Open Innovation : la boîte à idées
Dans cette série, je vais tenter de vous intéresser à l’Open Innovation dans sa pratique, plus que dans ses définitions ou principes. L’audience que je cible est éduquée et pratique l’innovation et le R&D depuis longtemps. Manager l’innovation exige des outils adaptés mais la démocratisation des offres peut prêter à confusion. J’espère que cette série d’articles pourra vous servir de guide, voire de référence (en toute humilité, bien sûr !)
On pourrait méprendre l’innovation avec l’invention. Pour accommoder nos Business Models actuels, disons que l’innovation sert à faire ce que l’on n’a jamais fait avant. De ce point de vue, ce qui ressemble à une innovation pour les uns peut ne pas en être une pour d’autres. Peu importe ; tant que l’innovation elle-même est utile à ceux qui s’en servent.
C’est à ce niveau que l’Open Innovation devient intéressante. Lorsque l’on souhaite (ou doit) proposer de nouvelles façons de livrer un service ou un produit, c’est forcément en réponse à un besoin de ses utilisateurs finaux. Que ce besoin soit exprimé, constaté ou supposé est un autre problème en soi.
Si l’on doit répondre à un besoin, qui mieux que l’utilisateur final impliquer dans le processus ? Ou bien qui mieux que ceux qui livreront des éléments du service ou produit final pour participer à la réflexion ?
L’Open Innovation peut prendre différentes formes et impliquer différentes personnes à différents moments du processus. Par exemple, ceux qui amènent les idées ne sont pas forcément les mieux placés pour évaluer la pertinence de l’idée par rapport à des considérations d’alignement stratégiques. Ces dernières personnes ne sont également pas nécessairement qualifiées pour travailler sur des aspects techniques, marketing, juridiques, réglementaires, ou logistiques : chaque aspect requiert l’intervention d’experts dans différents domaines, à des moments précis du cycle de vie du processus d’innovation.
Tout ceci engendre de la complexité qui doit être managée efficacement; d’où l’intérêt de se munir d’un outil spécialisé.
Je ne suis pas tout à fait objectif : je représente Ideascale, l’un des leaders mondiaux des logiciels de gestion des idées et de l’innovation. J’ai donc tout intérêt à vous faire aimer leur logiciel ; mais j’ai également à cœur de vous faire découvrir le champ des possibilités qui s’offre à vous.
Quand on gère l’innovation dans son entreprise, et que l’on se tient informé des évolutions dans ce domaine, on n’est pas toujours suffisamment informés des outils eux-mêmes. D’autant plus que le logiciel en soi ne constitue pas l’ensemble de l’offre de service. Donc, l’idée de cette série est de mieux vous équiper pour faire vos choix d’outil.
La boîte à idée.
Le premier réflexe, quand on recherche un outil Open Innovation, est de trouver une boîte à idées parce que l’objectif principal est de recueillir des idées. Dans ce contexte, on peut faire appel au Crowdsourcing et encourager un large public à partager des idées sur un ou plusieurs thèmes précis.
Par exemple, les municipalités qui ont à cœur d’innover en matière de transport ou de régénération de quartiers peuvent faire appel à leurs administrés pour émettre des idées que les équipes municipales pourront par la suite explorer, voire exploiter. Dans un autre contexte, comme celui de faire des économies, ces municipalités feraient plutôt appel à leurs employés directement pour trouver des axes de travail.
Pour une entreprise, les publics sont divers et variés : employés, clients, fournisseurs, partenaires, étudiants, panels de consommateurs, fans de la marque, universités, experts, etc. Ouvrir ses portes à des personnes extérieures à l’entreprise pour recueillir des idées peut être séduisant ; mais c’est aussi dangereux. Toutes les entreprises ne sont pas prêtes à sauter le pas. Il y a des secrets que l’on préfère garder. Des craintes que l’on préfère cacher.
L’erreur, quand on fait de l’Open Innovation, est de tomber dans le piège du ‘Open’. L’idée de l’Open Innovation est de trouver des idées auprès de publics qui ne sont pas normalement associés aux choix de l’entreprise. Typiquement, un nombre limité de personnes est impliqué. Avec l’Open Innovation, on peut tout autant limiter ce ou ces publics, et les choisir.
Par exemple, une entreprise employant 50,000 personnes à travers le monde ne fait pas de l’Open Innovation en impliquant la totalité de ses employés. Elle peut tout autant faire de l’Open Innovation en faisant appel à un groupe choisi de 1,000 employés du fait de leurs fonctions dans l’entreprise. L’intérêt à ce niveau est de faire appel à des personnes qui ont des connaissances et compétences que l’on n’exploite pas forcément tout le temps.
La boîte à idées peut également être utilisée dans un tout autre but : au lieu de recueillir des idées, elle peut également servir à faire réfléchir un groupe de personnes sur une idée en particulier. Il n’est pas rare en entreprise que les problèmes ou opportunités soient déjà identifiés. C’est le résultat d’un travail entrepris par les services concernés. Par exemple, le service logistique peut avoir identifié un besoin d’améliorer les délais ou le processus de tracking. Impliquer un groupe de personnes choisies pour leur expertise dans ce domaine fait partie de ce travail de réflexion duquel émergera des idées.
Mais vous savez déjà tout ceci. Vous le faites déjà. Que doit vous apporter cette boîte à idées ?
Il est fréquent de constater que les décisions sont souvent unilatérales en entreprise. Quand on a un problème à régler (ex. recueillir des idées pour résoudre un problème), on a tendance à vouloir trouver une solution à ce problème. C’est une tendance qui limite souvent le champ d’action des équipes.
On évalue une situation passée et on veut en empêcher la récurrence aujourd’hui. Or, la boîte à idées doit pouvoir servir d’autres objectifs à plus long terme. Elle doit faire émerger des idées pour solutionner plusieurs problèmes à la fois et identifier la connexion qui existe entre ces différents problèmes. Du fait de leur statut et champ de responsabilités, les cadres ont tendance à annoncer des axes de travail ; ils font travailler leurs équipes sur un ou des problèmes qu’ils ont déjà identifiés. Or, l’intérêt de la boîte à idées est aussi de prendre le problème à l’envers, et de demander directement aux équipes de proposer des problèmes à résoudre.
Du fait de l’organisation traditionnelle des entreprises, il est aussi un fait que les démarches ont souvent une durée courte, voire très courte. Clairement, l’objectif est de recueillir des idées le plus rapidement possible pour commencer à travailler le plus tôt possible. Or, trouver une idée rapidement ne veut pas dire que l’idée soit pertinente. Et travailler vite sur une idée ne veut pas dire trouver la meilleure solution. Pourquoi ? Il est un fait que seulement un employé sur 10 sera impliqué dans le processus. Il est un fait que la vaste majorité des employés aura des doutes sur la démarche, des craintes pour exprimer sa pensée, des hésitations. Il n’est pas commun que l’on demande aux employés de s’exprimer de la sorte ; et si vous l'avez déjà fait, vous avez constaté les limites de la démarche. Les difficultés du quotidien sont là pour nous rappeler que l’entreprise est un ensemble de relations humaines complexe.
D’ailleurs, impliquer les employés dans le processus d’Open Innovation est sans doute le défi le plus important des équipes en charge du processus. C’est pour cette raison qu’il faut se donner le temps d’articuler proprement une vision et des objectifs, expliquer la démarche, proposer un outil de partage réellement ouvert, remercier les contributions, les partager avec les autres pour démontrer l’appréciation que l’on a de ces contributions, encourager plus de contributions de ce fait. Au fil du temps, mais rapidement, les employés constatent d’eux-mêmes l’honnêteté de la démarche et deviennent plus impliqués et créatifs dans leurs contributions.
Ceci me conduit à déclarer qu’une boîte à idées ne peut pas seulement être une campagne, ou un Challenge, de quelques semaines. Une durée limitée ne donne pas suffisamment de chance aux employés de donner leur confiance à la démarche.
Si l’innovation est excitante pour ceux qui y travaillent au quotidien, elle ne l’est pas pour tout le monde instantanément. Il n’est pas possible d’ignorer le mécontentement des employés (à tort ou à raison) ; celui qui conduit à l’absentéisme, aux arrêts maladies, aux retards, aux burn-outs, aux baisses de productivité, aux erreurs que l’on se passe, etc. A cause de toutes ces raisons, les employés méritent plus de temps pour vraiment accepter la démarche d’innovation, en comprendre les enjeux, se positionner, et finalement agir.
Si vous devez lancer votre boîte à idées, mon conseil est de la considérer pour le long-terme. Un Challenge occasionnel de quelques semaines ne vous donne pas suffisamment d’opportunités. Sur une plus longue période, elle vous donne la possibilité de développer une culture de l’innovation auprès de vos employés.
Les boîtes à idées ont souvent la forme d’un réseau social. Un employé peut émettre une idée et on encourage les autres employés à voter et commenter. Sur un réseau social, lorsque vous partagez une information, vous voyez apparaître des pouces levés et des petits messages sympas !
Votre boîte à idées ne doit pas devenir une boîte à vanités. Il ne s’agit pas d’un phénomène artificiel pour donner un effet « feel good ». Vos employés, qui ont naturellement à cœur de voir l’entreprise se développer et réussir (même si ça n’est pas toujours visible !), auront la volonté de voir leurs idées exploitées : susciter de l’échange, encourager des commentaires constructifs et des critiques, amener à des recherches, etc.
Ainsi, régulièrement, vous verrez apparaître des idées que vous voudrez explorer. Ces idées seront alimentées de plus d’idées encore et inspireront d’autres employés à participer davantage. Il faut garder à l’esprit que vos employés connaissent leur métier et les problèmes auxquels ils sont confrontés tous les jours. Leur frustration vient souvent de la récurrence de ces problèmes ; et ils blâment souvent les équipes dirigeantes pour le manque d’action. Vos employés pensent peut-être savoir comment résoudre les problèmes, mieux que leurs patrons. Qu’ils aient raison ou tort n’est pas important ; ce qui est important, c’est de leur donner les moyens de s’exprimer et de collaborer.
En mettant en place votre boîte à idées, pensez processus à long-terme. Définissez des règles et des objectifs de résultats. Ceux-ci permettront à vos employés de se positionner plus sérieusement. Si idée il y a, elle doit créer de réels axes de travail. Si contribution il y a, elle doit enrichir la réflexion dans le respect des objectifs fixés. Cette organisation autour de la boîte à idées donnera de meilleurs résultats pour la suite du processus d’innovation.
Vous avez un projet de lancement d’une boîte à idées ? J’espère que cet article sera utile à vos réflexions. Ne manquez pas le prochain article : « évaluer les idées prometteuses ».
Comme toujours, vos réactions sont importantes. Elles enrichissent les débats et je suis avide d’apprendre de vos propres expériences.