Only For Your Eyes. Propos sur les Jouets.

Only For Your Eyes. Propos sur les Jouets.

Depuis l’aube, d’abord, et le lever rose-orangé du soleil, et mes remerciements garantis, j’écoutais assez tranquillement les quelques vingt-cinq génériques officiels de la série James Bond (1962-2021), quand, soudain, j’entendis quelques petits bruits électrotechniques attrayants dans la rue. Près d’où je crèche actuellement, deux frérots et bambins russes s’étaient fait offrir de jolies petites mitraillettes ; alors ça jouait au tacatacatac ! Les BO des successifs JB se succédaient *.

Les fêtes de Noël sont évidemment luthériennes !, me dis-je vivement. — Pourquoi ?

Parce qu’après les animismes lointains, et avant même la victoire de tous les capitalismes sur Terre, les jouets sont la métaphore luthérienne ou les représentants parfaits du Jeu de Domination qu’est la vie sociale. Et pourquoi encore ? Parce que les jouets sont le « modèle réduit » ou la métonymie du marché des jouets adultes à se procurer plus ou moins légalement, virilement, rapidement pour son lifestyle. Plumes et chants d’oiseau ou spectacle socio-symbolique de soi. (Si on a des doutes quant au « Jeu de Domination », on relira Propos de table de Luther et de ses étudiants concernant le fait que, bien avant Descartes, la Création est offerte aux seules mains des Hommes. (On y papote même de Mélanchton.).)

Il y a quinze ans, mes premières réflexions sur l’architecture et le design procédaient de ma lecture de Totalité et infini d’Emmanuel Levinas. Le philosophe consacre en effet quelques pages aux « beaux briquets » et aux « belles voitures ». (Il parle également des « belles filles », mais dans une langue codée à tel point qu’on ne reconnaît pas Georges Bataille qui, pourtant, sommeille-là en Levinas.)

Les fêtes de Noël sont évidemment luthériennes, parce que les moindres jouets permettent aux enfants de se préparer à adopter le « mode adulte » de la vie sociale : c’est-à-dire à jouer (pseudo) sérieusement comme les adultes et à lutter quotidiennement contre l’absurdité de la vie sociale qu’on leur donne à rejouer encore. Le grognement mécanique et les feulements des belles voitures de sport que j’entends ici, dans le Sud-Est, et leur monstrueux marché mondial — actuellement autour de 530 milliards de dollars et presque le double pour 2036 — est la preuve par neuf de cette « affaire Noël », à la fois animalesque et anglo-protestante, pleine de coke, de rouge et de limonade sombre...


* Mes « thèmes » préférés sont un « fait social ». Il y a plutôt les trois chansons pop-opératiques de Shirley Bassey (1964, 1971, 1979) et celles de Tom Jones (1965), pour les paroles merveilleusement hasbeen, et de Sheena Easton (1981). Et puis, en un second temps, il y a les chansons façon Tomorrow Never Dies, susurrement initié par Sheryl Crow (1997), adorable voix boudeuse de strip-teaseuse rompue. (Petits plaisirs aussi avec le morceau électro de Madonna en 2002 et le kitsch du non-officiel Jamais Plus Jamais, Bond numéro 7 pour Sean Connery.) J’ajoute qu’un de ces séjours ici, il me faudra expliquer d’un point de vue post-situationniste (anti-spectacliste) pourquoi les 2 minutes 50 du générique de GOLDEN EYE (1995) est le plus important de tous les JB.


Bibliographie minimale :

Martin Luther, Propos de table, 1520.

René Descartes, Discours sur la méthode, 1637.

Georges Bataille, L’érotisme, 1957.

Emmanuel Levinas, Totalité et infini, 1961.

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