Philosophie nomade

Philosopher avec des détenus dont certains viennent de se prendre 20 ans d’enfermement et ne semblent pas bien comprendre pourquoi ni ce qui leur arrive, reprendre la route, philosopher dans des villages du Haut-Jura, avec des enfants qui découvrent à peine la vie. Ils ont 5 ans ou 10 ans, ils ont compris déjà pas mal de choses et ne se gênent pas pour le dire. C’est après peut-être que ça va se compliquer pour eux, s’ils se plient sans recul critique (comme tout les y invite) aux impératifs de notre société qui pousse plus souvent à apparaître, à plaire, à être conforme, à réussir vite, qu’à être, qu’à s’interroger sur soi et sur le monde environnant, qu’à savoir ce qu’on veut vraiment et ce qu’on ne veut pas et prendre le temps de patiemment se construire.

Prendre la route encore et se retrouver avec des membres d’un conseil municipal. Tiens on pourrait changer un peu les règles du jeu habituel dont on n’a pas toujours conscience, changer les habitudes des prises de parole. Comme tout changement d’habitude, cela permet de prendre un peu de recul, de regarder comment on fonctionne pour fonctionner peut-être un peu autrement.

Philosopher non pas pour dire ce qu’il faut penser, ni même comment d’autres ont pensé avant nous, mais inviter à penser tout de suite ici maintenant. Penser ce qu’on pense, l’examiner, le critiquer : n’est-ce pas surprenant, ne vois-tu pas un problème dans ton idée, entends-tu la critique qu’on peut lui adresser ? Changes-tu d’opinion ou bien conserves-tu la même maintenant que tu as entendu cette critique ? Et si tu ne changes pas, est-ce pour une bonne raison ou simplement parce que tu as peur de perdre la face ? 

Philosopher penser ce qu’on pense, se regarder penser et observer quelques blocages cognitifs, certains sont déroutés, c’est si peu habituel, ils n’aiment pas et rejettent, d’autres trouvent cela à la fois drôle et libérateur.