P.L. BLUES
Arcachon, un soir de match de football, à la lueur des projecteurs sous une bruine froide et pénétrante,

P.L. BLUES

En décembre 2014, je suis correspondant de presse et photographe pour La Dépêche du Midi / Le Petit Bleu d'Agen et, en ce 20 décembre, le calendrier m'envoie du côté d'Arcachon pour y couvrir la rencontre entre le FC Bassin d'Arcachon 2 et l' ASSA Pays du Dropt. Le match compte pour le championnat de Promotion de Ligue (aujourd'hui Régionale 4) de la Ligue de Football d'Aquitaine. A quelques jours de Noël et au milieu des matchs reportés à cause des intempéries, la rencontre est confirmée et va se dérouler dans le froid, sous une bruine océane pénétrante et dans l'anonymat le plus complet. Seul média présent, je vais faire le job jusqu'à la dernière minute de la rencontre et écrire, au coeur de la nuit, ce texte intitulé "P.L. Blues"...

A quoi sait-on que l'on joue un match de Promotion de Ligue un samedi soir sur Terre en hiver ?

Tout d'abord, les tribunes qui résonnent d'un silence assourdissant. Car après tout, que pèse un match de "Division 9" sous l'éclairage blafard des projecteurs face aux lumières d'un match de Ligue 1 que le spectateur verra bien au chaud, chaussons aux pieds et apéro à la main, devant sa télé, loin des rafales d'un vent froid mordant et capricieux ?

Et puis ce match, c'est celui de la réserve dont on regardera le résultat de toute manière lundi matin, à la page des sports. Et puis c'est un niveau trop bas, la réserve, pour qu'on affronte le froid qui vient de l'Océan, le cul sur une planche de bois inconfortable et posée sur des gradins en béton qui vous gèle les miches au bout de dix minutes.... Et puis, et puis, c'est qui l'adversaire ? Quoi ? Comment tu dis ça ? Ca existe ???? Et c'est de quel coin, ça ? Les Landes ? Le Lot-et-Garonne ? Encore un truc paumé dans la cambrouse du Périgord sans doute... Mouais, autant rester sur le canapé, bien au chaud. Le PSG, Monaco ou Lyon, c'est quand même plus "bandant" qu'un match de PL sous la tribune tournée aux quatre vents. Non mais...

C'est aussi l'arbitre qui arrive seul, le sac calé sur l'épaule, découvrant son "théâtre des rêves" en même temps qu'il n'aura ni arbitres de touche ni délégué. Il me salue, me serre la main et s'engouffre dans les couloirs à demi-éclairés des vestiaires, situés sous la tribune. On le salue également et on lui indique avec sympathie et déférence "son" vestiaire... Un vestiaire exigu, avec un banc, quatre patères, une douche, un wc et une feuille de match à remplir. Et c'est à peu près tout. Plus spartiate, tu meurs...

C'est un dirigeant que je croise, celui du "coin paumé de la cambrouse" du club qui vient et qui vous raconte son combat quotidien pour faire (sur)vivre son club, les subventions qui disparaissent, les jeunes qui s'exilent vers les "villes" de moindre solitude, pour des clubs un peu plus "huppés" sportivement... Des partenaires qu'il faut sans cesse relancer ou convaincre pour mettre la main à la poche, au moins pour l'achat de quelques ballons supplémentaires pour l'école de football du club; les "tensions" avec les équipes de villages encore plus petits mais qui refusent la fusion, de peur "qu'on ne parle plus de nous"... Rien à voir avec les joueurs de l'équipe réserve dont la 1 joue au niveau national. Encore que... Et en plus, la buvette n'ouvre que les soirs de match de la 1... Plus clinquant et plus populaire qu'un match de PL, c'est certain. Alors la cahute restera fermée ce soir. Adieu veaux, vaches, cochons, cafés, bières et sandwiches.. L'affiche ne fait pas "rêver"... La recette serait ridicule. Et puis il fait froid, on n'est pas à l'abri d'un grain de cet océan tout proche. Et puis, y'a le PSG, ce soir... Vous savez, à la télé sur Canal +... Alors pour un match de PL où viendront un pélé et trois tondus...

Tiens, voilà une dizaine de personnes qui s'installe en tribune d'un seul coup !!! Jouera-t-on à guichets fermés, ce soir ? Ironie mordante comme le froid qui augmente tout doucement. Je relève un peu plus mon col...

Le match démarre dans une indifférence quasi générale. Dans ce stade vide, on entend la moindre directive des coachs sans effort, depuis l'autre côté du terrain. Quant aux coups de gueules, on a l'impression qu'ils vont être carrément entendu à l'autre bout du département... Les vingt-deux acteurs vont disputer leur match, peu importe la météo, le froid mordant ou le "public" clairsemé. Le championnat reprend ses droits en quelques minutes seulement. Premières actions, premières offensives, premiers tacles. L'enjeu prend le pas sur le jeu. Le premier doit rester premier et le dernier ne doit plus être dernier...

C'est un de ces matchs de Promotion de Ligue, de la Ligue et Districts de Football d'Aquitaine - Officiel, une rencontre du foot "d'en bas", loin des lumières du Parc des Princes, du Vélodrome, de la Beaujoire, de Gerland... un comme il s'en joue quelques centaines en France à la même heure ou demain après-midi. C'est mieux l'après-midi d'ailleurs. La buvette sera sûrement ouverte pour un café, une bière ou un sandwich... Et puis surtout, le match se jouera avant la rencontre que diffusera Canal + le dimanche soir. Cela ne gate rien finalement... Pas comme un samedi soir sur Terre, en hiver...

22h15... L'arbitre siffle la fin du match. Les joueurs des deux camps, mouillés, transis, éreintés se serrent la main et foncent vers les douches. Les locaux l'ont emportés 2-0 sur les visiteurs. Les premiers resteront donc premiers et les derniers resteront derniers. Quant à moi, il est temps de rentrer pendant que le stade, doucement, pylône après pylône, plonge dans le noir d'une nuit sans étoile. Je taperais mon article demain...

Identifiez-vous pour afficher ou ajouter un commentaire

Autres pages consultées

Explorer les sujets