Pensez-vous à utiliser vos talents au travail?
Vous connaissez forcément le proverbe ultra réputé de Confucius qui dit
« Choisis un travail que tu aimes et n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. »
C’est un peu l’objectif visé par tous non ? Parvenir à se départir d’un travail au sens pur, c’est-à-dire quelque chose de douloureux. En effet, étymologiquement le mot travail vient du latin « tripalium », qui fait référence à un outil de torture composé de trois pieux. Le travail serait donc communément admis dans l’inconscient collectif comme une activité douloureuse, une torture, un labeur.
Alors lorsque Confucius nous met sur la voie d’un travail apprécié, même récréatif, il avait tout compris du Marketing de l’emploi.
Bercés par cette représentation douloureuse du travail, nous nous sommes habitués à nous battre : à commencer par la compétition durant les études, puis la combativité pendant la recherche d’emploi, les rapports de force de forces dans le monde de l’entreprise pour garder sa place ou encore évoluer.
Nous sommes entrainés à atteindre des objectifs, à viser une cible.
Et dans cet univers, nos différences, nos singularités, nos talents sont vécus bien souvent comme des aspérités, des défauts à gommer, des aspects à parfaire.
Se développer rimerait donc avec « corriger » certains aspects de notre personnalité et pour cela, nous dépensons une énergie folle pour parvenir à cette réfection de nos défauts ou encore à la conquête des compétences attendus, des talents tendances ou attractifs.
Nous nous sommes également armés à répondre à des injonctions de productivité et de performance qui, poussées à l’extrême, vont jusqu’à déshumaniser les rapports entre les êtres et rejeter l’acceptation et à la valorisation des talents naturels.
Vous avez sans doute dû remarquer qu’ici même, sur LinkedIn, se rejoue ce rapport de force. S’affrontent donc régulièrement des propos taxés de "bisounours" parce qu’ils mettent en avant la nécessité d’être davantage à l’écoute des singularités et des personnalités et d’autres propos qui eux, continuent d’appeler à la vision objective et non réfutables des compétences techniques, pas des talents ou des softs skills.
Pour ma part, j’ai toujours pensé que pour appréhender un travail, qui attend de nous nécessairement du temps, de l’engagement, de la concentration, il semble important de s’y retrouver.
Par « s’y retrouver » j’entends se reconnecter à ce que l’on est tout en pouvant continuer à développer ses talents. Autrement dit, l’adéquation entre ses talents, ses besoins et ses choix professionnels permettraient de trouver davantage de plaisir au travail et d’être plus efficace.
Le tout, sans avoir à renier des parties de soi. Comme le disait Jean Cocteau :
« Ce que l’on te reproche, cultive-le, c’est toi. »
D'ailleurs, des chercheurs de l’institut de Psychologie de Zurich, Claudia Harzer et Willibald Ruch, ont mené une étude qui a confirmé qu’utiliser ses talents naturels dans ses tâches professionnelles serait une excellente solution de gagner en satisfaction, en aisance et en plaisir au travail et cela rejoindrais donc donc la citation de Confucius : en utilisant au quotidien nos talents dans nos fonctions professionnelles, nous n’aurions que moins la sensation de produire un effort et de souffrir au travail.
Malheureusement, beaucoup d’entre nous n’utilisent pas leurs talents innés dans leur emploi, habitués à développer des compétences demandées par leur fonction, normées, en réponse à des attentes éducatives ou professionnelles.
Et vous savez quoi ? A force d’acquérir des compétences à la demande, il devient de plus en plus difficile de renouer avec ses talents naturels tant et si bien que j’entends parfois des personnes dire « Moi, je n’ai pas de talent. »
Alors si vous faites partie de ces personnes, sachez que nous avons TOUS des talents. Ils sont simplement plus difficiles à identifier simplement soit parce que nous les utilisons intuitivement, sans effort soit parce que votre conditionnement professionnel ne leur offre pas la place pour s’exprimer.
Pour être plus précise, un talent naturel serait un trait de caractère dit positif s’exprime fréquemment chez un individu et que celui-ci la reconnaît. Selon ces deux même chercheurs de l'Université de Zurich, nous disposerions chacun d’environ 3 et 7 talents naturels. C’est leur combinaison unique et leur mode d’action singulier qui constituerait notre empreinte, notre valeur ajoutée, notre signature. Ce seraient également une des sources de notre plaisir à travailler.
User de nos talents nous permettrait donc de mener nos missions dans un état émotionnel plus stable, plus agréable tout en nous offrant davantage de motivation et d’entrain. On amorce le mode « naturel » et pas « adapté », ce qui permet d’aborder son activité professionnelle avec plus d’aisance et de façon moins coûteuse en énergie psychique et physique.
Par exemple, je suis de nature très empathique et j’aime écouter les gens : en utilisant ce talent, je mène mon travail tout en développant mon talent inné pour l’écoute. Le talent peut être aussi celui de l’organisation, de la communication, du leadership etc… ce sont ces prédispositions qui nous définissent et qui sont indissociables de notre personnalité.
L’usage de nos talents s’inscrit donc de façons très spontanée et récurrente dans nos actions, en les fluidifiant. Mieux encore, plus on utiliserait de nos talents dans notre exercice professionnel et plus notre plaisir au travail augmenterait.
Et ça, j’en ai été convaincue dès le début de ma vie professionnelle : j’ai rapidement observé qu’il y avait trop de gâchis de talents, de talents muselés et donc trop de souffrance qui en découlait.
J’ai également pu observer combien l’expérience professionnelle était plus positive lorsque les talents naturels étaient mis à contribution, ce qui explique en partie la motivation et l’engagement sans faille de certains professionnels qui travaillent main dans la main avec leurs talents et dont on parle souvent en terme de "vocation".
Et puis, en me documentant, j’ai découvert la notion d’Ikigai. Cette philosophie de vie japonaise aiderait à trouver un sens à la vie, un équilibre, une raison de se lever le matin et d'être heureux.
Elle s’apparente à la convergence entre ce que j’aime, ce dans quoi je me sens douée, ce dont le monde a besoin selon moi et ce pour quoi je mériterais d’être payé.
En réunissant ces 4 aspects, vous occupez une fonction qui a du sens pour vous, qui mobilise vos talents, qui répond à une ambition personnelle et qui vous offre une rémunération.
La recherche de son Ikigai permettrait donc de se rapprocher du job idéal venté par Confucius ?
L’ikigai comme d’autres outils de connaissance de soi (bilan de compétences, tests de personnalités, thérapie, coaching...) permettrait donc de dessiner les contours d’un travail satisfaisant, d'aller à l’encontre de son style naturel, de ses talents innés.
Personnellement, j’ai toujours pensé qu’il était bien plus fructueux de positionner un individu sur une mission qui le passionne, dans lequel il se sent bon et qui a du sens plutôt que d’essayer de le faire rentrer dans une case qui l’enferme, nuit à sa confiance en lui et donc, in fine, à la qualité de son travail.
Dans ce cas de figure, vous avez sans doute déjà du entendre votre petite voix intérieure rabat-joie : « Tu es fière de ce que tu fais ? Ça te comble vraiment ? Tu en es bien certaine ? »
Et cette petite voix, pas facile de l’accepter… Encore moins de la faire taire.
Elle vient témoigner d’une fausse route, qu’un grain de sable dans l’engrenage, d’une souffrance latente. Elle étouffe également l’autre petite voix, celle qui te dis ce que tu aimes depuis toujours, ce dans quoi tu es doué, ce qui est bon pour toi, ce dont tu as besoin. Celle-ci qui existait avant de devenir un adulte façonné par le système éducatif et le monde du travail.
Alors renouer avec votre style naturel et vos talents, il faut commencer par être à l’écoute de ce qui vous anime, de ce que vous aimez. Toutes ces activités pour lesquelles vous ne voyez pas le temps passer et qui vous comble.
- Levez le voile et souvenez-vous de ce que vous aimiez enfant, demandez à votre entourage de vous en parler si l’exercice est difficile pour vous. Ces caractéristiques, ces talents qui vont sont propres sont tellement ancrés en vous et intuitifs que vous ne les remarquez même plus, un regard extérieur peut vous y aider.
- Ne perdez pas de temps à vous comparer. Soyez bienveillant, l'humilité excessive ou la dévalorisation contribuent également à la méconnaissance de vos talents. Rien ne sert de regretter les talents et qualités que vous n’avez pas. Rien ne vous oblige à les posséder, si ce n'est cette représentation idéalisée à l’intérieur de vous qui vous mène la vie dure et qui est orchestrée bien souvent par un Surmoi tyrannique.
- Prenez le temps d’identifier puis de nommer vos talents, de poser des adjectifs. L’Ikigai est une des méthodes qui permet de le faire. Mais vous pouvez aussi tout simplement vous demander :
- Qu’est-ce que je fais facilement et sans y penser ? Et ce dans les différents aspects de votre quotidien, professionnel ou non.
Par exemple, j’écoute les personnes de mon entourage. Je suis présente pour eux.
- Que disent de vous ces caractéristiques de vous ? Je suis une personne empathique et à l’écoute.
- En quoi vos talents innés vous sont utiles, en quoi cela vous différencie des autres ?
Par exemple, si mon talent c’est l’écoute et l’empathie, cela me permet d’accueillir la parole de l’autre, d’être présente et d’en comprendre les enjeux. Cela m’aide à construire une relation de confiance qui est bénéfique pour la relation avec mon interlocuteur.
- Une fois que vous avez déterminez vos talents, demandez-vous lesquels sont une vraie source de plaisir et dans quelles autres situations vous pourriez les utiliser.
Répondre à toutes ces questions vous permettra de mieux connaitre et donc d’accepter et valoriser vos talents.
Cette meilleure appréhension de votre fonctionnement et de vos talents naturels amplifiera votre confiance en vous et renforcera votre estime de vous. Vous saurez que vous avez des talents qui vous permettent de mener à bien des actions, ce qui créera de nouveaux schémas de pensées positifs et donc, favorisera votre capacité à passer à l’action, à sortir de votre zone de confort, à prendre du plaisir dans vos missions.
N’oubliez pas que d’avoir conscience de ses talents, en particulier en les observant dans le cadre de votre exercice professionnel, permet d’en parler plus facilement lors de vos entretiens de recrutements ou d’évaluation. Vous pourrez authentiquement faire part de votre valeur ajoutée, de ce qui vous distingue. Témoigner votre marque de fabrique, de votre signature peut clairement faire la différence.
Enfin, vous gagnerez plus largement en bienêtre et cela impactera nécessairement la qualité de vos relations : quand on utilise ses talents, on s’épanouit davantage, on se fatigue moins et cela rejaillis sur l’environnement.
Finalement, les talents et la confiance en soi se cultivent dans le faire, alors ne cessez jamais d’exploiter vos talents. Ils sont bien là et n’attendent que ça.
Anaïs Deschanel
Commandant de Brigade motorisée chez Gendarmerie Nationale
3 ansTrès intéressant! Je suis convaincu du bien fondé de cette analyse. Merci