Pause Dej#8. Ne Pas Remercier. Ne Pas Remercier. Par Aurélie Deguelle Lisez lisez !

Nous ne pouvions plus choisir notre appartement. Ni rien d’ailleurs. C’était comme ça maintenant, quand on souhaitait déménager. Nous n’avions qu’à aménager nos effets personnels, la ville nous imposait le reste.

Le mien était prévu pour la fin du mois.

 

Le jour J.

Je suis rentrée dans « mon » appart.

Bonjour Aurélie, bienvenue chez vous, comment allez-vous aujourd’hui ?

Hein !? Heu, B, B, Bon-jour, mais qui êtes-vous, on se connaît ??

Je me présente, je me nomme Nommée, et je suis là pour vous servir.

Ah ok, ben salut Nommée, c’est sympa d’être chez moi ! Mais sinon vous, enfin votre voix, restez longtemps ici ?

Je suis votre assistante personnelle Aurélie, je serai donc tous les jours à vos côtés.

Sérieux ?

Voulez-vous dire sérieusement ?

Heu, oui oui, c’est ça madame (dis-je en rougissant).

 

J’ai pensé que c’était vachement moderne et pratique, mais que j’avais intérêt à soigner mon langage…

Je suis entrée dans la cuisine, qui s’est allumée de parts et d’autres sans mon intervention. Ah la domotique quand même, ça a du bon !

 

Dans le salon, le poste de TV s’est mis en marche dès mon arrivée. Ça m’a fait sourire. Mais je voulais quand même savoir si j’avais, encore, la possibilité de choisir seule mes activités.

 

C’est très gentil à vous madame, mais je n’ai pas très envie de regarder la télévision. Je crois que je vais plutôt aller me détendre.

Mais bien sûr Aurélie, comme il vous plaira. Mais appelez-moi Nommée, et sachez que le tutoiement de votre part est tout à fait autorisé.

Ah très bien, merci.

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi.

 

Je rêvais d’un bon bain… j’y file.

Mais non!... Mon bain m’attendait déjà ! (…)

 

Mais, comment avez-vous su que je voulais prendre un bain madame ?

Vous m’avez dit précédemment que vous vouliez vous détendre Aurélie, je connais vos habitudes. Sachez toutefois, que ce n’est qu’une proposition. Souhaitez-vous annuler ce bain ?

Heuuu non non, c’est bien comme ça. Merci madame.

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi.

 

Puis, je suis allée me coucher. Tout était parfait, la douceur et la fraicheur des draps, un matelas ferme mais pas trop, nickel… Le volet se ferme, tout seul bien sûr, et la lumière s’éteint.

Bonne nuit Aurélie, faites de beaux rêves…

Merci madaaaame, vous aussiii… (Quel pied !).

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi.

 

Le lendemain matin.

Bonjour Aurélie, il est l’heure de vous lever, il est 8h.

Hmmm…? Ah oui c’est vrai (…) Ok madame, merci. (Ce n’était donc pas un rêve.)

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi. Votre café est prêt.

Ah merci.

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi.

 

J’ai pensé qu’à la longue, ça risquait d’être assez lassant ces « je vous en prie ». Mais bon, café déjà.

Désirez-vous que je vous donne l’emploi du temps de votre journée Aurélie ?

Non merci. Je le connais.

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi.

 (…)

Allez, il faut que je file au taff. J’ouvre la porte et…

Bonne journée Aurélie.

Je commençais déjà à en avoir plein l’cul d’entendre mon prénom toutes les 2 secondes. Il faudra vraiment que j’y remédie, pensais-je…

Oui oui, merci.

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi.

 

Je ferme la porte. Ah merde mon téléphone! J’ouvre la porte, j’entre sur la pointe des pieds, le plus discrètement possible, et l’autre conne qui me dit :

Bonjour Aurélie, bienvenue chez vous.

Ouais ouais j’suis que d’passage j’ai oublié mon tel.

En effet Aurélie, je comptais justement vous l’expédier par coursier.

 

Je pars mon téléphone à la main, sans la remercier, et entends :

Bonne journée Aurélie.

Merc… (Non !!)

Je me ravisai immédiatement, cette politesse à tout va là, et avec sa voix douceâtre et mielleuse « Beujeuuurrr… ôréliiiie… » J’avais carrément envie de lui péter sa gueule !

J’ai claqué la porte assez fermement, j’espère qu’elle allait comprendre. Et d’ailleurs je ne mangerai pas chez moi ce soir, fait chier !

 

3 ans, et 15 jours en hôpital psychiatrique, plus tard.

J’avais réussi à changer la voix de la Folkoch pour une voix de mec. Rien d’autre n’était possible.

J’ai bien failli changer de prénom une trentaine de fois au moins.

 

Vous avez reçu un courrier de la ville Aurélie.

Ah oui, et de quoi s’agit-il ?

L’annonce de votre prochain déménagement.

Sérieux !!?

Absolument Aurélie, je suis très sérieux.

Alors là, un grand grand merci hein !

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi.

Eh oh ta gueule maintenant ! Tu commences franchement à me les briser toi aussi, avec tout ton plai-sir !

Je n’ai pas compris Aurélie, pourriez-vous être plus explicite ?

 

Enfin j’allais me tirer d’ici, me dis-je. Adios Amigos !! ahahah !!! Et adios  tout ton plaisir de merde ! Pauv’type va!... Oh la vache, j’étais au bord du burnout moi. Je passais plus de temps au taff que chez moi. J’étais crevée avec toutes ces heures supp pour faire croire que c’était uniquement par passion du travail.

Cette nouvelle arrivait pile poil.

 

L’autre jour J.

C’était juste en face de mon ancien appart. Pourvu que les murs seraient assez épais pour ne pas entendre la grosse truie, me dis-je.

Je rentre.

Bonjour Aurélie, bienvenue chez vous, comment allez-vous aujourd’hui ?

Hein ??!!... main non !

Je file dans la cuisine déjà allumée et,

AHHHHH !!!!! Mais qui êtes-vous ??!!!

Mais je suis vous, Aurélie.

Non mais merci, j’vois bien. Mais, mais qui vous a autorisé à être moi ? Je ne vous permets pas d’être moi ! Sortez de moi, enfin, de chez moi immédiatement !

Je n’ai pas terminé de préparer le diner Aurélie. Détendez-vous… Voulez-vous prendre un bain ?

Non !!! Pas de bain, pas de bouffe, rien ! Je ne veux rien ! Merc…  j’veux dire,  point barre !

(Ne pas remercier ne pas remercier)

Comme vous le souhaitez Aurélie.

Bien, merci (… !) Non non non ! Pardon ! Ce n’est pas ce que je voulais dire !

Mais je vous en prie Aurélie, tout le plaisir est pour moi.

Ouais ben pas d’plaisir pour moi justement, si jamais ça vous intéressez. Mais au fait, comment vous appelez-vous ?

Auréliie, avec 2 ii.

Ah ben, d’accord!!...

Je suis heureuse que vous soyez d’accord Aurélie.

(…)

Le lendemain matin, de l’autre jour J.

 

Bonjour Aurélie, il est l’heure de vous lever, il est 8h.

Eh merde... Ok, laissez-moi quelques minutes, je suis claquée ce matin.

Pas de souci Aurélie, je vous en prie, tout le…

Ok ok, j’ai compris…

Vous savez Aurélie, si vous êtes fatiguée, je suis programmée à l’identique de vous, alors si vous le souhaitez, je peux aller au bureau à votre place, ce sera avec plais…

AHHH… !! Non mais ça va pas la tête !? Espèce de folle !! Et puis sortez de chez moi !!

 

Là je craque. Je m’lève, me sape, et file au bureau avec un mon sac de couchage sous le bras. J’appelle ma copine Rama sur la route. Il fallait vraiment que je me détende autour d’un verre, ou deux, ou trois ou quatre, ou cinq, et légèrement arrosés de quelques ribambelles de verres pour éponger. Surtout pas d’excès, il ne fallait pas craquer.

 

Le soir même de l’autre jour J.      

           

Hey Rama ! ça va ? Trop contente de te voir, ah si tu savais !...

Bonjour Aurélie, je suis Ramaa. Rama est légèrement souffrante ce soir. Mais je serai ravie de passer un moment avec vous Aurélie, tout le plaisir serait pour moi.

 

 

Allez, à la semaine prochaine.

AD.