Retour d'expérience / partager la connaissance
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Retour d'expérience / partager la connaissance

Quel bilan tirer de cette période bouillonnante pour l'éducation, l'enseignement, la formation? L'expérience ne vaut que si elle est partagée et ne vaut pas loi. Ce n'est qu'un éclairage sur une situation donnée dans un contexte donné à un moment donné. Ainsi, j'ai pu noter autour de moi dans des organisations éducatives différentes des efforts développés extraordinaires. De ces efforts, je reste surpris par le désert technologique dans lequel gravitent beaucoup d'enseignants. Le confinement ne leur a pas permis de combler ce déficit. Basculer du jour au lendemain d'un cours en présentiel à un format en ligne est un défit énorme à relever. Nombreux ont développé faute d'être éclairés des systèmes D qui vis à vis des plus jeunes ont eu le mérite d'exister mais qui leur ont demandé une gymnastique intellectuelle à laquelle ils n'étaient pas préparés. Ceux qui selon moi en ont le plus pâti sont les élèves livrés à eux même. Peu ont disposé des moyens pour acquérir de nouvelles connaissances d'autant que les parents ne possèdent souvent guère plus de facilités. Ainsi les enfants avec difficultés où les ados plus passionnés par leurs amours contrariés ou leurs séries préférées sont abandonnés. Ceux qui devaient passer le brevet ou le baccalauréat sont déboussolés avec les conditions d'obtention ou non qui sont à l'image du championnat de ligue 1 : un fiasco. Je vais illustrer mon propos. Très vite, la vidéo formation est identifiée comme incontournable pour diffuser des cours mais aussi pour retrouver un contact visuel avec les élèves. Faute de directives suffisantes, d'outils clairement identifiés dans les institutions, les enseignants ont cherché par eux-même et par appétence personnelle retenu un outil. J'ai ainsi pu relever qu'une élève en 1ère devait jongler avec 6 outils différents (dont un bien connu des gamers par exemple) pour ses classes virtuelles. Pour l'élève, les conflits, les difficultés à ce stade ne s'additionnent plus mais se multiplient (conflits entre applications et blocage des périphériques audio et vidéo notamment). Les efforts déployés par les élèves ont été parfois démesurés, jusqu'à conduire à un rejet des outils. Les enseignants ont aussi déployés des efforts incroyable sans la reconnaissance à laquelle ils auraient pu prétendre. Les institutions devront retenir 1 seul outil à l'avenir et l'homologuer pour une adoption par le corps éducatif, ainsi les élèves passeront de 6 à 1 outil comme ici.

La fermeture brutale des universités a laissé sur le bord de la route de nombreux étudiants dont un grand nombre, isolés, sont dans une extrême fragilité économique, émotionnelle ou sociale. Les examens à distance, maintenus, quand tous ne disposent pas de l'équipement requis n'offrent pas l'équité, pas plus d'ailleurs que l'attribution du 10 que la Sorbonne a du abandonner. Dans mon cadre professionnel, j'ai pu noter une mobilisation des enseignants du supérieur pour diffuser des cours, assurer la continuité pédagogique. Le constat reste cependant mitigé. Tant les enseignants que les étudiants ne possèdent pas l'aisance que le terme de génération Y (ou Z ;-) ) laisserait penser. Être à l'aise sur les réseaux sociaux ne résout pas tout, loin de là !

Que dire de tous ces apprentis contraints de survivre hors école et hors entreprises, sans ressources, sans mes moyens de pratiquer leurs métiers futurs. L'autonomie, la motivation, l'autodidaxie ne permettent pas de rester opérationnel. Là aussi, les solutions alternatives se dégonflent comme peu de chagrin. Que dire de cette génération d'apprentis pour qui le futur s'assombri devant l'incapacité organisationnelle et économique à être accueillis dans des entreprises (bon mon coiffeur a su faire, tout n'est peut-être pas perdu).

Côté entreprises il y a tous ces salariés en chômage technique qui auraient pu profiter de la période pour suivre des formations payantes ou gratuites, pour entretenir leur attractivité. L'horizon s'assombrit aujourd'hui que la crise s'installe pour de longs mois; le pic de chôage a été annoncé pour dans 12 mois . Plutôt que prévoir d'éventuelles évolutions ou reconversions j'ai eu écho de salariés qui sont, malgré les facilités offertes, restés à se morfondre dans des lieux parfois exigus. D'un côté les services RH ont vécu un séisme et le temps a manqué pour construire les solutions qui vont bien. De l'autre, le confinement est apparu pour beaucoup comme une aubaine et les enfants des familles ont été une priorité au détriment des plans de carrière. Bien sûr encore faut-il que l'équipement technologique soit suffisant pour satisfaire tous les besoins d'une famille confinée.

Est-ce dire de ce constat apparemment sombre que tout est négatif ? Loin de là ! Au contraire même puisque la prise de conscience est généralisée sur le chemin à parcourir. Plus les conditions de travail à distance perdureront, plus la nécessité fera loi. Lorsque vous interrogez vos enfants, vos amis, leurs enfants, votre entourage professionnel, vous recueillez des éléments dont vous devrez tenir compte pour adapter, construire des solutions solides, pérennes qui satisfassent aux multiples usages de l'enseignement / l'apprentissage à distance. Le risque majeur selon moi est lorsque la solution s'éternise est de perdre soi les enseignants, soi les apprenants.

Une des réponse est de faire évoluer la pédagogie en adoptant les pratiques de la classe inversée. Cela ne sera possible que si les outils disposent de fonctionnalités communautaires évoluées. Dans l'urgence l'objectif a été de produire ce que l'on faisait en présentiel. Désormais il s'agit de permettre d'apprendre différemment grâce au numérique, grâce à l'IA, grâce à l'individualisation des parcours et dans le sport aux apprentissages immersifs (3D).

Les questions sont nombreuses, et la France apprenante doit encore se construire, se remettre en question et en mouvement avant l'arrivée d'une seconde vague (je vous recommande cet article). La classe inversée, encore elle, semble une cliente sérieuse d'une nouvelle pédagogie qui s'adapte à l'usage des outils, une pédagogie mixte distancielle pour l'acquisition des bases / présentielle pour la remédiation.

Je partage ce besoin de retour sur expérience. Ce que nous avons vécu nous donne beaucoup de matériaux pour analyser nos pratiques, définir nos besoins et faire évoluer les réponses pédagogiques à distance.

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