Paru dans le quotidien "Le Monde" d'aujourd'hui...Mental' O à l'honneur...

Les coachs d’orientation se positionnent face aux nouvelles inquiétudes

C. St. 

Il a fallu accélérer la cadence. « Quand nous avons vu qu’il fallait choisir dès cette année des spécialités pour la classe de première, on a décidé de faire appel à un cabinet d’orientation plus tôt que prévu », rapporte Laura, dont le fils, Maxime (les prénoms ont été changés à leur demande), 15 ans, suit son année de seconde au lycée Notre-Dame-du-Grandchamp, à Versailles. Mère, père et fils sont installés autour de la table, ce lundi 11 mars, dans une petite salle d’un appartement de bureaux d’un immeuble chic du 8e arrondissement parisien, pour clore le bilan d’orientation du jeune homme. « Nous allons regarder ensemble tes dominantes, parmi les 50 critères de personnalité qui ressortent de l’étude de potentiel que tu as remplie », expose Alexandre de Lamazière, costume noir rayé et chevalière au doigt, président du cabinet privé ODIEP depuis 2009, qui suit quelque 300 jeunes par an.

Lui comme plusieurs coachs privés d’orientation interrogés par LeMonde observent ce mouvement : la cible de leurs clients s’est élargie. Si les jeunes de terminale restent majoritaires, des élèves de première, mais aussi de seconde viennent frapper à leur porte. « On se pose la question de l’orientation de plus en plus tôt », estime Armelle Riou, PDG de Mental’O.

« Le coaching scolaire est une pratique qui date du début des années 2000, mais elle est montée en puissance ces dernières années, avec l’arrivée des “coachs d’orientation” », constate Anne-Claudine Oller, maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’université Paris-Est-Créteil. Outre un « mouvement général de société mettant l’accent sur la performance et le développement personnel », la sociologue pointe un facteur double dans le monde de l’éducation : d’un côté « l’inquiétude parentale face à l’insertion sur le marché du travail », de l’autre « des réformes qui se succèdent et alimentent l’angoisse, d’APB [la plate-forme Admission post bac] à Parcoursup, en passant par le lycée réformé cette année ». Les voies générales S, ES, L vont disparaître à la prochaine rentrée, au profit de trois spécialités à prendre en classe de première, deux en terminale, adossées à un tronc commun. « Il va falloir développer des démarches stratégiques pour savoir comment choisir ces options », résume-t-elle.

La question est au cœur des discussions entre le coach parisien et la famille de Maxime, second d’une fratrie de cinq enfants et au profil de bon élève. « Tu as un profil très créatif », décrypte le coach au regard du test de Maxime, qui a suivi trois autres rendez-vous depuis février, pour un coût de 700 euros. Avant d’évoquer différents parcours possibles pour rejoindre les métiers de la communication, du numérique, ou encore du graphisme.

« Stratégie complexe »

Une spécialité fait longuement débat : faut-il prendre les maths ? Le lycéen n’aime pas franchement la matière. « Mais si tu ne prends pas les maths, beaucoup de portes vont se fermer ensuite », juge Alexandre de Lamazière, alors que Maxime s’inquiète déjà du niveau difficile promis dans la discipline.« Les attendus du postbac, ils ont été dévoilés ? », interroge Laura. Un ange passe. « Mais pourquoi ils n’ont pas gardé les maths dans le tronc commun ? », s’interroge le père, commercial dans une entreprise en logiciel. Compromis va être in fine trouvé, en choisissant au moins les maths en première, « par sécurité ».

Mais la réflexion n’est pas si simple. « Si tu abandonnes les maths, il te restera SVT et histoire-géographie en terminale, constate Laura, au regard des deux autres options envisagées par son garçon. Pas très cohérent… »« C’est vraiment de la stratégie complexe », lâche son mari, désarçonné. Exit les sciences de la vie et de la Terre donc, ce seront les sciences économiques et sociales. « Finalement, c’est un peu ce que je pensais au début », réagit le jeune homme, qui avait remis le matin même ses souhaits de spécialités à son lycée. « Maintenant, on en est sûr », ajoute Alexandre de Lamazière, tout en lui conseillant dans tous les cas de « bien “performer” » par la suite. « Même dans les établissements publics et les facs, c’est difficile de rentrer maintenant ! »

Sandrine JUGLA

Principale adjointe chez Collège Jane DIEULAFOY

5 ans

De l'inégalité des chances : face à la complexité du système ceux qui ont les moyens d'être conseillés peuvent adopter des stratégies gagnantes. Ce n'est pas nouveau mais ça prend de l'ampleur, je ne sais pas si on peut s'en féliciter

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