Plus tard, le moment présent !

J’ai remarqué que quand j’ai un problème qui m’encombre, mon monde se divise souvent entre ceux qui partagent mon souci principal et ceux qui n’ont pas mon souci.

 

Par exemple, si je suis migraineuse – je ne le suis pas, mais c’est pour prendre un exemple – si je me sens très handicapée par des migraines à répétition, je vais être attentive à celui qui, dans le bus, dira qu’il a très mal à la tête, depuis trois jours. Oui mais sauf que lui, au moins, il peut sortir quand il a mal à la tête ! Et si, dans un même bus, je vois un groupe d’ados qui s’esclaffent, je vais me dire qu’ils en ont de la chance de ne pas avoir mal à la tête. D’ailleurs, je suis sûre qu’ils ne savent pas ce que c’est, bande de veinards !

 

Et me voilà en train de m’apensantir sur la difficulté à laquelle on est confronté quand on a mal à la tête. Et je soupire. Et je me souviens du bon temps où je n’avais pas encore ce problème. Je ne connaissais pas ma chance, n’est-ce pas ? Ce que j’en ferais, des choses, si je n’étais pas sujette à ces migraines qui me jettent à terre ! Je jardinerais, j’irais danser, je partirais pour un trekking dans la brousse, je ferais du yoga (ah non, pas du yoga), des longueurs dans la piscine, des grillades avec mes amis…

 

Cette façon de voir la vie, je peux la décliner joyeusement avec toutes les embûches que je rencontre. Tiens, au hasard, pour Easy2family : Je me sépare, je divorce. Et en prime, j’ai des enfants en bas âge ! Mon œil scanne les humains que je rencontre. Ils sont seuls, ils semblent tristes. Ah ben j’imagine que lui, il doit être en pleine séparation, comme moi ! Ouhlàlà, c’est vraiment dur. Son téléphone sonne, il s’anime. « Coucou mon amour, tu es passée chercher les enfants ? »…. Suivant mon humeur, je l’insulte silencieusement, car grâce à ma projection, je me sentais moins seule et il vient de me casser la baraque. Ou alors, je me replie sur moi : Ben évidemment, je suis la plus malheureuse du monde, quand je pense à ce que m’a fait mon idiot d’ex…

 

Et comme Bridget Jones, je vois ma vie se dérouler tristement jusqu’à la fin de mes jours où je finirai dévorée par mon Saint-Bernard… Bon pas tout de suite parce que là, je dois aller chercher le petit à la crèche et qu’en prime, je n’ai pas de Saint-Bernard !

 

La déprime des parents divorcés de jeunes enfants ne dure pas très longtemps, parce que le quotidien vient nous tirer par la manche et nous rappeler à l’ordre du monde. La crèche ferme, viiite !

 

N’empêche : dès que j’ai une minute, je me replonge dans ce désespoir confortable, dans ce malheur qui ne questionne rien. D’où son aspect assez confortable. Le méchant, c’est l’autre. Pas que mon ex, mais aussi tous les autres. Les autres et leur couple insolent. Les autres qui s’engueulent au supermarché, mais qui ne sont pas seuls, eux. «T’en es sûre ?» me sussure la voix de ma conscience…

 

Vivre le moment présent, m’assènent les piles de livres de développement personnel que j’ai achetés sans les lire. Ils s’entassent allègrement dans ma bibliothèque. Oui, d’accord, je vivrai le moment présent, plus tard ! Pour le moment, c’est pas possible. Je suis occupée, je suis malheureuse, je suis dépitée et je dois perdre cinq kilos. Et puis j’attends la retraite, j’attends d’avoir rencontré l’homme de ma vie, j’attends d’avoir retrouvé un boulot, j’attends que mes enfants soient hors du nid.

 

J’attends… et ma vie passe.

 

J’aimerais tellement être libre, tellement être moi-même !

 

Ah ouais, ce serait chouette, mais pour ça il faut des sous… Bon, alors c’est loupé. Pas de sous, pas de liberté, voilà, cric crac, le piège s’est refermé. Je serai libre… plus tard, quand j’aurai des sous !

 

Et tout est à l’avenant, même si ce n’est justement pas très avenant.

 

Je vois bien que ce n’est pas la solution.

 

Donc… vivre le moment présent, leçon 1, chapitre 1. Etre dans la gratitude. Ouïe, ça me gratte, justement, il faut que j’aille voir le dermato pour cette plaque sur mon bras. C’est sûr, c’est mon empaffé d’ex qui m’a mise dans tous mes états.

 

Bon… je crois que je dois vous laisser. Je sens bien qu’il y a quelque chose de vrai, dans cette gratitude à la noix, mais comment faire pour être content de sa vie quand on n’est pas content de soi ?

 

Justement, me fredonne, implacable, ma petite voix : Et si tu commençais par toi ?

 

C’est ce que je disais. Je dois vous laisser, là, car il y a urgence. Commencer par moi, pour accueillir le monde en moi.

 

Vaste programme !

 

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