Peut-on tout avoir en tant que femme ?

Peut-on tout avoir en tant que femme ?

Le débat est sans fin. Au XXIe siècle, la plupart des femmes veulent tout mener de front : réussir professionnellement mais aussi personnellement. Ceci, sans oublier que les injonctions sociales exigent aujourd’hui d’une femme qu’elle sache s’épanouir aussi en dehors de son rôle de mère. Alors peut-on vraiment tout avoir ? Est-ce même désirable de vouloir une belle carrière et une famille épanouie ? Ou faut-il renoncer à certaines choses pour vivre heureuses et profiter pleinement de sa vie ?

En 2012, Anne-Marie Slaughter ouvrait le débat aux Etats-Unis : pourquoi les femmes ne peuvent toujours pas tout avoir ? Elle constatait alors à quel point il était difficile pour une femme de tout réussir. Elle arrivait toutefois à une conclusion importante : il faut arrêter de mentir à la jeune génération en lui répétant que « tout est possible ». En 2014, en France, Nathalie Loiseau, alors directrice de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) écrivait un livre « Choisissez tout » qui allait pourtant dans ce sens. Elle souhaitait donner envie à d’autres femmes d’oser, rêver grand et changer le monde.

De nos jours, les exigences qui pèsent sur les femmes sont multiples.

L’image de la femme parfaite et de la mère idéale qui gère tout avec aisance est bien ancrée. Dans l’imaginaire collectif, la « wonderwoman » est toujours en pleine forme, pleine d’entrain et mène tout de front avec succès. Oui, les exemples de certaines femmes successful, comme Isabelle Kocher, PDG d’Engie ou Christine Lagarde, Directrice Générale du Fond Monétaire International (FMI), démontrent qu’une femme peut tout avoir.

Si l’on peut tout avoir, y a-t-il un prix à payer ?

Les statistiques montrent que les femmes sont davantage confrontées à des situations d’épuisement professionnel, le fameux burnout. En effet, celles qui travaillent dans les métiers d’accompagnement et du soin sont deux fois plus victimes du burnout que les hommes, et globalement,63% des mamans qui travaillent se déclarent « épuisées ». Selon les statistiques récentes, le burnout parental - sujet encore tabou - toucherait 10% des familles en France.

Les modèles traditionnels conservent encore une subtile influence, de manière consciente ou inconsciente au sein des foyers. Les femmes sont considérées comme des « care givers », elles s’occupent des enfants malades et elles incarnent le don de soi. Les charges mentales à la fois professionnelles et personnelles pèsent lourd sur leurs épaules et il est encore très compliqué de sortir de la culpabilité. Avec les nouvelles technologies, les femmes qui occupent des postes à responsabilités sont sollicitées en permanence. Malgré la loi sur le droit à la déconnexion, les cultures d’entreprises exigent une disponibilité à 120%. En 2017, une étude récente de Erin Reid et Robin Ely a montré que, malgré le fait que les entreprises ont intégrées des programmes pour favoriser l’équilibre vie professionnelle / personnelle, les femmes n’avancent pas. La faute, entre autre, à la culture d’entreprise qui exigent de nos jours une disponibilité 24h/7j.

Ces femmes qui veulent tout réussir sont-elles des cas exceptionnels ? Dans un article du Monde, la sociologue Valérie Broussard s’exprime sur les femmes qui parviennent à atteindre les plus hautes sphères dans le secteur de la finance et du conseil. Celles-ci s’endurcissent et adoptent des comportements perçus/étiquetés comme masculins. Très souvent, ces femmes n’ont pas d’enfants ou un conjoint qui met sa carrière entre parenthèse pour s’occuper de sa famille. Dans ce cas de figure, les modèles traditionnels sont inversés car la femme est le « bread winner » et l’homme le « care giver ».

La réussite professionnelle est aussi plus complexe à gérer dans les couples à double carrière. L’expérience montre qu’une approche équilibrée serait la solution : cela implique que les deux partenaires soient prêts à mettre -pour un certain temps- leurs carrières en stand-by dès lors qu’il y a une famille à élever.

Certaines femmes « sacrifient » leur carrière pour pouvoir s’occuper des enfants. Jusque très récemment, la plupart travaillaient davantage à temps partiel et s’absentaient souvent plus tôt pour aller chercher les enfants à l’école.

Finalement, peut-on tout avoir en tant que femme ou faut-il arrêter de se raconter des histoires ?

Les réponses dépendent bien souvent du statut social des femmes ou de perceptions évoluant au fil de la vie. Les jeunes femmes - comme nos mères quand elles avaient notre âge - ont envie de tout avoir : elles rêvent d’une vie familiale accomplie, d’une vie sociale riche et pleine d’opportunités professionnelles. Cette vision évolue donc avec le temps.

La notion de choix apparait la plupart du temps à l’arrivée du premier enfant La maternité peut alors changer leurs priorités. Cela peut sembler stigmatisant, mais c’est un fait : seulement 13,5% de la population féminine n’a pas d’enfant à la fin de sa vie féconde. Nombreuses sont les études qui expliquent le phénomène du « motherhood penalty », qui regroupe les inégalités quasi-systématiques en termes de salaire, de compétence perçue et d'avantages par rapport aux femmes sans enfant

Alors, comment faire les « bons choix » ?

C’est évidemment très personnel : il n’y a pas de bon ou de mauvais choix en soi. On prend une décision, dans un contexte donné, avec ses moyens mais pour la majorité, il consiste plutôt à s’investir davantage d’un côté (professionnel ou personnel), pour se préserver dans l’autre, car une étude récente l’a démontré : les femmes délèguent moins que les hommes. Il peut donc sembler plus difficile d’être présente sur tous les fronts A l’évidence, ces choix peuvent évoluer au fil du temps. Dans notre société actuelle, il est indispensable de développer nos capacités de négociation et d’apprendre à déléguer. Attention au perfectionnisme qui pourrait nous jouer des tours. Il faut veiller à garder du temps pour soi et se déconnecter pour vivre pleinement sa vie.

Alors, femmes de toutes les générations, gardez confiance et gardez en tête qu’une vie réussie passe toujours par des choix!

Version plus longue d'un article paru dans Forbes, N°7, 2019, p.100

Isabelle Goyon

Redonnez du sens et un nouvel élan à votre carrière • J'accompagne les femmes dans leurs transitions pro et le développement de leur leadership, en France et à l'international 👉 Bilans, coaching et formations (Qualiopi)

5 ans

Merci Christine pour ce bel article ! Apprendre à déléguer (et accepter de lâcher le contrôle sur certains aspects de sa maison ou de son travail) me parait en effet essentiel... Et j'ai coutume de proposer à mes clientes : "On peut tout avoir, peut-être pas tout en même temps..."  Les choix ne sont jamais définitifs et liés au contexte, à l'envie et au besoin du moment.

Alline CAVALCANTI

🌸 raconte des petites histoires 🌸

5 ans

J'ai longtemps pensé que Oui, mais avec le temps je finis par penser que Non #insomnie #etpourtantbébédort #chargementale

Isabelle Roux-Trescases

Directrice Départementale des Finances publiques de Seine-et-Marne, Coach en formation Dauphine

5 ans

Et si on décidait en tant que femme de ne plus culpabiliser de mener de front , avec bonheur, ses vies professionnelle, personnelle, familiale, amicale, son job, ses enfants, son conjoint, et de garder aussi du temps pour soi ? Et si c’était aussi cela, surmonter quotidiennement le plafond ( ou son propre ) plafond de verre ? Prendre cette liberté de tout concilier, en s’ appuyant sur tous ceux que l’ on entoure et qui nous entourent ?

Karine LEPRETRE

coach en développement professionnel

5 ans

Je n’irais pas jusque là mais je dirais plutôt qu’on peut avoir autant que les hommes. Pour autant, nous devons intégrer une donnée qui nous est spécifique: la grossesse et ensuite l’impact que nos bb aurons sur notre vie pro et perso. Parce qu’on ne va pas se voiler la face, il y aura mais autant des positifs que « négatifs ».

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