Ouvrons le débat du progrès technologique

Ouvrons le débat du progrès technologique

Mobilité, télétravail, commerce en ligne, vie sociale : nos sociétés ont, en quelques mois à peine, subi des mutations que l’on observe généralement sur plusieurs années. La transformation numérique s’est répandue à vitesse pandémique. Et nous ne reviendrons pas au monde d’avant : ceux qui rêvent d’un retour à la « normale » font fausse route.

L’histoire des pandémies est faite de ruptures. Au XIVème siècle, la peste noire, qui éradiqua près d’un tiers de la population de l’Europe, ouvrit la voie à une transformation profonde de la société, des croyances et du travail agricole. De même, au début du XXème siècle, la grippe espagnole, favorisée par l’accélération des échanges internationaux, marqua le début des grippes modernes capables de se répandre sur la planète à une vitesse inédite.

Et le Covid-19 a propulsé à tout jamais nos sociétés dans le numérique. Pour la première fois, la diffusion de la maladie a pu être suivie et analysée en temps-réel sur Internet. Des applications de contact-traçabilité ont été élaborées en quelques semaines pour agir comme un miroir numérique de l’épidémie. Et la course au vaccin a été accélérée grâce au numérique. Toutes ces percées n’ont certes pas empêché le choc, mais elles ont été cruciales pour l’absorber. Imagine-t-on le confinement sans le télétravail ?

En revanche, ces derniers mois ont aussi montré qu’une partie de la société n’était pas prête. La technologie et la science suscitent plus que jamais d’immenses angoisses. Non, les ondes 5G ne peuvent pas propager le virus. Non, l’obligation du port du masque ne vise pas à écouler les stocks. Non, les applications de contact-traçabilité n’entendent pas opérer une surveillance généralisée. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises en termes de fakenews : l’avènement d’un vaccin suscitera évidemment de réticences majeures, qui nous feront in fine perdre plusieurs mois précieux dans la résolution de la crise.

Pour rassurer nos concitoyens sur les enjeux technologiques, leur répéter « n’ayez pas peur » ne servira à rien. Au contraire, nous devons considérer les inquiétudes comme légitimes. Nous devons répondre aux interrogations en faisant preuve de la plus grande transparence et de la plus grande éthique. Et, lorsque c’est nécessaire, nous devons encadrer et réguler les pratiques.

La technologie doit toujours être au service du progrès. En ces temps troublés, nous devons nous en assurer et veiller à lever les contradictions profondes de nos sociétés, pour éviter de construire des poches de résistance susceptibles d’exploser. Ces dernières sont aujourd’hui singulièrement visibles en France, mais cela ne signifie pas qu’elles n’existent pas ailleurs. Nous devons tracer collectivement une voie responsable, entre les promesses et les excès de l’innovation technologique.

Pour cela, profitons de cette année si particulière pour ouvrir le débat du progrès technologique. Il s’agit de tracer l’avenir que nous voulons pour les générations futures et d’investir en cohérence avec ces choix.

Beaucoup de sujets sont déjà sur la table, parmi lesquels quatre que je perçois comme primordiaux. Le premier, c’est de décider comment nous voulons que la technologie transforme et connecte nos territoires – en étant clair que refuser la 5G, c’est aussi à terme déclasser des zones rurales entières. Le second sujet, c’est d’imaginer ensemble les usines du futur, peut-être moins intenses en emploi, mais capitales pour garantir notre souveraineté. Le troisième sujet, face à des menaces grandissantes, c’est de fixer un cadre robuste pour nos données, qui sont pourtant un carburant essentiel de notre économie. Enfin le dernier sujet et non des moindres, c’est de rechercher les technologies les plus appropriées et les plus inclusives pour accélérer le véritable combat de notre génération, la lutte contre le réchauffement climatique.

Tribune parue dans Les Echos, le 5 novembre 2020 : https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-ouvrons-le-debat-du-progres-technologique-1262229

Ivan Carrillo

Marketing Head | Strategic Marketing, Communications -Seeking new challenges

4 ans

Merci

Harold Selom KPODAR

MBA | TMT Professional | Digital Strategy & Transformation

4 ans

Le seul "bon" point de la covid, en effet, c'est comment ça nous a amené à accelérer nos habitudes numériques. Mais ça crée un autre problème, la sécurité des données. Le 4e point est un véritable casse tête, si on considère qu'on doit trouver le bon mix entre la productivité, la croissance des économies et le réchauffement, de gros défis en perspective.

Rajat Ahluwalia MIET

Vice President Engineering @ Capgemini | Generative AI Strategy | AI Agents | Telco Engineering Head | D&I Sponsor

4 ans

Article très instructif, Brilliant Insights

Caroline R

Strategic Talent Acquisition @Proofpoint (leader in next-generation cybersecurity)

4 ans

Excellent!

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