutir aux constats, les expliquer et donner des pistes de solutions.
Le premier constat ou point étant de rappeler ce qu’est un stade et ce à quoi il doit - ou plutôt devrait - servir. Force est de constater que le « dérapage » est immédiat puisque les constructions ne sont pas raccord avec l’utilité et les enjeux vitaux.
On explique par ailleurs pourquoi les collectivités ont le quasi-monopole sur la construction, quelle est leur vision, quelles sont leurs contraintes, leur mode de fonctionnement et quels sont les enjeux. On poursuit sur les problématiques fortes des clubs résidents, qui sont au final des utilisateurs très précaires.
On procède ensuite à des constats sans concession sur ce que sont les stades (et les arènes) en France. En somme, de grands blocs de béton coûteux sans âme, avec des sièges en plastique, à l’expérience totale limitée et médiocre, ne dégageant pour personne des revenus vitaux voire nécessitant du refinancement ou de la subvention complémentaire… pour faire venir des événements !
Mais comme personne ne voyage ou ne sait ce qui peut être fait ou se fait ailleurs, on ne sait pas que c’est déceptif, limitant et inadapté à cet environnement. Et dire qu’on continue de se gargariser d’un nombre de spectateurs, de places ou d’une affluence !
La suite du livre blanc consiste à détailler ce que devraient être nos stades, leurs - vraies - fonctions, les objectifs, tout en mettant en avant quelques chiffres clefs révélateurs. En prenant au hasard les comptes d’exploitants d’infrastructures et le coût des constructions, on aboutit à des conclusions dramatiques : un coût (public) de construction extrêmement lourd en comparaison de la rentabilité nulle voire négative, et de la qualité et de l’expérience dégagées par l’outil. En 2025, la notion de service public, hyper prégnante au sein des collectivités, et ce qu’elle induit, notamment le culte de la dépense de crédits ou de la subvention, le refus du « business » et de la rentabilité, le manque de culture et de réflexe de génération de revenus, le goût du geste politique ou de mandat, ne peuvent et ne doivent absolument plus justifier de telles actions ou des positionnements contestables. Nous ne pouvons plus nous le permettre. Enfin, on termine en mettant en exergue en photo les bonnes et les mauvaises pratiques pour les stades, tout en écoutant d’autres experts, à l’avis unanime : notre parc n’est pas adapté aux enjeux, à l’économie et à l’univers du sport et de l’Entertainment.
Le sous-titre de ton livre est le suivant : un parc français en souffrance conceptuel et économique. Peux-tu développer ce concept ?
C’est simple, clair et précis : on construit très cher sur les deniers publics des outils totalement inadaptés ou dépassés qui ne rapportent rien aux exploitants et ne permettent pas aux clubs de se développer. On reste intellectuellement bloqué sur un dogme global porté non seulement par les élus, les collectivités, leurs services, les architectes mais aussi par les médias, les supporters ou - plus inquiétant - par des dirigeants de clubs qui est ultra-limitant dans la vision des stades et dans leur efficacité : venir voir un match ou assister à un spectacle. Et si possible pour un maximum de monde, donc avec une capacité parfois délirante par rapport à l’agglomération ou au marché.
Or, c’est tout l’inverse qu’il faut faire. Il faut penser expérience d’ensemble et surtout décorréler au maximum les raisons de venue au stade (ou à l’arène) du niveau, de l’enjeu ou du résultat sportifs. Cette façon « préhistorique » de voir ou de penser les choses ne marche ni de façon populaire ni de façon économique, encore une fois dans un contexte financier extrêmement inquiétant pour l’ensemble des acteurs (collectivités, exploitants, clubs). Notre sport professionnel est en faillite permanente là où les autres ligues se développent à grande vitesse !
Les clubs de Ligue 1 perdent ainsi chaque saison plus de 1 Md € avant transferts. Cette perte pourrait être réduite avec des stades plus efficaces. De la même façon, des arènes mieux construites permettraient aux clubs de basketball de moins s’appuyer sur les subventions, qui représentent souvent 50% de leurs revenus ! Transferts… subventions… Tout cela est totalement artificiel au final.
En faisant le parallèle avec le cinéma, je dirais que nous continuons en 2025 et à l’heure des grands complexes modernes de construire des salles pour films muets en noir et blanc des années 1920-1930, où on s’assiérait sur des strapontins en bois et où le film serait interrompu trois fois pour des changements de bobines ou la vente de bonbons.
Malheureusement, nous dupliquons aussi sur les dernières livraisons d’arènes des erreurs majeures. Ces erreurs sont connues pour le parc français : l'isolement dans une agglomération et la création de non-lieux, des stades impersonnels, sans âme et des choix architecturaux douteux et coûteux, une pseudo-modularité limitée, l'absence de digital et de connectivité, des coursives sans âme ni confort client, ni exploitation de leur potentiel économique, des stades trop grands et non adaptés à leurs marchés, des salons et espaces premium / VIP sans relief, une qualité d'assise discutable ou encore une "expérience" food and beverage d'un autre temps. En résumé, il ne s’agit pas de construire mieux pour plus cher et avec les mêmes budgets qu’aux États-Unis mais de mieux construire à périmètre d’investissement égal, ce qui est absolument possible. Mieux vaut un cube plus petit et mieux conçu qu’un grand projet pseudo-architectural et pseudo-beau synonyme de désastre économique. Et un effet de levier nettement supérieur.
Tu es un expert du sport business qui prend régulièrement la parole sur LinkedIn. Peux-tu brièvement présenter ton parcours ? Quelle est ta mission au sein du SPQR ?
Avec plaisir. À l’issue de mon diplôme en école de gestion et de commerce en 1998 et de ma participation à l’organisation de la Coupe du monde de football à Lens, j’ai intégré l’ES Wasquehal (Ligue 2 de football) en 1999 au niveau administratif et financier avec un gros travail de régulation des comptes sous l’égide de Bernard Docquiert, le manager général. Des missions d’organisation de matches, structurelles (projet et réalisation de siège social du club) et de communication se sont ajoutées au fil du temps.
Le fait de de travailler au développement des outils de communication du club m’a ensuite permis de rejoindre le Racing Club de Lens dans des missions liées aux médias du club, au marketing digital ou aux relations presse, toujours en étant en permanence en accompagnement du groupe professionnel, sur tous les matches ou stages. J’ai ainsi pu découvrir tous les stades français et de nombreux stades européens. Une expérience magnifique dans un club merveilleux et en côtoyant un président exceptionnel, Gervais Martel, ainsi que des cadres et dirigeants qui m’ont beaucoup apporté professionnellement et humainement.
Après un passage dans des fonctions sensiblement identiques au Paris Saint-Germain et un retour auprès du Racing, j’ai ensuite oeuvré pendant plus de dix ans en presse sportive nationale, toujours sur le Nord-Pas-de-Calais : L’Equipe.fr, France Football, Radio France, Aujourd’hui en France, Orange Sport TV…
Il y a dix ans, j’ai décidé de revenir à mes premières amours liés à la gestion d’entreprise sportive et de structures. Après un master en management du sport dans un établissement où j’enseigne désormais le business du sport avec un grand volet financier et structurel, j’ai eu le plaisir de piloter ou de financer et de créer des clubs ou des grands complexes sportifs publiques ou privés : aquatique et spa, de basketball, de rugby ou d’escalade.
J’ai également participé à l’organisation de coupes du monde et Euro de rugby et de football, toujours en France. Bref, 25 ans dans le sport professionnel français et ses structures, de sport spectacle ou de pratique.
Ma mission au sein de SPQR est aujourd’hui d’accompagner les collectivités mais aussi les privés sur l’ensemble du volet sport : projets et exploitation d’infrastructures, construction, politiques sportives, audit d’entreprises dites « sportives ».
Tu réalises régulièrement des voyages aux États-Unis pour nourrir ton expertise. Quels sont les principaux enseignements que tu en retires ?
Plus je me rends aux États-Unis - c’était la douzième fois en décembre dernier - et plus je me dis que tout est simple, clair et qu’il n’y a décidément rien de compliqué. C’est ce qui est dramatique quand je vois nos stades ou les réflexions aboutissant à leur création.
En matière d’infrastructures et de stades, y compris universitaires ou de « collèges », les Américains sont en 2025 là où nous sommes en 1980, y compris sur nos dernières livraisons ! Ils ne sont absolument pas dans le futur mais dans le présent. De notre côté, nous sommes dans le passé…
Les principaux enseignements des voyages résident dans le fait qu’il n’y a absolument rien de culturel à bien faire et qu’il faut impérativement arrêter d’évoquer des pseudos différences culturelles - avec l’un des peuples dont nous sommes le plus proche - pour justifier notre absence de compétence, la répétition des constructions inopérantes ou mettre son énergie à ne pas faire ou à ne pas changer, ce qui est très français.
La façon de concevoir et d’exploiter des stades aux États-Unis est à mes yeux ultra-pragmatique efficace. Mais on assume pleinement là-bas le fait de se trouver dans un environnement du sport et du spectacle professionnels avec des enjeux d’entertainement et de revenus, tout en ayant - à l’inverse de nous - construit et sécurisé ce marché. Le « job » est donc d’exploiter positivement et de développer et pas de boucher les trous (financiers) pour ne pas mourir, comme chez nous.
La construction des stades et arènes s’appuie ainsi sur des fondamentaux simples et des « fonctions » humaines de base : évoluer dans un cadre agréable, un univers personnalisé global, vivre une « vraie » expérience (digitale, d’amusement, de famille) en dehors d’un simple match, de bien manger et bien boire (choix, qualité, confort des lieux, délivrance des produits), de payer rapidement et facilement, d’être bien accueilli ou d’être bien assis, dans un lieu qui vivra toute la semaine ou sera intégré et intégrant avec d’autres lieux et fonctions (habitat, bureaux, commerces, food court, supermarché, gares, hôtel, loisirs, fitness…).
Est-ce que tout cela est culturel ? Non. Est-ce que tout cela est compliqué ? Non plus. Est-ce que tout cela est inatteignable pour nous ? Encore moins. Et peut-on le faire comme on le fait dans nos grands centres commerciaux ou complexes cinématographiques ou de loisirs ? Absolument !
En quelques lignes, peux-tu présenter ta vision de la construction des stades ou salles en France actuellement ? Qu'est ce qui fonctionne bien et qu'est ce qui doit-être amélioré ?
Je vais schématiser et surtout insister sur le fait que ce n’est pas une vision mais un constat d’usage, d’expérience et financier pour toutes les parties (collectivité, exploitant, club) partagé par de multiples experts, dont tu fais partie.
Nos stades et nos salles sont à 95 % des blocs de béton froid, sans âme, ne délivrant absolument aucune expérience et attractivité ou facteurs de rétention en dehors du match ou du spectacle, et limitant dans leur rentabilité cruciale. C’est encore le cas sur les toutes dernières livraisons de salles, très déceptives. Et non, l’ambiance ou le nombre de spectateurs (au panier moyen réduit) ne font pas tout ! On est encore ici dans la doxa, le dogme. Dans de la mythologie populaire voire populiste. Mais comme il s’agit de sport, tout le monde s’en saisit, en s’auto-proclamant expert… en se basant sur des clichés. Or, c’est une vraie industrie demandant de l’expertise, de l’expérience, de la formation et de l’exploration. Comme tout domaine : la médecine, l’agriculture, la science…
Avec un peu d’humour, je dirais que ce qui fonctionne bien en France est le fait d’inciter les spectateurs à venir au tout dernier moment, à ne pas avoir de raison de dépenser un peu plus d’argent et surtout à repartir vite voire avant même la fin du match ou du spectacle, si possible dans le basketball, le handball ou le rugby avec le mal de crâne induit par des 2 heures de tambours, de trompettes et de speaker hurlant sans cesse !
En somme, et comme pour nos structures de pratique sportive (gymnases, piscines, complexes sportifs), on ne crée aucune valeur ajoutée sociale, d’expérience ou financière liée à la structure. Ajoutons à cela des contraintes et des ambiances sécuritaires lourdes, des carences fortes en animation et programmation / entertainement ou un sens limité de la qualité de l’accueil du client qui vient au stade, et tout est fait pour - en dehors des passionnés qui viendront tout le temps et qui ne suffisent absolument pas à l’économie des lieux et des clubs - pour nous donner envie de rester dans notre canapé ou aller au cinéma, au restaurant…
Et ce qui fonctionne encore mieux est le fait de ne donner absolument aucune raison de venir au stade ou à la salle en dehors des événements : ce sont des blocs mono-fonction et non intégrants, souvent situés dans des périphéries sans âme, mais aussi parfois en (quasi) centre-ville comme à Chartres ou Reims. On se retrouve avec des non-lieux ou des quasi-éléphants blancs, comme à Bordeaux, Nice ou Lille, dans le cadre dépassé des PPP (partenariats publics-privés).
À nouveau, les solutions sont simples et éprouvées, comme pour tout commerce au final. Tout d’abord des lieux intégrés et intégrants, pensés pour une activité toute la semaine, qui plus est dans un marché des matches et des spectacles très limité en France, avec peu de dates. Ensuite une âme dans l’architecture ou la décoration, pour engager vraiment les visiteurs. Puis des fondamentaux clairs : une vraie modularité, de la technologie, du digital, de l’expérience, des coursives agréables, un dimensionnement (en places) mesuré et réaliste, des espaces VIP / premium vraiment premium ou encore une expérience de restauration complète.
Que conseilles-tu à un club dont la collectivité va construire une salle qu'il occupera en tant que club résident ?
La position des clubs est très compliquée par manque de poids légal, administratif, juridique et financier, puisque tous leurs revenus ou presque sont dépensés dans les joueurs dans un marché du sport professionnel français totalement inadapté aux enjeux et absolument pas construit dans le sens de la création de valeur, de la sécurisation et du développement.
De façon claire, le club se retrouvera exclu des discussions et des réflexions préalables au projet. Ces discussions seront réalisées entre élus, directions et services, avec l’appui des (pré) programmistes et architectes dont les visions… purement et dangereusement architecturales et conceptuelles viendront régulièrement dégrader d’emblée la fonctionnalité et la rentabilité des lieux. Quant à de nombreux cabinets externes de consulting qui peuvent aider la collectivité, ils « valident » et « poussent » par facilité et manque de vision globale une duplication des réalisations et des (non) concepts existants.
On saupoudre de temps en temps de l’acceptation d’une petite demande ou d’une exigence du club. Parfois, un bon dialogue et une bonne entente entre le président du club et l’élu peuvent faire avancer quelques sujets. Mais sans plus, puisque les enjeux, les logiciels intellectuels ou politiques et les objectifs pour chaque partie sont très différents. Alors que l’intérêt majeur de la collectivité réside dans le succès et le développement du club résident, qui représente le mieux et le plus son territoire. Bref, nous sommes encore dans un système pernicieux où, déjà dépendant de subventions d’exploitation, d’affectation de personnels publics à des structures sportives (d’entraînement, par exemple), ou de prêts ou d’attribution à loyers faibles de structures, les clubs s’entendent régulièrement dire : « Soyez contents de ce que nous vous construisons », « Soyez déjà contents de ce que nous mettons en place pour vous » ou encore « Vous vous débrouillerez comme cela, avec vos bénévoles ».
Hyper-limité par la convention d’occupation des lieux, le club de basketball, de handball ou de volleyball venant de tellement loin niveau infrastructure finira par dire que la salle est moderne et superbe, ce qui n’est en fait pas le cas ! Et la structure, comme pour Lille au stade Pierre Mauroy par exemple, ne permettra au final en aucun cas au club de passer un cap majeur dans son économie et dans son développement.
Ainsi, la collectivité met souvent en oeuvre - involontairement - un objet qui va considérablement handicaper le club dans l’exploitation soir de match et dans son développement. Pourquoi ? Parce ce que le club est un occupant précaire qui, en plus, va « ennuyer » et « embêter » l’exploitant en DSP ou les services (en régie, parfois) de la collectivité dans leur quotidien, parfois avec des enjeux et objectifs totalement divergents. Bref, on entretient le non-développement et les soucis !
C’est d’ailleurs pour cela que j’adore certains modèles américains, permis par le paradigme économique et social du pays : la société qui détient le club de basket (NBA) détient aussi le club de hockey sur glace (NHL) et les fait joueur (minimum 82 matches par an !) dans sa salle, comme pour le « combo » Knicks-Rangers-Madison Square Garden de New York ou bien Celtics-Bruins-TD Garden de Boston.
Le conseil aux clubs est donc de dialoguer un maximum avec les élus, d’exposer toutes leurs problématiques financières et opérationnelles lourdes et - surtout - de répéter que ce qui fera le plus rayonner l’équipement et le territoire sera le club, ses résultats et son développement économique… permis par une bonne conception et la libération des énergies. Qu’on se rassure : même quand on parvient à financer son stade, comme Jean-Michel Aulas et l’Olympique Lyonnais, les obstacles administratifs, juridiques et politiques pour aboutir à la construction comme on le souhaite sont d’une lourdeur affolante voire décourageante.
Merci Olivier pour cette longue interview qui peut surprendre car elle va à contre-courant des discours habituels mais dont on comprend qu'elle est nourrie par de fortes conviction chez toi.
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🏢 Directeur de site | Université de Lille 🎓 Membre du CA de la Société Régionale des Ingénieurs Professionnels de France (SRIPF02)
6 j.Pressé de lire ce livre.
Ambianceur - Speaker - Maître de Cérémonie - DJ
1 sem.Le livre est à lire, vraiment !
Expert Sport Business & Impact • Purpose Driven Entrepreneur • Strategic Advisor • Keynote Speaker
1 sem.Anselme Coulomb