« One health » ? Une dynamique ? Non, hélas, un simple concept !

« One health » ? Une dynamique ? Non, hélas, un simple concept !

Quelle est belle cette promesse de pouvoir aborder conjointement la santé humaine, la santé animale et l’environnement !! Comment ne pas imaginer les médecins et les vétérinaires engagés côte à côte quand 75 % des maladies infectieuses de ces 10 dernières années sont des zoonoses ? La pandémie de coronavirus à Sars Cov 2 aurait pu être un véritable catalyseur, une rampe de lancement concrète de cette évidence, les vétérinaires combattant les coronaviroses depuis plusieurs années dans différentes espèces. Hélas, alors que la marée est désormais descendante, il est navrant de constater que les médecins et les responsables de la santé humaine ont globalement souhaité faire cavalier seul ! Prédomine le sentiment d’un énorme gâchis qui serait presque risible si les conséquences n’étaient pas si dramatiques en nombre de vies humaines.

Pourtant dès les premières heures, les vétérinaires se sont engagés pour prêter main forte aux soignants. En quelques jours plus de 5 000 vétérinaires se sont inscrits pour rejoindre la réserve sanitaire. Bilan pour la très grande majorité d’entre eux : RIEN ! Même pas un contact, un mail, une information. Nenni, comme un caillou lancé au fond d’un puits : Plouf ! Alors les praticiens se sont mobilisés pour offrir des masques, des blouses, du matériel à usage unique. Ils ont mis à disposition des hôpitaux et des EHPAD, leurs respirateurs, du matériel lourd d’oxygénothérapie, en tout point comparable à celui utilisé en médecine humaine à un moment où les services de réanimation suffoquaient. Finalement très peu d’utilisation, et combien de cliniques qui attendent toujours que les hôpitaux leur fassent signe ? Circulez, finalement là encore il n’y a rien à voir !

Puis vinrent les tests. L’industrie vétérinaire privée a l’habitude, l’expertise et les moyens techniques pour développer et fournir des quantités importantes de tests PCR afin de gérer des épidémies à grande échelle. Résultat ? Un parcours du combattant pour faire admettre les qualités de ces tests, remplir des dossiers chronophages, et casser enfin quelques barrières administratives aussi ridicules que robustes !

Et après des semaines d’attente, les laboratoires vétérinaires ont obtenu aux forceps l’autorisation de réaliser ces tests virologiques. Alors que chacun a les compétences et l’expérience pour gérer des centaines de prélèvements par jour dans le respect total des normes qualité. Et au final, aujourd’hui, quelques centaines de tests seulement sous traités par les hôpitaux dans les laboratoires vétérinaires de proximité. Des semaines absolument dramatiques et inadmissibles de tergiversation, de suspicion de non-qualité, de défiance de la santé humaine vis-à-vis de la santé vétérinaire !

Mais enfin, comment ne pas s’appuyer sur l’expertise vétérinaire dans la gestion des épidémies à grande échelle ? Car autant le médecin soigne des individus, autant le vétérinaire soigne aussi bien des individus que des populations entières. Et en toute humilité, ces dernières années en France, la profession vétérinaire a su gérer et bien souvent éradiquer de très nombreuses maladies contagieuses. Certaines transmissibles à l’homme (Brucellose, Rage, …), d’autres non ( Leucose, Grippe aviaire, ESB, Fièvre Aphteuse…). Certaines avec, comme pour la Covid 19, l’émergence brutale de virus totalement inconnus jusque-là (FCO, Schmallenberg, …). Pour cela ils ont su développer de véritables réseaux d’épidémiosurveillance terrain très fonctionnels (Plateforme ESA, RESPE, …) pour détecter précocement les émergences. Ils travaillent en partenariat avec les entreprises privées, l’état, les représentants des éleveurs, les filières d’élevage. Car l’individualisme, la protection de son pré carré, les guerres de chapelles, les combats d’ego comme nous l’avons trop vu depuis des mois dans les médias n’ont jamais permis d’attaquer de front une contamination au sein d’une population. Les vétérinaires sont aguerris à la méthodologie de base pour combattre les épizooties : stopper immédiatement les mouvements d’animaux (fermeture des frontières, interdictions de déplacements) , dépistage précoce dans et autour des foyers, mise en quarantaine stricte. La rapidité des décisions et la clarté de la stratégie collective sont les deux mamelles de la réussite.

Alors Messieurs les garants de la santé humaine, apprenons vraiment à travailler ensemble en toute transparence et en toute modestie. Le partage d’expériences est le meilleur des apprentissages. Les vétérinaires ne se permettent surtout pas d’être des donneurs de leçons, reconnaissant avec humilité les difficultés qu’ils ont pu rencontrer dans certaines situations (vaccination orale contre la rage vulpine dans les années 90, vaccination d’urgence contre la FCO 8 en 2008). Car avec l’arrivée probable d’un vaccin dans les 2 prochaines années, se poseront alors des questions essentielles, bien connues : Par quelle zone géographique faut-il commencer à vacciner ? Quelle partie de la population doit être vaccinée en premier (enfants, adolescents, vieillards, EHPAD, …) ? Etant entendu qu’il faudra plusieurs mois pour avoir un nombre de doses suffisant pour vacciner 60 à 80 % de la population.

Les défis à relever sont encore nombreux et à très fort enjeu (lutte contre l’antibiorésistance, qualité sanitaire des aliments, zoonoses). Ils demandent d’unir les compétences, les outils, les expériences en totale confiance mutuelle entre les deux santés. Cette pandémie humaine à point de départ probablement animal (chauve-souris), avec des contaminations et atteintes secondaires également animales (chat, vision, tigre, …) illustre combien il est urgent de transformer le concept d’« une seule santé » en une véritable réalité, bénéfique pour l’homme, les animaux, la biodiversité et la planète.

 Hélas, aujourd’hui, les barrières d’espèces sont visiblement beaucoup moins hermétiques que les barrières administratives ou corporatistes !

Véronique LUDDENI

Docteur vétérinaire . Vice-présidente du SNVEL . Pôle biodiversité. CEO à clinique vétérinaire Mercantour. Membre expert du CNPN au MTES. Chevalier de la légion d honneur ( promotion juillet 2024)

4 ans

Merci d en parler. Sans chaires partagées ( médecine humaine et vétérinaire) sans parcours croisés, sans thématiques concrètes et suivi ce beau concept est à ce jour vide de Vie ... Et c est bien dommage... Nous aurions une meilleure santé et une meilleure prévention... ON FAIT QUOI POUR METTRE EN LIEN LES 3 SANTÉS ?

Sebastien Marty

Director - Centravet Lapalisse

4 ans

Outre le fond pour lequel je suis bien d'accord avec toi… tu as gardé ton style ! Merci

Nathalie Violy

ID'aktrice et Entrepreneuse heureuse

4 ans

Pierre, tu sais que je ne suis véto... mais quelques années à tes côtés et celles d'autres vétos, m'ont appris que lorsque l'on n'a pas les connaissances techniques, le bon sens est souvent un bon allié. La santé humaine comme notre administration, à défaut peut être de connaissances, ont du perdre le bon sens et la raison... mais pas leur égo! C'est bien dommage... l'inverse aurait permis d'épargner plus de vie, d'éviter de bloquer ce pays et de stopper cette cochonnerie!

Merci Pierre pour cette analyse tellement juste et tellement choquante.... Pasteur, Calmette, Yersin et les autres pasteuriens travaillaient eux avec les vétérinaires.... mais Pasteur n’était pas médecin : c’est peut-être là toute la différence !

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