PISCINES: notre métier doit-il se réinventer ?

PISCINES: notre métier doit-il se réinventer ?

Nous connaissons actuellement une période de notre histoire totalement inédite.

L’impact de cette pandémie sera des plus importants en termes de retombées sociales, économiques et politiques.

Aucun élu n’a déjà croisé lors de l’exercice de ses responsabilités durant ses mandats ce genre de catastrophe mondiale.

Le monde de demain sera différent, forcément, avec des effets plus ou moins définitifs sur les hommes et les femmes qui pratiquent nos centres aquatiques, dans leur mode de consommation de nos prestations.

Cela m’amène à quelques réflexions sur ce qui peut nous attendre dans les années à venir, au risque de mettre à mal certaines zones de conforts !

Le concept de FMI global établissement 

Comment peut-on adapter ce que nous allons vivre lors des réouvertures de sites à une démarche à plus long terme ?

L’idée de déterminer un nombre maximum d’usagers dans un établissement aquatique avec pour règle absolu le 1 mètre carré pour une personne est incohérent.

C’est bien méconnaitre l’attractivité des bassins ludiques, à l‘eau bien agréable au niveau de la température, à la profondeur accessible au plus grand nombre et aux animations plus attirantes les unes que les autres.

Vous savez combien la proximité des usagers dans ces bassins est bien plus conséquente que dans les bassins sportifs, sans même évoquer les périodes de chaleurs importantes qui font que les clients ont bien du mal à se mouvoir à travers la foule d’usagers.

En 2004, lors de ma première approche du métier de conseil aux collectivités, j’avais évoqué l’indispensable nécessité de calibrer la superficie des bassins ludiques au minimum des 2/3 de la surface totale des bassins sportifs.

Aujourd’hui encore, je constate des programmes dépassés qui donneront des équipements qui ne correspondront pas aux réels besoins des usagers.

Il est temps, comme l’évoque la cour des comptes dans son rapport de 2018 (« les piscines et les centres aquatiques : un modèle obsolète ») d’adapter l’offre aux demandes de la clientèle.

Alors, comment adapter les prochains équipements pour que cette attractivité du ludique soit à la hauteur des attentes des administrés des collectivités ?

Les bassins inox permettent (Myrta, HSB, Baudin et Zeller) la mise en place de fonds mobiles qui étendent les possibilités de pratiques à faible profondeur dans les bassins sportifs (scolaires, aquagym, baignade pour les plus petits, …).

C’est pour moi un incontournable qui permet d’absorber les demandes de nos usagers…

Mais voilà, 99,9% des équipement sont déjà en fonctionnement. Que faire alors ?

Réservation et paiement en ligne

Il sera nécessaire de procéder au concept de réservation déjà présent et opérationnel dans beaucoup d’ERP sportifs et culturels. Grâce à cette approche, il nous sera possible, en amont de l’accueil du client, de qualifier sa zone de pratique ainsi que sa durée de présence sur le site.

Rien de révolutionnaire me direz-vous. Alors, pourquoi si peu de centres aquatiques pratiquent cette approche ?

Je pense que notre métier est encore un vieux métier, avec des pratiques et des protocoles complètements dépassées dans 90% des organisations en place.

Donc, au risque d’attirer certaines résistances au changement, bien ancrées dans notre beau pays, voici ce qui sera la donne dans les années à venir, dans le fonctionnement des centres aquatiques :

Tarifs d’entrées adaptés aux revenus des usagers

Le prix de l’entrée sera établi en fonction des critères de revenu (quotient familial) et d’heures de pratique. Certaines collectivités pratiquent déjà ces tarifs adaptés, comme Valbonne par exemple qui « sponsorise » l’entrée des plus défavorisés.

Exemple : un enfant issu d’une famille à revenus modestes paiera 2 euros pour une pratique de la baignade d’1H30 le matin, et 3 à 4 euros lors des pics de fréquentation de l’après-midi pour la même durée. Le règlement et la réservation se feront en ligne, avec le choix du bassin de fréquentation. Un bracelet de couleur lui sera remis à son arrivée afin de matérialiser le bassin choisi lors de la réservation.

Des abonnements dépassés 

A la création de mon premier club d’aquafitness en 1987, je pratiquais la vente d’abonnements annuels, ce qui me permettait de m’assurer d’une belle trésorerie dès la rentrée. A mon arrivée en 2002 dans un groupe « DSP Piscines » qui ne pratiquait pas ces abonnements, j’ai lancé ce concept qui a ensuite fait des petits.

Mais cette approche est orientée « finances entreprises » et non clients !

Se mettre à la place du client, c’est lui proposer les meilleures conditions de pratique, sans engagement et avec la liberté d’aller voir autre part quand il le souhaite. Cela implique bien-sûr d’être très bon dans nos métiers pour conserver la confiance des pratiquants !

L’idée de ne payer que ce qui est pratiqué va maintenant de soi. Si je souhaite faire un sauna après mon aquagym, je règle l’option en amont en ligne. C’est simple et transparent pour tout le monde. 

Il sera donc nécessaire, très prochainement, pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, de repenser la grille tarifaire des centres aquatiques afin de « penser client » plutôt que « trésorerie », tout en gardant à l’esprit que les déficits des piscines sont tels qu’une majoration des tarifs devra est réalisée.

La comparaison rapide avec une séance de cinéma de 2H à 10€ est dans la tête de bien de nos administrés.

Bien-sûr, le cinéma n'est pas service public et se doit d'être rentable, ce qui 'n'est pas le cas d'une piscine. Mais, au regard de la baisse des deniers publics et des dotations de l'état, cette comparaison peut être entendue.

Il est donc temps d’agir au risque de voir certains équipements fermer leurs portes pour raison économique et faute d’avoir fait ce qui était indispensable en temps et en heure.

Une prise en charge 360°

L'idée de ne pas se limiter à la présence physique des clients sur site fera sont chemin.

En effet, une cliente qui fait de l'aquagym souhaite sans doute un suivi de son alimentation, peut-être un coaching pour faire face à un nouveau challenge, un accompagnement physique à domicile, un échange avec un sophrologue pour retrouver le sommeil...!

Offrir des services supplémentaires permettra de monter naturellement en gamme nos différentes propositions commerciales.

Des banques d’accueil qui serviront à accueillir

Le règlement de l'entrée ou de la séance d'aquagym se faisant en ligne, ou via des distributeurs automatiques (attention toutefois car ce concept implique l’acceptation par défaut du client qui s’est déplacé, malgré une FMI atteinte, au risque de connaitre des tensions inutiles), les agents d’accueil seront orientés « satisfaction client » sur l’ensemble des espaces situés en amont des tripodes.

Ce sera bien plus gratifiant que la vente de billets d’entrée à la chaine… 

Des tripodes qui deviendront des portes automatiques

Les tripodes que nous connaissons depuis de nombreuses années seront remplacés, comme sur un centre parisien que j’ai géré quelques années, par des portes automatiques inviolables et non franchissables (comme dans certaines sorties de métro).

C’est outil permettra d’éviter les fraudes de manière radicale et connaitre la vraie FMI…

Une baisse de la FMI 

J’ai nagé. Beaucoup. Comme certains d’entre vous !

L’idée d’avoir une personne pour 1M2 dans un bassin sportif est une folie, sauf pour ceux qui ne connaissent pas notre sport.

Être à 8 ou 10 nageurs dans une ligne de 25M est déjà très inconfortable. Ces 10 nageurs, c’est juste (25X2,5)/10 = 6,25M2 par personne

Alors, comment concevoir que l’on puisse atteindre les FMI actuelles avec si peu de nageurs en bassin sportif ? Le bassin ludique ne devient-il pas un bouillon de culture ? Les espaces extérieurs sont-ils adaptés ? Qui gère ces espaces ?

D’où l’idée du bracelet couleur/bassin, avec les critères suivants 

  • Bassin sportif (mode lignes de nage) : 1 personne pour 5M2 (c’est déjà très peu de surface pour les nageurs, et en espérant qu’ils ont un niveau équivalent…)
  • Bassin sportif (mode baignade) : 1 personne pour 3M2 
  • Bassin ludique (hors COVID) : 2 personnes pour 3M2 (ce qui est déjà la règle dans les bassins extérieurs)

Pour exemple, un équipement qui dispose d’un bassin sportif de 375M2 et d’un bassin ludique de 200M2 peut accueillir jusqu’à 575 personnes en simultané aujourd’hui. J’ai pratiqué ces FMI en tant que patrons de sites et je peux vous assurer que pour notre personnel, c’est juste une horreur.

Avec une FMI retravaillée, nous passerions à 200 à 250 personnes maximum, avec, grâce aux créneaux de pratiques, un nombre d’usagers identique sur le global journée.

Apprentissage de la natation 

J’ai été maître-nageur dans les années 80, et j’ai pratiqué l’enseignement de la natation à beaucoup d’enfants via des formules de 10 leçons (avec une ou deux de plus pour ceux qui avaient des difficultés). L'objectif n'était pas de nager le papillon, mais bien de rendre autonome l'enfant, capable de se.déplacer, sans accessoire de flottaison.

Donc, comme pour les abonnements évoqués plus haut, l’idée d’un engagement à l’année ne me semble pas pertinente en termes « bénéfice client » sachant qu’apprendre à nager en 10 / 12 leçons est largement résiliable pour 90 à 95% des enfants.

Je pense même que cet apprentissage en groupe devrait être gratuit pour tous ceux qui ne peuvent pas bénéficier de la natation scolaire. 

Il nous appartient de contribuer largement à la réduction du nombre de noyades qui chaque année fait les gros titres.

Bien-sûr, les enfants qui souhaiteront se perfectionner, via les équipes de MNS ou les clubs seront engagés durant l’année scolaire. 

Une plus grande considération des équipes en place

Quelque soit le mode de gestion (régie ou DSP), la réussite d’un centre aquatique est, en très grande partie, liée à la mobilisation des équipes en place, sous l’impulsion du directeur de centre, leader exemplaire et mobilisateur de son organisation. 

Je constate depuis plus de 30 ans que des zones de confort incroyables se sont installées au détriment même de ceux qui en bénéficient. 

L’idée que certains agents soient des éléments qui bloquent le développement de certaines organisations est un fait. Mais de quoi cela vient exactement ?

Je pense qu’il y a un manque de considération de la difficulté du métier, des rémunérations faibles par rapport aux risques, un service piscine très décalé par rapport aux autres services municipaux, un rapport employeur / employé inversé dans l’offre et la demande, une image du maître-nageur qui s’est dégradée au fil du temps, …

Ce qui est certain, c’est que nous devons changer le modèle actuel d’exploitation en mettant tous les acteurs de terrain devant le risque de fermeture définitive de certains centres aquatiques.

Bien des solutions existent pour maîtriser les charges, développer les recettes et mobiliser les équipes. Il faut juste le vouloir et passer à l’action.

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Benoit LAFARE

Consultant Logiciels Tourisme chez Ingénie

4 ans

Bonjour François, nous équipons plusieurs centres aquatiques ou aqualudiques (Vitam Parc (74) en billetterie, contrôle d'accès et monétique et nous partageons vos réflexions sur l'obsolescence du modèle. Nous avons produit pour le court terme une solution de billetterie en ligne avec réservation créneau horaire et gestion de jauge de l'équipement, et contrôle d'accès simplifié et sans contact. OMNIRIS TECHNOLOGIES. A votre disposition pour travailler sur la 3ème voie...

BOUVET Michel

ingénieur Expert "Piscines Publiques"

4 ans

La réflexion est intéressante que l'on partage les conclusions intégralement ou pas

Florian Rouzaud

Directeur du pôle Développement Territorial chez Espelia

4 ans

Les gestionnaires de piscines, de tout bord, doivent effectivement se réinventer et rattraper leur retard par rapport à d’autres secteurs d’activités, en s’inspirant par exemple des méthodes de pricing mises en place sur de nombreux golfs (modulation heures creuses/pointes, paiement au nombre de trous joués, etc.). Trop peu de collectivités se penchent sur la tarification des piscines, préférant se concentrer sur d’autres services publics tels que la petite enfance ou la restauration collective. C’est pourtant un levier d’action pour leurs administrés en dépit de la baisse des financements des collectivités, permettant ainsi de moduler l’offre en fonction des publics concernés. Cet important travail est bien trop souvent circonscrit à l’échelle des grandes agglos et métropoles (Strasbourg, Brest, Caen, pour ne citer qu’eux) et mis de côté, faute de temps/moyens/compétences, dans les collectivités plus modestes …

Romain Jovignot

Directeur d'établissements

4 ans

Merci ✅ François ROSENBLATT pour ces pistes de réflexions sur l'indispensable approche Client, sur l'inversion de la relation salarié/employeur du fait de la pénurie et sur l'image véhiculée par les staff et celle perçue de l'extérieur du métier. Pour ajouter une remarque, il est nécessaire aussi de se questionner opérationnellement et en termes de formation sur "l'attitude et surveillance en poste".

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