Parlez. Courez. Prenez soin de vous.
J'ai ressenti hier soir le besoin d'écrire. Pour parler, partager avec vous une expérience. Et si elle peut aider d'autres comme ça a été le cas pour moi, j'aurai gagné ma journée, tout simplement. Le déclic pour évoquer un sujet aussi tabou dans le monde policé de l'entreprise ? Peu importe, ce n'est pas l'objet ici, et n'y voyez s'il vous plait aucun lien de causalité.
L'histoire commence un 23 mai, mais rétrospectivement j'ai découvert qu'elle avait commencé il y a beaucoup plus longtemps. Commençons par la fin : plus de six mois plus tard, au détour d'une formation sur les risques psycho-sociaux, je découvre que ce fameux mois de mai cochait bien toutes les cases de l'épuisement professionnel et de la dépression, tel qu'on nous apprend à le "détecter" dans notre environnement de travail. Rien de nouveau à cet instant, mais l'entendre par un formateur aux RPS attise mon attention ...
Je découvre des noms barbares en -ine, souvenirs lointains de cours de SVT sur le fonctionnement synaptique
- Je découvre - et je le dis avec mes mots de parfait ignorant de la médecine et de la psychiatrie - qu'une dépression (ici liée à un burn-out) est de manière très (très) vulgarisée la conséquence d'une rupture de la chaîne qui lie nos émotions. En temps normal cette chaîne se casse et se reconstruit au gré de notre vie. En temps *pas* normal, cette chaîne se casse et ne réussit pas à se construire, perturbant notre capacité à réfléchir, agir, ressentir, vivre, etc.
- Je découvre aussi que les antidépresseurs (ou du moins ceux dans les formes les plus classiques) visent justement à substituer un maillon cassé par un artifice médical, comme une béquille. Cet artifice laisse le temps au patient de se reconstruire et de remettre en place ses propres moyens.
- Je découvre des noms barbares en -ine, souvenirs lointains de cours de SVT sur le fonctionnement synaptique, et deux retiennent mon attention: la sérotonine et l'endorphine. Je n'irai pas plus loin dans l'explication (ce n'est pas mon métier) mais le lien suivant (section 3 : rappel physiopathologique) l'expliquera beaucoup mieux que moi pour les plus curieux.
- Je découvre que l'endorphine sécrétée lors de séances de sport a le même effet qu'un traitement anti-dépresseur, et que le sport est justement indiqué en traitement de ces symptômes (dépression+sport = 345 millions de réponses sur Google, vs. 117m pour "Beyoncé"). Tilt.
Ce dont j'aimerais vous parler, c'est de la face cachée de cette histoire, pas de celle où l'on guérit d'une dépression avec 30min de sport par jour (la littérature sur ce sujet est florissante). Mais plutôt celle où le diable se cache dans le détail. Celle où dans un environnement pressurisé, on en arrive à chercher des artifices pour "tenir la charge". Non l'objet ici n'est pas de l'usage des substance psychotropes au travail, mais plutôt des séances de running à 22h. Se vider la tête, reconnecter avec son corps (la fameuse pleine conscience), évacuer après une longue journée de travail (et 1h30 à coucher les enfants) ... et sécréter des endorphines. J'ai réalisé avoir passé des mois dans un processus d'escalade entre une pression professionnelle (futile au demeurant), des contraintes personnelles, une montée en charge d'entrainement massive (triathlon), et un niveau d'écoute de mon corps proche du zéro pointé. Jusqu'à l'affaissement. Un matin de mai, full stop. Trois semaines pour reprendre pieds, autant de mois pour reconstruire, et je considère faire partie de la catégorie des "chanceux". J'ai eu la chance d'être très bien accompagné et soutenu (personnellement et professionnellement) et de pouvoir prendre le temps de reconstruire mes priorités, mes objectifs, ma vision de la vie. Tous ceux qui y ont contribué se reconnaitront, et savent que je leur en suis infiniment reconnaissant. Mais mon point n'est pas là.
Mon point, c'est l'écoute de soi. C'est le fait qu'une intention louable (équilibrer sa pression au travail avec un peu de sport) peut être autrement plus dangereuse qu'on ne le pense dans certains contextes. En compensant à coup d'endorphine et de fatigue physique (pour ceux qui font des insomnies quand ils ont trop de travail, c'est cool vous pouvez enfin dormir), on masque les difficultés, on contourne comme le fait l'antidépresseur, on ne résout pas le problème. Problème qui est souvent plus profond que la longueur ou la complexité de la to-do de la journée. Si on ne s'écoute pas, on rate tout simplement les signaux faibles, un par un. On perd de vue les causes, on laisse cette "dépression blanche" s'installer.
Mon conseil ? Pas de conseil. Je ne suis pas psychologue. Mais je peux vous partager ce que cette expérience m'a appris, après avoir longuement pris le temps de la digérer :
- A parler, à ne pas rester seul avec mes doutes. C'est honnêtement la chose la plus difficile que j'ai dû apprendre à faire depuis longtemps. Et je n'ai pas appris seul, mais ça c'est une autre histoire.
- A écouter les signaux faibles, et pas seulement ceux des autres mais aussi les miens ! Toutes ces formations sur les RPS sont très honorables, mais s'appliquer à soi-même ce que l'on nous apprend comme manager (et avoir l'introspection nécessaire à sa propre remise en question) est autrement plus difficile.
- A être indulgent avec moi-même. On passe notre vie à analyser, comparer, classer, vérifier nos faits et gestes. Personne n'est parfait, on apprend de ses erreurs. Ca va mieux quand on se le dit, même si ça peut sembler outrageusement simple.
- A me recentrer, prendre le temps de me poser la question de ce qui m'anime. Une fois les deux premiers étages de la pyramide de Maslow mis sous contrôle (ce qui est souvent le cas dans notre métier - soyons en reconnaissants), chacun doit trouver ce qui le motive. Dans un secteur d'activité ultra-porteur comme le nôtre, les occasions ne manquent pas d'oublier ce pour quoi on s'est levé le matin.
Un patron, collègue et ami m'a demandé un jour : "Quel est ton objectif ?". Il m'a fallu plusieurs années pour comprendre la profondeur de la question, et ma réponse est encore aujourd'hui très humble. Dans un contexte post-Covid où notre vie pro et perso est trimbalée entre joies et peines, excitation du déconfinement et aléas de la vie, je pense qu'une vigilance de tous les instants sur ces questions s'impose. Si vous vous reconnaissez dans cette aventure, si vous avez passé vos soirées lors du premier confinement à courir autour du pâté de maison (1km de rayon), si vous noyez votre surcharge de travail dans un océan d'hyperactivité sportive ... soyez vigilants.
C'est tout simplement l'objet de mon message ici, en tout sincérité : prenez soin de vous.
JC
Développeur
3 ansMerci JC pour ce billet. C'est malheureusement un sujet qui est encore parfois un peu tabou, alors qu'au contraire comme tu le dis si bien, il est capital de pouvoir en parler. J'ajouterais, de mon expérience, deux points qui ne me paraissent pas anodins (et pour lesquels j'ai encore pas mal de progrès à faire ;) ) : - Savoir demander de l'aide (qui est peut-être en quelque sorte dans le prolongement de parler). Ça parait bête comme ça, mais perso j'ai beaucoup trop tendance à me dire « ça va, je peux me débrouiller tout seul avec mes problèmes. » - Savoir ralentir (voire dire stop) à temps. Enfin comme tu le dis si bien, l'essentiel c'est de prendre soin de soi ! Prends soin de toi !
Comme c'est profond! JC, merci pour ce partage authentique d’une expérience si personnelle et pourtant intimement liée à la vie professionnelle. Très touchée. Tout à fait raison sur l'écoute de soi-même et agir en conséquence. Take care.
Security Operations Center (SOC) | Monitoring | Detection | Incident Response
3 ansBravo et merci de partager ce moment difficile et retour d’expérience avec nous. C’est toujours difficile, ça prend du temps à guérir. Je n’oublierai jamais les conseils d’un grand sage Nuvin Goonmeter une carrière est un marathon et pas un sprint. Nous devons nous économiser et prendre soin de nous (sommeil inclus) car on doit courir pendant 40+ ans. Un bon équilibre vie pro / perso prendre soin de soin et surtout savoir lâcher prise (une vertue qui se perd). Le mot de la fin: Life is too short, enjoy each day like it’s the last one … take care buddy and keep the good vibes 🙏🏻
Managing Director at Accenture, specialized in large IT transformation projects and Outsourcing.
3 ansSuper émouvant Jean-Christophe, merci d'avoir partagé, #respect!
Founder & CEO | WE TRANSFORM HUMAN EXPERIENCES FOR A BETTER WORLD | ServiceNow Pure-play Partner
3 ansMerci JC pour ce partage qui raisonne profondément dans nos expériences individuelles face à la pandémie et notre capacité à prendre soin de soi et de ses proches ! Bravo aussi pour ton retour chez Accenture! Nicolas